Vladimir Poutine sans opposants: les enjeux de l'élection présidentielle aux airs de simulacre en Russie

Vladimir Poutine sans opposants: les enjeux de l'élection présidentielle aux airs de simulacre en Russie

Une élection qui n'en est pas vraiment une. Plus de 112 millions de Russes sont appelés aux urnes durant trois jours, du vendredi 15 mars au 17 mars, afin d'élire le prochain président. Au pouvoir depuis maintenant près de 25 ans, Vladimir Poutine est assuré de rempiler pour un troisième mandat consécutif.

Il a d'ailleurs déjà prévu un grand meeting au stade Loujniki de Moscou le lundi 18 mars, au lendemain de l'élection. S'il s'agit d'une présidentielle sans opposition, elle n'est néanmoins pas sans enjeux.

• Un scrutin sans opposants

Les dernières élections présidentielles russes présentaient jusqu'ici toujours un "opposant utile", un candidat toléré par le Kremlin qui symbolisait une sorte de vote contestataire mais toujours avec des résultats très faibles. Cette année, aucun candidat de ce type n'a été autorisé.

L'engouement autour de l'ancien député libéral Boris Nadejdine dans les cercles de l'opposition a fait qu'il a été interdit de candidater par la Commission électorale, tout comme l'ancienne élue municipale pacifiste Ekaterina Dountsova.

En outre, il est aujourd'hui presque impossible pour les détracteurs du Kremlin de se faire entendre: il n'y a quasiment plus d'ONG d'opposition actives sur le territoire russe et les manifestations sont toujours interdites en raison des règles du Covid-19.

• Des candidats fidèles au Kremlin

Hormis Vladimir Poutine, candidat à sa réélection, seuls trois autres candidats ont été autorisés: le nationaliste Léonid Sloutski, le communiste Nikolaï Kharitonov, un inconnu du public, et l'homme d'affaires Vladislav Davankov, issu d'un "faux parti" créé par le Kremlin il y a quelques années.

Tous soutiennent l'offensive russe en Ukraine et aucun ne critique non plus la répression qui sévit dans le pays, notamment lors de la mort d'Alexeï Navalny, ou encore la corruption. En somme, il s'agit là d'une "opposition systémique", c'est-à-dire acquise à Vladimir Poutine.

Ces candidats ne font pas campagne. Comme le rapporte notre correspondant à Moscou Paul Gogo, dans certaines régions, le Kremlin a même autorisé une certaine médiatisation de Léonid Sloutski pour qu'il récolte quelques voix, afin que le score de Vladimir Poutine ne soit pas trop "soviétique".

• Montrer que la Russie est unie derrière Poutine

Car l'un des objectifs de cette élection pour le président russe, c'est de trouver un équilibre entre donner un air crédible à ce scrutin, tout en sortant renforcé. Il se dit qu'il réclamerait d'avoir environ 85% des voix en sa faveur dimanche soir. Pour lui, l'enjeu réside notamment dans le taux de participation.

Ainsi, le Kremlin a déjà fait passer le message il y a quelques mois aux gouverneurs des régions du pays: il faut un taux de participation d'au moins 70%. Les autorités se sont investies pour pousser les Russes à se rendre aux urnes, en jouant sur la corde patriotique et en présentant le scrutin comme une étape essentielle vers la "victoire" en Ukraine.

De son côté, Vladimir Poutine a appelé les Russes à ne pas se "détourner du chemin" qu'il a fixé et à voter pour exprimer "une position civile et patriotique". "Il nous faut confirmer notre unité et détermination à aller de l'avant", a-t-il affirmé.

L'objectif est de prouver au monde, à ses propres élites et aux Russes que la population est unie derrière lui. Il s'agit notamment d'isoler ceux qui sont contre la guerre en Ukraine, et leur donner le sentiment qu'ils sont seuls.

• Contrôler le scrutin

Selon l'opposition, les autorités disposent d'outils éprouvés pour obtenir les résultats électoraux attendus: trucage des votes, pressions sur des millions de fonctionnaires pour introduire le bon bulletin, voire, dans les territoires occupés en Ukraine, menaces et intimidations massives.

En outre, de nouvelles techniques ont été mises en place: vote électronique, à domicile, sur plusieurs jours... Les trois réunis permettent dans les faits de contrôler complètement les votes, d'autant plus qu'il n'y a quasiment plus d'organismes indépendants pour observer les bureaux de vote.

Dans les territoires ukrainiens annexés par la Russie, un vote anticipé est en cours depuis fin février. Et dans les grandes villes, notamment à Moscou, une grande tombola est organisée dans les bureaux de vote pour inciter à venir voter et pousser la légitimité du président, allant de gains de bons d'achat dans des supermarchés à des voitures flambant neuves.

• L'opposition civile tente de s'organiser

L'opposition civile a été décimée par les exils et les emprisonnements de ses figures mais aussi de ses militants de base. Et elle vient de perdre son porte-étendard avec le décès en prison d'Alexeï Navalny.

Bien que l'élection soit jouée d'avance, l'opposition tente néanmoins de se faire entendre un minimum, à l'instar de Ioulia Navalnaïa, veuve de l'opposant, qui a repris l'appel à aller voter simultanément à midi pour montrer son opposition à Vladimir Poutine. Elle appelle même à écrire "Navalny" en grosses lettres sur les bulletins de vote. Des femmes de soldats russes mobilisés en Ukraine et qui réclament leur retour se sont jointes à cet appel.

De son côté, le Parquet moscovite a mis en garde ce jeudi les Russes contre toute action de protestation pendant la présidentielle. "L'organisation et la participation à ces événements de masse sont punissables en vertu de la législation en vigueur", a-t-il indiqué, référence aux rassemblements proposés par Ioulia Navalnaïa.

Article original publié sur BFMTV.com