Boxe: "Un choc de titans", Mbilli évoque un possible combat de feu contre Lele Sadjo

Il patiente en salle d’attente. Tout proche d’un combat pour une ceinture mondiale chez les super-moyens, qu’il mérite sur le plan sportif, Christian Mbilli doit composer avec les méandres des coulisses de la boxe avant d’avoir sa chance. Pas le mieux placé sur les plans financier et populaire, le boxeur français naturalisé canadien en octobre – il possède la double nationalité – continue d’enchaîner les combats et les victoires pour se rapprocher toujours un peu plus du Graal.

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Prochaine mission ce week-end dans la ville de Québec, où il affronte l’Australien Rohan Murdock (27-2, 19 KO ; 31 ans) dans le co-main event du championnat du monde unifié WBC-IBF-WBO des mi-lourds entre son partenaire de salle Artur Beterbiev et son challenger aux dents longues Callum Smith. Désormais numéro 1 du classement des challengers pour la WBC et la WBA, "Solide" rêve de défier ensuite le champion incontesté à quatre ceintures Saul "Canelo" Alvarez ou le champion intérimaire WBC David Benavidez.

Avec une question sous-jacente: on fait quoi s’il n’obtient pas un gros combat tout de suite? La solution se trouve en France. Là où l’autre gros choc possible pour lui se trouve. Il porte un nom. Kevin Lele Sadjo. Invaincu chez les pros (21-0 ; 33 ans), champion d’Europe EBU depuis fin 2021, vainqueur de la ceinture WBO Inter-Continental en 2023, le boxeur de Créteil est classé dans le top 10 de trois des quatre fédérations majeures chez les super-moyens (6e WBC, 7e IBF, 9e WBO) et présente pour Mbilli un profil qui n’a aujourd’hui rien à envier, bien au contraire, à celui d’un Murdock.

Les parallèles entre les deux combattants français sont nombreux. Même origines, nés au Cameroun tous les deux, même parcours ou presque, avec une arrivée en France à 11 ans pour Mbilli et 10 pour Lele Sadjo, même capacité à éteindre la lumière de tout le monde ou presque avec 21 KO en 25 victoires pour Mbilli (25-0; 28 ans) et 19 KO en 21 succès pour Lele Sadjo. Le storytelling de l’affiche s’écrit sans effort, quoi. Et l’ancien membre de la "Team Solide" tricolore des Jeux de Rio n’est pas contre offrir à la France ce choc électrique qui mettrait la lumière sur sa discipline.

"On en a parlé il y a peu avec mon promoteur canadien, Camille Estephan, raconte Mbilli dans une interview exclusive à RMC Sport. Je lui ai dit que c’était un combat qui m'intéressait. Ce serait un très bon combat pour redonner un peu ses lettres de noblesse à notre sport. Malheureusement, je constate qu'on est en train de se faire laminer par le MMA. Et ce combat-là ferait un très grand bien à la boxe en France." Lele Sadjo a déjà lui aussi exprimé son envie de croiser Mbilli entre les cordes. Mais ce dernier peut témoigner, dans la boxe, l’envie seule ne suffit pas. Il faut réunir les conditions pour la rendre concrète.

"Notre objectif n’est pas Kevin Lele Sadjo, poursuit Mbilli. On vise Canelo ou Benavidez. Mais on est en attente et on verra comment ça se passera en 2024. On a pu voir sur les réseaux sociaux que la France voulait le combat face à Lele Sadjo et mon promoteur m'a dit: ''S’ils mettent les moyens nécessaires pour te faire déplacer en France et qu'on peut faire une escale avec lui avant d'arriver à la destination du championnat du monde, pourquoi pas''. Je dirais à son équipe française de parler à mon promoteur pour voir les termes. L’argent a toujours le dernier mot. Si son promoteur vient et met les sommes demandées ou les sommes qui peuvent nous faire dévier de notre trajectoire, on sera là."

Vu la situation sportive de Lele Sadjo, le combat ferait sens pour Mbilli en cas de chemin bouché vers une chance mondiale. Mais seulement de notre côté de l’Atlantique, là où le public aurait un vrai intérêt pour ce choc. "Je ne vois pas pourquoi mon équipe organiserait ça au Québec, explique Mbilli. Ça n’intéresserait pas les Canadiens. Mais en France, oui, ça ferait sens. Et pour le Cameroun également. Il y aurait beaucoup de Camerounais devant leur poste pour regarder ce combat." Avec Lele Sajdo, le boxeur installé au Canada se trouverait dans une situation arroseur arrosé. Coincé pour affronter les plus gros noms de sa catégorie car ils ont plus à perdre qu’à gagner face à lui, il prendrait leur place dans un combat contre son compatriote moins bien classé (et connu, notamment à l'international) que lui.

"Il y a cinq ans, j’aurais dit: ''OK, on va combattre Lele Sadjo!'' Mais malheureusement, dans le monde de la boxe, il y a les bénéfices-risques. Tu ne peux pas aller à gauche ou à droite sans avoir une visibilité plus longue pour se dire: ''Si on en prend lui, qu'est-ce qu'on va nous donner financièrement ou au point de vue de notre carrière?'' Je fais confiance à mon équipe. Ils sont très intéressés par ce combat s'il y a des enjeux financiers assez intéressants. Il faut voir qui va organiser ça, quelle chaîne télé, etc. Il faut parler à mon équipe. Et je serai prêt quand tout le monde se mettra d'accord." Pour un choc qui promettrait des étincelles entre ces deux gros cogneurs.

"Il ne blague pas, juge Mbilli au sujet de Lele Sadjo. C’est un boxeur sérieux, physique, qui avance. On a un peu un style similaire. C’est un combat qui risque d’être spectaculaire et de ne pas aller à son terme vu notre style. On risque de perdre quelques neurones mais ça fait partie de la boxe. Ça va être un choc de titans. C'est également pour ça que ce combat mérite la plus grosse rémunération. Il va laisser des séquelles. Même si je pense que j'aurai moins de séquelles. Petite flèche lancée. (Rires.)" Les hostilités verbales restent douces mais sont lancées.

On finit par rêver d’un scénario idéal. Un rêve pour les fans français de boxe. La situation de la catégorie évolue et Christian Mbilli prend une ceinture mondiale. Pour venir ensuite la défendre face à Kevin Lele Sadjo en France dans une salle bouillante pour le plus gros combat de boxe dans notre pays depuis très longtemps. "Honnêtement, ce serait parfait, sourit Mbilli. Je parlais de ça à mon promoteur… Que ce soit une ceinture de champion du monde, champion intérimaire, champion régulier, il y a moyen que j’en prenne une d'ici un ou deux ans. Et pourquoi pas aller la défendre à Bercy et le remplir contre Lele Sadjo. C'est une vue qu'on ne peut pas avoir maintenant, juste une hypothèse. On ne sait pas comment ça va se dérouler. Mais dans tous les cas, avec ou sans ceinture, ce combat mérite un Bercy facile."

Article original publié sur RMC Sport