Au Haut-Karabakh, le président de l’Azerbaïdjan Ilham Aliyev hisse son drapeau

En déplacement pour la toute première fois au Haut-Karabakh, région reprise aux séparatistes arméniens après des décennies de conflit, le président Ilham Aliyev s’est offert une opération de communication.
AFP PHOTO / HANDOUT / AZERBAIJANI PRESIDENTIAL PRESS OFFICE En déplacement pour la toute première fois au Haut-Karabakh, région reprise aux séparatistes arméniens après des décennies de conflit, le président Ilham Aliyev s’est offert une opération de communication.

HAUT-KARABAKH - De la communication politique dans les règles de l’art. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev s’est rendu pour la première fois à Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh, ce dimanche 15 octobre. Et dans cette région reprise en septembre aux séparatistes arméniens à l’issue d’une offensive militaire éclair de Bakou, l’autoritaire dirigeant s’est mis en scène pour marquer un peu plus la victoire de ses troupes.

« Ilham Aliyev a hissé le drapeau national de l’Azerbaïdjan dans la ville de Khankendi (le nom azerbaïdjanais de Stepanakert, ndlr) et a prononcé un discours », a indiqué la présidence dans un bref communiqué. « C’est un grand bonheur et un événement historique », a déclaré l’intéressé, selon le compte-rendu de l’agence de presse d’État, se réjouissant d’avoir accompli ce qui était son « objectif numéro un » depuis qu’il a accédé au pouvoir.

Prononçant ensuite un discours de victoire, Ilham Aliyev s’est félicité du succès de ses troupes : « Nous avons réalisé ce que nous voulions, nous avons accompli le rêve du peuple azerbaïdjanais depuis des décennies. » Et d’ajouter que ses troupes avaient « repris nos terres » après 20 ans d’attente pour y parvenir.

Des décennies de conflit

C’est la première fois qu’Ilham Aliyev, 61 ans, se rend dans la capitale du Haut-Karabakh depuis que la région était tombée aux mains des séparatistes arméniens dans les années 1990. Le dirigeant avait, lui, accédé au pouvoir en 2003, succédant à son père Heydar Aliyev.

Habillé d’un treillis militaire kaki et d’un t-shirt noir, comme on peut le voir sur les photos transmises par ses services, le dirigeant a aussi hissé le drapeau aux trois bandes horizontales -bleu ciel, rouge, verte- dans d’autres localités du Haut-Karabakh, à l’occasion de ce déplacement inédit et surprise.

Il faut dire que le succès militaire de septembre était espéré de longue date par Bakou. Ses troupes ont remporté il y a moins d’un mois une victoire militaire en à peine 24 heures face aux séparatistes arméniens du Haut-Karabakh, qui s’est depuis vidé d’une immense partie de sa population. Avant cela, l’Azerbaïdjan et l’Arménie s’étaient opposées lors de deux guerres pour le contrôle de cette enclave montagneuse, l’une dans les années 1990 à la dislocation de l’URSS, l’autre à l’automne 2020, remportée par Bakou.

La visite dimanche d’Ilham Aliyev à Stepanakert et dans d’autres localités du Haut-Karabakh marque ainsi symboliquement la fin de ce conflit qui a vu s’affronter l’Azerbaïdjan et l’Arménie depuis leur indépendance il y a plus de trente ans.

L’Arménie s’inquiète d’une possible volonté d’expansion

Le fils et successeur du président Heydar Aliyev (un ancien officier du KGB et dirigeant communiste qui avait gouverné le pays presque sans interruption de 1969 à 2003) a ainsi réussi la mission qu’il s’était fixée : réunifier son pays en reprenant le contrôle du Haut-Karabakh. Une consécration après vingt ans à la tête d’un régime qui ne tolère aucune opposition.

Le soutien politique du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui lui a vendu des armes, a indéniablement compté pour faire plier l’Arménie, soutien des séparatistes et ennemi historique d’Ankara.

Les tensions ne sont toutefois pas apaisées entre Bakou et Erevan. L’Arménie -qui accuse la Russie de l’avoir abandonnée, ce que Moscou nie-, s’inquiète désormais pour la sécurité de son propre territoire.

Dans ce contexte, le président arménien Vahagn Khatchatourian a signé samedi la ratification du statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), un premier pas qui pourrait permettre à l’Arménie d’encourager les enquêtes sur ce qu’elle juge être les « crimes de guerre » de Bakou au Haut-Karabakh, des accusations balayées par l’Azerbaïdjan. Mais l’Arménie espère surtout que son adhésion lui offrira une protection supplémentaire contre son puissant voisin azerbaïdjanais.

À l’initiative de l’Union européenne, Ilham Aliyev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian pourraient se retrouver d’ici la fin du mois d’octobre à Bruxelles pour tenter de réduire les fortes tensions entre leurs deux pays. Par ailleurs, le pape François a lancé dimanche un appel à préserver le patrimoine religieux du Haut-Karabakh, en particulier ses vieux monastères, face à l’incertitude entraînée par la reprise de la région par l’Azerbaïdjan.

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