Cas de botulisme: que risque le restaurateur bordelais?

Cas de botulisme: que risque le restaurateur bordelais?

Une femme de 32 ans est morte et une douzaine d'autres personnes ont été hospitalisées, après une intoxication probable à la toxine botulique. Les victimes avaient toutes mangé des sardines en conserve artisanales dans un même restaurant à Bordeaux, le Tchin Tchin Wine Bar, la semaine dernière. Lundi, une première inspection de la Direction départementale de protection des populations (DDPP) a conclu à un "défaut de fabrication" de ces conserves de sardines.

En attendant les résultats de l'enquête, la préfecture de Gironde a interdit "jusqu'à nouvel ordre" au gérant de fabriquer de nouveaux produits. Elle a également ordonné un "nettoyage approfondi" du bar-restaurant, resté fermé mercredi. L'ensemble des conserves fabriquées sur place ont été consignées.

La responsabilité du restaurateur "engagée"

Pour le moment, aucune enquête n'a été ouverte. Mais pour Me Nathalie Goutaland, avocate experte en droit de la sécurité alimentaire, "la responsabilité de ce restaurateur va très certainement être engagée". "Dans les affaires d'intoxication alimentaire, on cherche toujours le lien de causalité", a-t-elle expliqué auprès de BFMTV.com.

"Les victimes ont toutes mangé dans le même restaurant, à la même période, elles présentent les mêmes symptômes. Il y a peu de doutes sur l'origine de la contamination", poursuit-elle.

Et pour l'avocate, le restaurateur n'a "probablement pas respecté le barème de stérilisation". "Il s'agit d'un couple temps-températuire de cuisson. Ça ne se définit pas au hasard. Normalement, dans son plan de maîtrise sanitaire, il doit analyser le danger de chaque recette. Si la bactérie est susceptible de se trouver dans l'une des recettes, il faut un barème de stérilisation suffisant pour éviter cette bactérie", détaille l'experte.

"Le restaurateur a confirmé qu'à l'ouverture des bocaux, il y avait une mauvaise odeur et l'absence de vide", a souligné Thierry Touzet, directeur adjoint de la DDPP. "L'établissement était plutôt bien tenu" mais le professionnel "a un mode opératoire très artisanal qui n'était pas maîtrisé", a-il ajouté.

Des peines complémentaires possibles

Il faudra attendre l'identification de toutes les victimes, mais le restaurateur pourrait être poursuivi pour "homicide involontaire" et/ou "blessures involontaires" et risquerait alors jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende, selon le Code pénal.

Mais en cas de "violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité", la peine peut monter à 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende.

Mais il pourrait également être poursuivi pour "mise en danger de la vie d'autrui par manquement à une obligation particulière de prudence", explique Me Nathalie Goutaland.

"Cette infraction permet aux clients qui n'ont pas eu de conséquences, qui n'ont pas été intoxiqués, de s'associer quand même au dossier, de se joindre à la plainte", détaille-t-elle.

La justice peut également prononcer des peines complémentaires comme l'interdiction d'exercer ou son activité professionnelle et de gérer un restaurant. Côté administratif, les services de contrôle peuvent aussi prendre "une ou plusieurs mesures préventives comme la fermeture administrative de l'établissement ou l'obligation de formation", ajoute l'avocate.

Évaluer le préjudice

Mais l'affaire risque de prendre du temps, car tous les clients n'ont pas encore été identifiés. Selon la DDPP, jusqu'à 25 personnes pourraient avoir consommé neuf bocaux, contenant trois ou quatre sardines chacun, servis à table. D'autres victimes pourraient donc s'ajouter à la liste.

Une fois identifiées, les victimes pourront demander une indemnisation pour leur préjudice. "Mais là encore, ça va prendre du temps. Il faut que toutes les victimes aient connaissance de leur préjudice, qu'il soit moral ou physique, et qu'on évalue leurs séquelles à long terme", détaille l'experte.

En septembre 2011, plusieurs cas graves de botulisme avaient été recensés chez des personnes ayant ingéré de la tapenade maison aux olives vertes. En 2016, le fabricant avait été reconnu coupable de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme et de blessures involontaires. Il avait été condamné à 18 mois de prison avec sursis et 60.000 euros d’amende par le tribunal correctionnel de Marseille (Bouches-du-Rhône), rappellent nos confrères du Parisien.

Article original publié sur BFMTV.com