Au procès de Monique Olivier, le très attendu témoignage de Sélim Fourniret, fils du "couple diabolique"

Que sait Sélim Fourniret des crimes de ces parents? A-t-il des souvenirs des enlèvements perpétrés, en sa présence, des jeunes filles kidnappées par Michel Fourniret et Monique Olivier lors de leur parcours meurtrier? Comment se construit-on quand on est le fils d'amants diaboliques et qu'on a servi d'appât pendant de longues années?

Le fils du tueur en série et de sa complice devait être entendu vendredi 8 décembre par la cour d'assises des Hauts-de-Seine qui juge sa mère depuis le 28 novembre. Mais 24 heures avant, alors que sa présence restait incertaine, Sélim Fourniret fournissait un certificat médical précisant qu'il était en incapacité de se présenter devant la cour. La justice a finalement trouvé une solution en l'entendant ce mercredi 13 décembre par visioconférence.

Sélim Fourniret sait que sa parole est attendue, déjà car il est celui qui a vécu au quotidien aux côtés de Michel Fourniret et Monique Olivier, participant, malgré lui, à certains enlèvements de victimes. Surtout, il y a quelques mois, l'homme de 35 ans a été rattrapé par la justice. En juillet dernier, il a été mis en examen pour tentative de viol sur une mineure. Présumé innocent, il nie catégoriquement les faits.

"C'est quelqu'un qui a envie de tourner la page, qui ne veut être lié ni de près, ni de loin à Monique Olivier et Michel Fourniret", détaille un proche contacté par BFMTV.com.

"Il n'aimait pas son père"

De l'enfance de Sélim Fourniret, on ne connaît que peu de détails. "Dans les albums de famille, il y a beaucoup de photos de lui avec sa mère", raconte à BFMTV.com Michelle Fines, coréalisatrice du documentaire L'affaire Fourniret: dans la tête de Monique Olivier diffusé sur Netflix. "On le voit poser, s’amuser avec sa mère." "On s’entendait bien tous les deux", confirme Monique Olivier au premier jour de son procès à Nanterre. Une complicité d'autant plus forte que Michel Fourniret est décrit comme un père "très dur". "Il était son souffre-douleur", détaille Michelle Fines.

"Il n'aimait pas son père, lorsque son père partait il était content", explique encore l'ex-femme du tueur.

Dans un livre publié en 2018, Sélim Fourniret raconte son histoire pour la première et dernière fois. "Jamais il ne criait! Jamais! (...) Il était très colérique, ça oui, mais en ce qui me concerne, la violence n'a jamais dépassé le stade de la simple gifle", explique-t-il au sujet de son père dans Le fils de l'ogre, écrit avec le journaliste Oli Porri Santoro. Lors d'une confrontation face à sa mère, cette dernière lui a reproché de ne plus lui donner de nouvelles, lui jetant un "tu es comme ton père!".

Présent lors de l'enlèvement de plusieurs victimes

L'enfance entière de Sélim Fourniret est surtout intimement liée aux crimes de ses parents. L'homme, aujourd'hui âgé de 35 ans, est né neuf mois jour pour jour après le premier meurtre de son père, celui d'Isabelle Laville, morte le 11 décembre 1987. Il était donc dans le ventre de sa mère au moment des meurtres de Farida Hammiche, de Marie-Angèle Domèce, de Fabienne Leroy et de Jeanne-Marie Desramault. Monique Olivier s'était d'ailleurs servie de sa grossesse pour mettre en confiance Marie-Angèle Domèce.

Alors qu'il n'a que deux mois, c'est avec leur fils Sélim, que le couple accoste la jeune Elisabeth Brichet prétextant être à la recherche d'un médecin pour son bébé et la fait monter dans son véhicule. Le piège se referme alors sur la petite fille de 12 ans qui sera violée et tuée quelques heures plus tard par Michel Fourniret. "Michel Fourniret salit sa famille à chaque fois qu'il commet un crime, impliquer Sélim, c'est quand même le sommet de la perversité", précise Michelle Fines, également autrice du livre Dans le cerveau du tueur.

