TOUT COMPRENDRE - Abaya: pourquoi Gabriel Attal a décidé de l'interdire à l'école

TOUT COMPRENDRE - Abaya: pourquoi Gabriel Attal a décidé de l'interdire à l'école

Le gouvernement tape du poing sur la table. Invité du 20h de TF1 dimanche, le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, a annoncé que le port de l'abaya, cette longue robe traditionnelle qui couvre tout le corps portée par certaines élèves musulmanes, va être interdit à l'école en France. Une décision prise selon lui pour faire respecter "le sanctuaire laïque que doit constituer l'École."

"Vous rentrez dans une salle de classe, vous ne devez pas être capable d'identifier la religion des élèves en les regardant", a-t-il expliqué.

• L'augmentation des atteintes à la laïcité

Pour prendre cette décision, dont les modalités restent encore à fixer, le gouvernement s'est appuyé sur une note des services de l'État qui pointe l'augmentation des attentes à la laïcité, et parmi elles les signalements concernant les ports de signes ou de tenues religieuses en milieu scolaire, qui ont augmenté de 150% en l'espace de deux ans seulement.

Pour l'année 2023, le taux de port de signes ou tenues religieuses dans les atteintes à la laïcité recensés n'a cessé d'évoluer à la hausse. En janvier de cette année, il représentait 27% avant de passer à 42% en mars. Malgré une légère baisse en avril (37%), le chiffre est reparti à la hausse avant d'atteindre les 55% en juin de cette année.

Ces statistiques s'inscrivent dans une augmentation globale des atteintes à la laïcité depuis la mort de Samuel Paty, qui a marqué "une rupture dans l'évolution des signalements d'atteintes à la laïcité", apprend-on dans la note des services de l'État. Entre 2021/2022 et 2022/2023, elles ont ainsi augmenté de 120%.

En parallèle, une enquête effectuée par le SNPDEN-Unsa auprès de 1000 chefs d'établissements de collèges et lycées indiquait par ailleurs en mars 2023 que les tenues à connotation religieuse, contestations d'enseignement ou difficultés en sortie scolaire ne font pas systématiquement l'objet de signalements.

• L'appel à l'aide des chefs d'établissement

Invité ce lundi matin sur RMC et BFMTV, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a martelé que la "laïcité est une règle qui s'impose à l'école."

Lors de ce même entretien, l'ancien ministre de la Santé l'a assuré, cette décision a été prise à la demande et en collaboration avec "les enseignants, proviseurs, directeurs d'établissements", qui assurent qu'il est parfois "difficile de faire respecter cette règle."

Selon ces derniers, ils "ont besoin d'un appui plus fort du ministre et des académies pour faire ensorte que cette règle soit respectée."

Ces derniers mois, en parallèle de l'augmentation des atteintes à la laïcité, plusieurs syndicats de proviseurs et chefs d'établissement avaient tiré le signal d'alarme quant à la situation. Sur BFMTV, Didier Georges, du Syndicat National des Personnels de Direction de l'Éducation, avait par exemple pointé "un problème qui devient de plus en plus important."

Il n'est pas le seul a évoquer le sujet. Toujours à notre antenne, Norman Gourrier, du Syndicat National des Collèges et des Lycees (SNCL) estimait pour sa part que les chefs d'établissement ne devaient pas avoir "le poids de devoir trancher" la question de l'abaya.

Pour sa part, Marie-Laure Tirelle, déléguée laïcité du syndicat éducation de l'UNSA, assurait que "depuis l'assassinat de Samuel Paty, les enseignants sont plus frileux d'aborder le sujet."

De fait, l'annonce de Gabriel Attal a été plutôt bien accueillie par la majorité des corps enseignants. Auprès du Parisien, ce même Didier Georges indique que le "vide juridique" qui subsistait au sujet des abayas devait être comblé.

"On sentait le phénomène monter en puissance. Tout le monde a compris aujourd’hui que lorsqu’on porte une abaya, on manifeste son appartenance religieuse", complète-t-il.

• Une volonté de rupture politique

En novembre dernier, l'Éducation nationale s'était déjà emparée de l'abaya, dans une circulaire qui considérait ce vêtement - comme les bandanas et les jupes longues, également cités - comme des tenues pouvant être interdites si elles sont "portées de manière à manifester ostensiblement une appartenance religieuse".

En revanche, le ministre de l'Éducation nationale d'alors, Pap Ndiaye, interpellé par les syndicats de chefs d'établissement sur la hausse des incidents liés à ces tenues, avait toutefois refusé de "publier des catalogues interminables pour préciser les longueurs de robes".

Pour l'éditorialiste politique de BFMTV, Laurent Neumann, cette annonce est donc un "acte politique", mais aussi "un retour de l'autorité à l'école" de la part du gouvernement. "Cela tranche avec les ministres précédents", ajoute-t-il.

La question de ce vêtement traditionnel est sensible, le Conseil français du culte musulman (CFCM) estimant de son côté que l'abaya, une longue robe couvrant le corps féminin, n'est pas un signe religieux musulman. Son port est "plus ambivalent qu'un voile" selon Haoues Seniguer, maître de conférence à l'IEP de Lyon et spécialiste des relations entre islam et politique en France.

Article original publié sur BFMTV.com