Congé parental, infertilité... Emmanuel Macron fait-il fausse route pour réarmer la démographie ?
Les experts préviennent d'un sujet multi-factoriel et regrettent l'absence d'éléments clés dans le choix d'avoir un enfant, comme le logement ou les prestations.
Objectif "réarmement démographique" pour le président. Durant sa conférence de presse, le chef de l'État a souhaité une "relance de la natalité" qui rendra la France "plus forte", alors que l'Insee recense dans son dernier bilan 678 000 naissances en France en 2023, soit une baisse de 6,6% par rapport au dernier bilan et un plus bas jamais enregistré depuis la Seconde guerre mondiale.
Emmanuel Macron annonce la mise en place d'un "congé de naissance" pour remplacer le congé parental actuel, qui permettra aux deux parents "d'être auprès de leur enfant pendant six mois s'ils le souhaitent" pic.twitter.com/keDqMLVtlo
— BFMTV (@BFMTV) January 16, 2024
Pour mener à bien cet objectif, Emmanuel Macron a annoncé la réforme du congé parental, remplacé par le congé de naissance, ainsi qu'un grand plan de lutte contre l'infertilité. À la place du congé parental, rémunéré 428,71 euros à temps plein et d'une durée de trois ans maximum, un congé naissance "mieux rémunéré" et qui permettra aux deux parents "d'être auprès de leur enfant pendant six mois s'ils le souhaitent", comme l'avait esquissé Aurore Bergé, ministre des Solidarités, en juillet dernier.
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"Quel montant ? Que se passera-t-il après ce congé?"
Si l'Union nationale des associations familiales (Unaf) se dit satisfaite de la volonté affichée par le gouvernement de réformer le congé parental et de mieux l'indemniser, elle reste attentive à la suite des annonces.
"Quel montant ? Que se passera-t-il après ce congé et avant les trois ans de l'enfant ? On ne peut pas supprimer un modèle long et qui permet de trouver des solutions d'accueil de l'enfant", interroge Guillemette Leneveu directrice générale de l’Unaf, qui prône un modèle comme celui des pays nordiques, avec un montant proportionnel au salaire, plafonné, qui a permis "à davantage de pères de prendre ce congé".
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En 2020, la commission "1000 premiers jours" proposait de mettre en place un congé parental de 9 mois partageable entre les deux parents, avec un niveau d’indemnisation qui correspondrait à un montant minimum de 75% du revenu perçu précédemment, quel que soit le statut. Objectif, permettre à l’enfant de rester avec l’un ou l’autre de ses parents pendant toute la première année et d’intégrer ainsi une structure d’accueil à 1 an.
"Penser que ce congé de naissance va pouvoir inverser la tendance est très ambitieux"
Fini le congé parental de trois ans donc, qui "éloigne beaucoup de femmes du marché du travail", selon le président. Une affirmation que tient à démentir la directrice générale de l'Unaf, qui rappelle que la moitié des bénéficiaires le prennent à temps partiel, donc ce congé n'éloigne pas du marché de l'emploi", et appelle le président à permettre "un congé à temps partiel jusqu'aux trois ans de l'enfant", âge à partir duquel l'école est obligatoire.
Un changement pour le congé parental insuffisant pour infléchir la tendance. "Ce n'est pas parce qu'on modifie le congé parental, qui peut être une bonne idée, qu'on va inverser la tendance. Il y a un lien entre les politiques d'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle et le niveau de natalité des pays mais penser que ce congé de naissance va pouvoir inverser la tendance est très ambitieux", relativise sur France Info Hélène Périvier, la présidente du Conseil de la famille au sein du Haut Conseil de la famille et de l'enfance.
Les questions du logement, de la confiance en l'avenir et des prestations oubliées
"Il n'y a pas qu'un seul levier pour relancer la natalité", rappelle Guillemette Leneveu directrice générale de l’Unaf, qui nomme notamment les prestations. "Comment faire en sorte quand on devient parent de ne pas trop faire chuter son niveau vie ? Il faut aussi redonner confiance aux familles, pour qu'elle puissent se projeter dans l'avenir, sans oublier la question cruciale du logement", détaille-t-elle.
Autre volet du plan annoncé par Emmanuel Macron pour le "réarmement démographique", un plan de lutte contre l'infertilité. L'article 4 de la loi bioéthique, promulguée le 2 août 2021, prévoyait déjà la mise en place d’un plan national pour lutter contre l’infertilité, qui n'a pas encore vu le jour. Un fléau qui touche 3,3 millions de personnes en France et en hausse chaque année de 0,3% chez l'homme, 0,4% chez la femme.
"Notre rapport a été publié il y a deux ans, il était temps"
En février 2022, des experts remettent au ministre de la Santé Olivier Véran et à Adrien Taquet un Rapport sur les causes d’infertilité intitulé "Vers une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité", dans lequel ils esquissent des pistes pour l'exécutif. Deux ans plus tard, ce rapport est évoqué par le chef de l'État.
"Enfin on va avancer plus vite. Notre rapport a été publié il y a bientôt deux ans, il a servi au Danemark, à la Finlande. Il était temps", soupire le professeur Samir Hamamah co-auteur du rapport et chef du service de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier.
Des causes médicales, environnementales et sociétales à l'infertilité
"L'infertilité peut s'expliquer par trois causes majeures : médicales, environnementales et sociétales. L'âge moyen du premier enfant est de 31,2 ans contre 24 ans il y a 30 ans. En cause, les études de plus en plus longues des femmes. Or, la fertilité optimale est à 25 ans puis décline. Cela, les Français ne le savent pas", nous explique le spécialiste.
À cet allongement de l'âge moyen auquel les femmes ont leur premier enfant, le spécialiste ajoute "la croyance excessive dans la performance de la PMA, alors qu'un couple sur deux quitte le circuit de la PMA sans enfant. Il y a donc un travail d'éducation collectif à faire", poursuit-il. Le rapport propose notamment que la question soit abordée dès le collège lors des cours d'éducation sexuelle.
"L'infertilité n'est qu'un élément pouvant expliquer la baisse de la natalité"
Le rapport évoque aussi comme éléments sociétaux la généralisation des techniques contraceptives, "une crise économique ou encore l’absence d’une politique publique facilitant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle".
S'y ajoutent les facteurs environnementaux, comme la santé avec l'obésité, le tabac et l'alcool qui ont un impact sur la santé reproductive, mais aussi les perturbateurs endocriniens : "Regardez autour de vous 5 à 10 kilomètres les déchetteries, les usines pétro-chimiques, l'agriculture intensive... vous en payez les conséquences sur plusieurs générations", prévient le chef du service de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier.
"L'infertilité n'est qu'un élément pouvant expliquer la baisse de la natalité, il faut revoir toute la politique familiale et nataliste", met en garde le professeur, dont le rapport esquisse six pistes d'amélioration de la situation.
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