Plus tard à l'âge de neuf ans, Michel Fourniret et Monique Olivier se servent de leur fils pour tenter d'attirer une étudiante belge pour qu'elle donne des leçons de piano à Sélim. "On aurait dit une poupée tellement il était absent", s'est souvenu devant la cour d'assises Emi A., aujourd'hui âgée de 48 ans, qui a certainement échappé à la mort en refusant de se rendre au domicile du couple. "Oui Sélim a été utilisé mais pas à ma demande, s'est défendu Monique Olivier. C’était une idée de son père de soi-disant apprendre la musique."

Enfin, Sélim Fourniret avait 14 ans et demi quand Estelle Mouzin a été enlevée, violée et tuée par son père Michel. Selon une co-détenue de Monique Olivier, l'adolescent a vu la fillette de neuf ans que son père venait de kidnapper et avait laissé sous la surveillance de sa mère. Ce qu'a toujours nié devant la justice la femme du tueur.

"Zone grise"

Témoin numéro un, acteur à son insu de ces crimes, Sélim Fourniret n'a pourtant quasiment jamais été interrogé par les enquêteurs. Il est l'un des seuls à pouvoir éclairer sur la personnalité de sa mère. "Dans le dossier belge, on l'auditionne seulement pour lui demander quelles études il fait, Sélim Fourniret, c'est la zone grise, personne ne s'est penché sur son parcours", estime Michelle Fines. L'homme a toujours dit avoir découvert les crimes de ses parents lors des aveux de Monique Olivier en 2004. Certains diront d'ailleurs qu'elle finira par avouer pour faire plonger son mari, arrêté quelques mois plus tôt, appréciant sa vie à deux avec son fils.

“C’est dur à vivre, on se sent coupable", témoignait-il sur C8 en 2021. "Je sais que je n’ai rien à voir là-dedans. Mais c’est à cause de moi que cette fille a été… C’est moi qui étais bébé, c’est moi qui ai servi d’appât. Elle a été mise en confiance par moi."

"Je veux faire ma vie tranquillement, je veux tirer un trait là-dessus", poursuivait-il.

"Ce n'est pas simple de se construire"

Comment se sortir de ce passé douloureux? Comment faire la différence entre le bien et le mal quand on grandit aux côtés de deux "monstres"? "Pour lui, ses parents étaient certainement normaux, estime Catherine Blatier, professeure de psychologie clinique. Ce n'est pas simple de se construire, on se construit en temps habituel à partir des modèles parentaux. Le développement d’un enfant, c’est l’adoption de comportements qu’on a vu se produire."

"Quand une famille est dysfonctionnelle, le dysfonctionnement peut être visible, il peut aussi être invisible", note Marjorie Sueur, psychologue clinicienne, experte près de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. "Il peut donc avoir pour ces enfants une bascule dans l'horreur quand l'enfant découvre tout. Il y a d'abord de l'incompréhension, du déni, puis une recherche de compréhension."

"Il y a une possibilité, particulièrement chez les psychopathes, d’être en capacité, lors de la vie de famille, de s’adapter et de se mouvoir", abonde Catherine Blatier.

"La question de la sécurité est importante, la sécurité affective, mais aussi la stabilité économique et notamment en matière de logement", poursuit l'auteure de l'enquête La Délinquance des mineurs pour expliquer les éléments de construction de l'enfant. Aujourd'hui, Sélim Fourniret est décrit comme un homme plus ou moins sans domicile fixe.

Après les arrestations de son père et de sa mère, Sélim Fourniret, qui a changé de nom depuis, a été pris en charge par le frère de Michel Fourniret, puis par le premier mari de Monique Olivier, qu'elle a accusé de violences. L'homme était jusqu'à récemment installé à Nice. "Si ces enfants trouvent des personnes ressources, ils pourront ne pas être dans la reproduction d'un schéma familial", analyse encore Marjorie Sueur.

Depuis juillet dernier, Selim Fourniret vit sous bracelet électronique après sa mise en examen pour tentative de viol et agression sexuelle sur une jeune fille de 16 ans. Une information judiciaire a été ouverte et le procureur de Nice, Xavier Bonhomme expliquait que l'enquête portait sur "la personnalité précise" du mis en cause. Son avocat déplore justement ce parallèle avec les faits commis par son père. "On fait une confusion totale entre celui qui a fait l’objet de cette instruction aujourd’hui et son père", dénonçait Me Paul Sollacaro.

Article original publié sur BFMTV.com