TOUT COMPRENDRE - Pourquoi la Ciivise est en crise quelques semaines après son renouvellement

Une vice-présidente mise en retrait, un président qui démissionne, des critiques des ex-membres... La nouvelle Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) connaît des débuts très difficiles, quelques jours seulement après avoir été officiellement installée.

• Une fin controversée pour l'ancienne Ciivise

Lancée en 2021, cette commission a été instaurée dans le sillage de la publication du livre de Camille Kouchner, "La Familia grande", qui dénonçait l'inceste commis sur son frère par le politologue Olivier Duhamel.

Composée de victimes et de différents acteurs de la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants (médecins, magistrats, associations...) elle a recueilli en trois ans près de 30.000 témoignages. La commission a également publié plusieurs rapports, sur le coût pour la société des violences sexuelles faites aux enfants par exemple.

Malgré ces travaux, les membres de la commission ont passé plusieurs mois dans l'incertitude, la fin de son mandat, prévue pour le 31 décembre 2023, approchant sans garanties du gouvernement. Puis, en décembre, le gouvernement a décidé de maintenir la Ciivise, mais sans son président, le juge Edouard Durand. Une décision vivement critiquée par plusieurs associations mais également de nombreux autres membres de la commission. Une dizaine d'entre eux a démissionné pour dénoncer l'attitude du gouvernement à son égard.

Auprès de Mediapart, le juge Durand a déclaré mercredi qu’"il a été mis fin à une mission, à une doctrine et à l’incarnation de cette mission et de cette doctrine". "Je ne dispose pas des informations qui me permettent d’expliquer la décision qui a été prise", a-t-il aussi affirmé.

• La nouvelle vice-présidente visée par une plainte pour agression sexuelle

Une fin de mandat difficile pour un début de Ciivise II également complexe. La commission a annoncé ce mercredi 7 février la mise en retrait de sa vice-présidente, la pédiatre et médecin légiste Caroline Rey-Salmon, visée par une plainte pour "agression sexuelle sur personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction".

Selon le récit de la jeune femme qui l'accuse, cette agression a eu lieu lors d'un examen gynécologique en 2020. En décembre 2019, la jeune femme, âgée de 20 ans, porte plainte à la brigade des mineurs de Paris pour des faits d’inceste qu'elle affirme avoir subis dans son enfance, entre 2004 et 2009. Lors de l'enquête judiciaire, la brigade de protection des mineurs l'oriente vers Caroline Rey-Salmon.

La jeune femme accuse la médecin d'avoir remis en doute son témoignage, avant de l'agresser. "Elle a posé ses doigts sur moi, a fait des mouvements de va-et-vient et m'a demandé de fermer les yeux et d'imaginer que c'était le pénis de l'agresseur afin de me souvenir du mouvement exact qu'il faisait", décrit-elle dans sa plainte.

"La vice-présidente se met en retrait total des travaux de la commission pendant tout le temps de l’enquête", a indiqué la Ciivise dans un communiqué, évoquant une décision "indispensable à la sérénité des travaux" et au maintien "de la confiance" des personnes victimes. Auprès de Franceinfo, Caroline Rey-Salmon a contesté "l'intégralité des accusations", sans en dire plus.

• Démission du président trois jours après sa prise de fonctions

Jeudi, c'est le président, Sébastien Boueilh, qui a annoncé sa démission, trois jours seulement après avoir officiellement pris ses fonctions. Ancienne victime d'inceste lui-même quand il était adolescent, l'ancien rugbyman est le fondateur et président de l'association Colosse aux pieds d'argile, qui lutte contre les violences sexuelles et le bizutage dans le sport.

"Depuis ma nomination le 11 décembre 2023, je suis la cible de calomnies, d’attaques personnelles, et la commission a fait l’objet de controverses qui ne permettent pas la sérénité nécessaire à la réalisation de ses missions", a-t-il déclaré dans un communiqué.

• Quel avenir pour la Ciivise?

Quel avenir donc pour la Ciivise, désormais décimée à sa tête? Le ministère de la Santé a annoncé jeudi soir qu'il "prenait acte" de la démission de Sébastien Boueilh. "Nous réunirons dans les prochaines semaines les acteurs du secteur pour étudier les suites à donner à la commission", a-t-il indiqué, sans plus de précisions.

Auprès de Mediapart mercredi, Edouard Durand a estimé que "la période de lutte pour maintenir la Ciivise telle qu’elle était, c’est fini". Il a appelé à "créer les espaces où l’on va continuer de faire entendre" la parole des victimes.

Article original publié sur BFMTV.com