Ciaran : le dérèglement climatique accentue-t-il l'intensité des tempêtes?

Depuis 1980, plus de 360 tempêtes ont touché l'Hexagone. Alors que le dérèglement climatique pourrait intensifier ces phénomènes, il aggrave déjà les conséquences et les dégâts, notamment en ce qui concerne les submersions marines et les chutes d'arbres.

La tempête Ciaran s'est abattue sur l'ouest de la France et continue ce jeudi 2 novembre son chemin en direction du Nord. Des rafales à plus de 190km/h ont été enregistrées dans le Finistère et des records ont été battus dans plusieurs lieux.

"La formation de ces tempêtes n'est pas liée au dérèglement climatique", affirme sur Sud Radio le ministre de la Transition écologique.

Cependant, "le dérèglement climatique accentue potentiellement l’intensité et les conséquences" de ces événements, explique Christophe Béchu.

Un lien difficile à établir

"Contrairement à l'évolution des vagues de chaleur, il n'existe pas de consensus scientifique clair sur l'effet du changement climatique sur l'évolution de la fréquence ou de l'intensité des tempêtes en France", écrit Météo-France. La variabilité naturelle du climat fait que des périodes sont plus propices aux coups de vent et aux tempêtes que d'autres.

"En climat plus chaud, certains processus moteurs dans la formation des tempêtes sont amplifiés alors que d'autres sont diminués. Il existe donc une compétition entre différents facteurs", ajoute sur X le climatologue du CNRS Christophe Cassou.

Des études approfondies sont actuellement menées. Davide Faranda, qui travaille sur ce sujet, explique à BFMTV.com que l'analyse des phénomènes Alex de 2020, Filomena de 2021 ou celles d'Aline et de Babet montre que "le dérèglement climatique est capable d’intensifier les vents et les précipitations et donc les tempêtes".

"On commence à construire un consensus: les éléments que nous avons montrent que ce lien existe", affirme le climatologue.

Des pluies plus importantes lorsqu'il fait chaud

Si le lien est assez difficile à établir entre la force des vents et les effets du dérèglement climatique, ce dernier provoque toutefois des précipitations plus fortes, notamment lors d'épisodes de tempête.

"Une atmosphère plus chaude, contenant plus d'eau, a pour conséquence des précipitations plus importantes", résume Météo-France.

En effet, plus l'air est chaud, plus il est plus chargé en eau. En outre, si les températures sont élevées, il y a plus d'évaporation et l’atmosphère est donc plus humide, ce qui constitue un terrain favorable pour la formation de tempêtes.

En août 2022, une surprenante tempête a fait cinq morts en Corse, avec de puissantes rafales et des pluies torrentielles. Pour Davide Faranda, qui a étudié le phénomène, la position des grandes masses d'air au moment de la tempête n'avait rien d’exceptionnel par rapport à la période comprise entre 1950 et 1979.

Or, "la différence, c’est qu'au moment de la tempête, la température de la Méditerranée était 5°C au-dessus de la moyenne saisonnière", explique le spécialiste. En somme, les canicules et la température de la mer causées par le réchauffement climatique ont boosté la tempête.

Vers une intensification des tempêtes?

"On peut s'attendre à des épisodes de davantage d'intensité", affirme ce jeudi le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu.

"La fréquence et l'amplitude des vents forts et des tempêtes (hors tropiques) devraient légèrement augmenter à l’avenir dans le nord, l’ouest et le centre de l’Europe d’ici la fin du siècle, ainsi qu’au large des côtes européennes en raison de l’augmentation de l’intensité des tempêtes extra tropicales selon un réchauffement global de 2°C ou plus dans ces régions", détaille de son côté Météo-France.

"Selon les modèles, dans le futur, l'intensification des tempêtes va continuer", abonde dans le même sens Davide Faranda.

Un risque de submersion accru

Ce qui est certain, c'est qu'à l'aune du dérèglement climatique, les conséquences des tempêtes peuvent être plus importantes. "Le changement climatique joue en effet un rôle concernant les extrêmes de niveau de la mer", écrit Météo-France, qui explique que, par conséquent, "le risque de submersion marine est plus significatif".

Ce jeudi, une vague de 21 mètres de haut a été mesurée au large du Finistère. Avec un niveau de la mer plus élevé, le risque de submersion des côtes et des digues lors de tels phénomènes est donc aggravé.

"Cela concerne par exemple une ville comme Venise qui subit une hausse des impacts des tempêtes", illustre Davide Faranda.

En outre, le climatologue déplore des "changements d'urbanisation". "On a construit près des côtes et un peu n'importe comment, donc il y a aujourd'hui plus de dégâts", regrette-t-il.

Des arbres plus vulnérables

L'actuelle tempête Ciaran illustre parfaitement une autre conséquence du dérèglement climatique sur l'impact des tempêtes. D'ordinaire, lors de tempêtes automnales ou hivernales, les arbres ont déjà perdu leurs feuilles et le vent passe facilement à travers les branches.

Cette année, en raison de l'extrême douceur des mois de septembre et octobre, les arbres n'ont pas encore revêtu leur habit d'hiver et ont toujours beaucoup de feuilles. Problème: ils ont donc plus de prise au vent et le risque de casse ou de chute est plus important. En outre, il a récemment beaucoup plu sur une large partie du territoire et les sols gorgés d'eau facilitent le déracinage des arbres.

Toutefois, Davide Faranda remarque que lors des récentes tempêtes, les chutes d'arbres "concernant davantage les arbres plantés qui ne sont pas autochtones à la région et donc qui ne sont pas adaptés pour résister".

L'ONF recommande d'ailleurs à tous les habitants du Nord-Ouest de la France de rester loin des arbres. Il recommande d’éviter les balades en forêt jeudi et vendredi, mais aussi ce week-end, car il demeurera un risque de chute d’arbre même après le passage de la tempête.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Tempête Ciaran: des vents record secouent le nord-ouest du pays