"Un concentré de tous nos maux": l'autoroute A69 Castres-Toulouse, symbole des luttes écologistes

"Il y a au moins une cinquantaine de projets du même type en cours. Mais c'est du nôtre qu'on parle le plus". C'est par ces mots que Laurent Prost, l'un des membres du collectif La voie est libre, résume le poids qu'a pris la lutte contre le projet d'autoroute entre Castres et Toulouse.

Les travaux de construction, dans les tuyaux, depuis plus de 20 ans, ont été lancés au printemps, malgré plusieurs recours d’associations environnementales. Ce week-end, plusieurs associations appellent à se réunir pour faire "le ramdam contre le macadam".

Le gouvernement veut tenir bon

Alors que près d'une dizaine de milliers de personnes sont attendues sur place, Clément Beaune, le ministre des Transports, a annoncé sa volonté de mener la construction de l'autoroute "jusqu'à son terme" prévu en 2025.

Une gageure dans un contexte de fortes tensions entre les mouvements écologistes et les forces de l'ordre, quelques mois à peine après les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre lors d'une manifestation contre les méga-bassines à Sainte-Soline.

Dans un territoire marqué par la mort de Rémi Fraisse contre un projet de barrage à Sivens en 2014, ce sont d'abord les associations locales qui ont commencé à lutter contre ce projet d'autoroute qui devrait faire gagner une quinzaine de minutes de voiture entre Toulouse et Castres.

"Les émissions de gaz à effet de serre ne s'arrêtent pas aux frontières du Tarn"

Puis, des collectifs plus identifiés au niveau national se sont greffés à cette lutte contre la construction de ces 53 kilomètres autoroutiers, à commencer par Les Soulèvements de la Terre.

Ce collectif est dans le viseur de Gérald Darmanin depuis les affrontements à Sainte-Soline. Le ministre avait annoncé sa dissolution à l'été avant de se voir contredit par le Conseil d'État qui a suspendu sa décision.

Ce mouvement qui défend des actions radicales face à l'accélération du réchauffement climatique a donné une visibilité nationale à la lutte contre l'A69, en mettant à l'honneur l'un des collectifs locaux.

"Quand on entend parler de ce projet, on peut se dire que ça ne nous concerne pas. Mais les émissions de gaz à effet de serre ne s'arrêtent pas aux frontières du Tarn", avance Geneviève Azar, porte-parole des Soulèvements de la Terre.

"On a presque envie de dire merci Monsieur Darmanin"

Le diagnostic est partagé par le conseil national de la protection de la nature. Il a jugé dans un avis consultatif en septembre 2022 que ce projet autoroutier "s'inscrivait en contradiction avec les engagements nationaux de lutte contre le changement climatique".

"Les opposants au projet plaquent sur lui des prérequis nationaux et calquent leur vision de la décroissance sur notre territoire qui parle à une partie des Français", analyse de son côté le sénateur centriste du Tarn Philippe Bonnecarrère, soutien au projet.

La cause a également eu une chance: celle d'être critiquée par le ministre de l'Intérieur. Quelques jours après les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre à Sainte-Soline, le ministre de l'Intérieur est auditionné à l'Assemblée nationale. Il évoque alors "la volonté d'installer une ZAD" sur le chantier de l'autoroute Castres-Toulouse.

"On a presque envie de dire merci Monsieur Darmanin qui nous a fait une publicité incroyable", se moque l'un des porte-paroles d'Extinction rebellion.

"Un concentré des maux de notre époque"

Suffisant pour faire venir le 22 avril au moins 4.500 personnes selon la préfecture du Tarn et plus de 8.000 personnes à Saïx, un petit village entre Albi et Toulouse ?

"Cette autoroute a tout d'une lutte emblématique qui est un concentré de tous les maux de notre époque et qui pousse à venir parfois de loin", décrypte le député insoumis de Haute-Garonne Christophe Bex.

"Un projet sorti des cartons il y a 30 ans quand on ne parlait pas de réchauffement climatique et quand on était dans le tout-voiture, des ministres qui montrent les muscles parce qu'ils savent mieux que tous les autres, la création de futurs supermarchés près des sorties d'autoroute. C'est assez fou quand même que les travaux continuent", regrette ce proche de François Ruffin.

"Besoin de joie dans des luttes qui se durcissent"

Autre atout dans la manche des opposants: une lutte qui cherche à s'inscrire dans la joie. Trajet collectif en vélo pour les militants qui souhaitent venir, concerts, méditation, garderie...

Le tout sur fond de communication décalée avec par exemple une parodie de Forrest Gump quand les militants ont traversé à pied les 53 kilomètres du tracé autoroutier qui compte notamment des terres agricoles et des terres naturelles.

"On a besoin de joie dans la militance dans des luttes qui se durcissent" avec l'accélération du réchauffement climatique, explique ainsi Geneviève Azar des Soulèvements de la Terre.

"Des actions spectaculaires"

"On a également eu la chance d'avoir un symbole très fort: Thomas Brail", reconnaît encore Laurent Prost de La voix est libre. Ce militant écologiste qui proteste contre la construction de cette autoroute, synonyme d'abattage d'arbres et de disparition de zones humides, a été en grève de la faim ces dernières semaines au sommet d'un platane à Paris.

Victime d'un malaise, celui qui a fondé le groupe national de la surveillance des arbres finit par être évacué. De quoi pousser la préfecture d'Occitanie à suspendre l'abattage d'arbres en cours, finalement repris.

"On a de la joie et des actions spectaculaires qui marquent les esprits, qui montrent qu'en se battant, on peut gagner", sourit un militant écologiste qui sera présent samedi.

Article original publié sur BFMTV.com