Conflit LR/Ciotti : la direction provisoire du parti s’apprête à saisir la justice

« On a des statuts très lourds. Et d’ailleurs je voulais les refaire lorsque je me suis présenté à la tête de LR », reconnaît Bruno Retailleau, à la sortie de la réunion de groupe hebdomadaire. Effectivement, pour le moment les cadres de LR n’ont pas encore trouvé la parade pour déloger Éric Ciotti de la présidence de parti suite à son alliance avec le RN aux législatives. Par deux fois, le Bureau politique a voté son exclusion, avant que la juge des référés du tribunal judiciaire de Paris ne l’annule provisoirement dans l’attente d’une décision sur le fond.

L’état-major du parti, les fameux « chapeaux à plumes » tancés par Éric Ciotti, ont donc décidé de mettre ceinture et bretelles en appliquant scrupuleusement les statuts notamment l’article 24 qui prévoit que le président du parti doit convoquer le Bureau politique « à l’initiative d’un quart des membres du Conseil National, sur un ordre du jour déterminé ». Dans un entretien à Nice Matin, la présidente de la commission nationale d’investiture de LR, Michèle Tabarot, a indiqué que le parti avait recueilli « les signatures de plus de 700 membres du conseil national de LR » pour demander à Éric Ciotti de convoquer un troisième bureau politique « avec son éviction de la présidence » à l’ordre du jour.

Le nouvel allié du RN a jusqu’à demain pour convoquer le Bureau. Interrogé sur son intention de donner suite, l’intéressé s’est montré plus qu’évasif. « Je vais leur répondre […] Nous répondrons juridiquement à ces interrogations », a-t-il évacué ce matin sur BFM TV. De quoi laisser présager une poursuite du feuilleton juridique.

« On a gagné la bataille politique et on gagnera plus tard celle de la légalité »

A la réunion du groupe LR du Sénat, ce mardi, il était urgent de tourner la page au moins politiquement. « Ciotti va nous empoisonner la vie au niveau judiciaire. Il a du mal à comprendre que la légalité et la légitimité politique, ce ne sont pas les mêmes choses. On a gagné la bataille politique et on gagnera plus tard celle de la légalité », assure le sénateur des Pyrénées Atlantiques, Max Brisson.

La décision surprise d’Éric Ciotti de s’allier avec le RN avait poussé les cadres du parti à afficher dans l’urgence l’unité de la famille politique contre le choix personnel de son dirigeant, désormais une séquence plus complexe s’annonce. « Le temps du droit viendra. Maintenant, c’est la politique. Les Français qui sont engagés dans des associations sentent bien qu’un président tout seul, sans en référer à ses instances collégiales, ne peut pas faire prendre un virage à 180 degrés à son propre mouvement », appuie le président du groupe Bruno Retailleau.

Si Éric Ciotti refuse de convoquer le Bureau politique, et il semble en prendre le chemin, la direction provisoire du mouvement composée d’Annie Genevard, du vice-président exécutif du parti François-Xavier Bellamy et du trésorier, Daniel Fasquelle, va être contraint de saisir la justice pour que soit désigné un administrateur provisoire du parti. Ce dernier pourrait ainsi convoquer le Bureau politique à la place d’Éric Ciotti, comme nous l’ont indiqué plusieurs sénateurs et sénatrices LR. « En attendant, ce que j’observe, c’est qu’en préfecture, il (Éric Ciotti) n’a pas voulu déposer le logo LR. Le nuançage du ministère de l’Intérieur (pour ses candidats), c’est ‘’union de l’extrême droite’’. Pour le financement, il a rattaché ses candidats à son micro parti, ‘’les amis d’Éric Ciotti’’, ça veut tout dire », énumère Bruno Retailleau.

« Éric Ciotti ferait bien de balayer devant sa porte »

Le député sortant des Alpes Maritimes accuse, lui, ses anciens coreligionnaires de ne pas être à la hauteur des enjeux. « Nous sommes à la veille d’une immense alternance […] et on parle de débat juridique. Est-ce que tout cela est sérieux ? Est-ce que ces gens parlent de la France ? […] Ils espèrent le chaos pour mieux rebondir après. C’est pour ça qu’ils ne bougent pas », a-t-il taclé.

« Éric Ciotti ferait bien de balayer devant sa porte […] au regard de ce qui a fait, après avoir trahi et menti à sa famille politique. Ses arguments ne valent rien. Ils sont le fait d’une rancœur, d’une incertitude, d’une certaine peur. Si la majorité absolue n’était pas accordée au Rassemblement national, alors tout s’effriterait pour Éric Ciotti, qui perdrait potentiellement son poste de ministre qu’il a dealé avec le RN », fustige Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économique du Sénat.

« Éric Ciotti a très vite appris des méthodes de l’extrême droite : la calomnie et les fausses informations », conclut Max Brisson.