Benfica-OM: Gili, Di Meco, supporters... comment la main de Vata a traumatisé Marseille…

Benfica-OM, le Marseille d’Enzo Francescoli a une équipe fantastique, mais la main du diable Vata deviendra pour toujours un souvenir tragique. Loïc, jeune quadra, aujourd’hui professeur d’anglais, a encore en mémoire cette soirée maudite. Lui qui vivait à l’époque dans la Meuse représente ces milliers de Français tombés amoureux de l’OM au début des années 90, et qui ont suivi le match devant les commentaires de Thierry Rolland et Jean-Michel Larqué. "J’ai même découvert l'OM à 8 ans avec la demi-finale de Coupe des Coupes contre l'Ajax", précise Loïc, qui en 1989/1990, est vite tombé sous le charme des dribbles de Chris Waddle, des tacles de Carlos Mozer et des volées de Jean-Pierre Papin, son idole.

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Loïc, supporter de l’OM, 10 ans à l’époque: "La première fois que je me sens aussi triste"

"Je crois que je n’ai jamais vécu quelque chose d’aussi intense que le match aller", raconte Loïc, au présent, comme si c’était hier. "Je hurle, je saute, je crie. Je suis euphorique. On se voit déjà en finale." Le match retour, qu’il vit dans le salon avec ses parents et sa petite sœur, "tous maquillés en bleu et blanc", va vite le crisper. "Arrive ce fameux corner avec la main de Vata", raconte-t-il, encore ému. "Je reste sans réaction. Ce n'est pas réel. Et puis je m'accroche à un espoir fou: que quelqu’un vienne interrompre le match et prévenir l’arbitre que Vata a triché. Je ne m’étais jamais senti aussi triste de toute ma vie. On m’a volé un rêve d’enfant." Loïc raconte même avoir voulu, avec ses copains, retrouver la trace de l'arbitre Marcel Van Langenhove juste… "pour lui faire avouer qu’il y avait main."

Catherine, présente à Lisbonne en 1990: "Un sentiment de haine, d’injustice et d’impuissance"

Catherine Brun, supportrice de l’OM depuis toute jeune et toujours abonnée au Vélodrome (virage nord), était au 'Estadio da luz', avec les fans de l’OM, lors de ce match retour devant 120.000 personnes. "Depuis les tribunes, on n’a pas vu la main", raconte Catherine, qui sera à Lisbonne aussi ce jeudi. "A l’époque, il n’y avait pas les téléphones ou les réseaux sociaux pour comprendre une action qui nous a échappés. Mais quand on a commencé à voir les joueurs de l’OM 'faire bordel' (se plaindre et s’agiter, NDLR), on a vite compris. Quand on a vu que le but avait été marqué de la main, on avait la colère", Catherine reconnaît avoir pleuré "de rage", avec un "sentiment de haine, d’injustice et d’impuissance" dont elle mettra très longtemps à se remettre.

Alain Soultanian, kiné historique de l’OM, raconte la colère qui régnait dans le vestiaire

 
Dans le vestiaire, alors que le boss Bernard Tapie promet aux journalistes qu’il a compris et que l’OM se fera désormais respecter par les instances et les arbitres, l’idée de porter réclamation fait son chemin, mais "je n’ai jamais cru que cela pouvait aboutir", raconte Alain Soultanian, kiné historique de l’OM, qui se souvient d’un vestiaire plongé dans un mélange de colère et d’amertume. "Cette injustice nous a peut-être servi d’expérience, mais sur le moment il y avait beaucoup de déception et d’énervement."

Au fil du temps, Soultanian a fini par se dire "intimement convaincu" que l’arbitre était de bonne foi et n’avait pas vu la main de Vata. Ce qui n’enlève en rien la douleur de cette soirée cauchemar: "C’est un épisode grave, car je suis persuadé que cette équipe serait allée au bout. Et Gérard Gili, qui était un grand manager, aurait mérité de gagner cette Coupe d’Europe et de poursuivre son aventure."

La main de Vata a "changé la carrière" de Gérard Gili

Gérard Gili, justement. L’ancien entraîneur de l’OM a souri au moment du tirage au sort, conscient que ce Benfica-OM allait raviver quelques souvenirs. "Un souvenir douloureux et qui a forcément changé ma carrière", souffle Gili, rencontré en tête-à-tête sur le Vieux Port, précisément au CNTL (Le Cercle Nautique et Touristique du Lacydon), où il a ses habitudes. "La main de Vata a privé cette génération talentueuse d’un challenge et d’une finale face à l’AC Milan. Et Vata nous a peut-être privé d’un palmarès. C’est une grande injustice et un rendez-vous manqué." Preuve que l'histoire de l'OM compte beaucoup aux yeux des actuels dirigeants marseillais, Gérard Gili a d'ailleurs été invité à Lisbonne, avec la délégation olympienne, pour ce match aller contre le Benfica.

Gili: "Vata est dans le déni, mais je lui souhaite quand même une belle vie"

Gili, qui a longtemps échangé avec Pablo Longoria au bord de la pelouse del Estadio da Luz lors de l'entraînement de veille de match, a sûrement vu quelques flashs lui revenir en tête. 18 avril 1990, encore et toujours, Gili se souvient de l'action qui change tout: "Depuis le banc, on apprécie mal, mais on devine un rebond très bizarre quand le ballon touche Vata, et on voit instantanément les joueurs lever le bras. On apprend depuis les tribunes, grâce à ceux qui ont vu le ralenti, que le but a été marqué de la main."

Une main, ou plutôt un but de l’avant-bras… que Vata nie encore 34 ans plus tard, affirmant avoir marqué de l’épaule… "J’ai envie de l’appeler Pinocchio, il est dans le déni", sourit Gili. "Il a peut-être un peu honte d’être parti sur ce mensonge et cette stratégie et il préfère persister. 34 ans après, le sujet est clos et je lui souhaite une belle vie quand même…" Gili a tourné la page, et se dit aujourd’hui "impressionné" de voir encore des jeunes supporters, qui n’étaient pas nés en 1990, raconter l’histoire de cette main "comme s’ils l’avaient vécue…"

Eric Di Meco: "Cette action est dans la légende du club mais cela reste pour moi un gros traumatisme"

"C’est vrai, acquiesce Eric Di Meco. Tous les supporters se souviennent où ils étaient ce soir-là. Et, moi aussi, je me souviens où j’étais: juste derrière Vata, au marquage!", rigole l’ancien défenseur de l’OM, qui n’a jamais été… un défenseur de la VAR. Alors, la question se pose. Avec le recul, et un peu de fiction: aurait-il préféré que l’assistance vidéo soit déjà là, en 1990? "Pas forcément", reconnaît Di Meco. "Je n’ai jamais été un partisan de la vidéo. Il y a plein d’histoires comme ça dans le foot: la main de Dieu (Diego Maradona) ou celle de Thierry Henry. Le match des Bleus contre l’Allemagne à Séville, en 1982, est aussi dans tous les esprits car il y a eu cette faute incroyable de Schumacher sur Battiston. Et s’il y avait des caméras partout, on n’aurait peut-être pas eu le corner en 1993 contre Milan, donc pas de but de Boli!  La main de Vata est une action qui est dans la légende du club. Même si c’est sûrement le plus gros traumatisme de ma carrière, avec la finale de Bari."

Article original publié sur RMC Sport