Au Brésil, ces supporters de football LGBT+ luttent contre l’homophobie dans les stades

FOOTBALL - Football et homosexualité font difficilement bon ménage, comme l’a récemment montré l’avalanche de commentaires homophobes provoqués par le faux coming out d’Iker Casillas, au début du mois. Au Brésil, dans les stades, les supporters LGBT+ en sont aussi victimes, comme l’explique Ona Ruda, communicant et activiste LGBT+, qui a décidé de ne « plus se cacher ».

« Avant, on ne pouvait pas se rendre au stade du club de Salvador (nord-est) en clamant ouvertement son homosexualité. Aujourd’hui, on est visibles, on y va entre amis ou en famille. Notre grande victoire quand on va au stade est de ne plus avoir à cacher qu’on appartient à la communauté LGBT », a-t-il notamment confié à l’AFP.

Comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, en septembre 2019, il a créé le club de supporters « Torcida LGBTricolor » avec l’aide des instances du club de Bahia. Les quinze membres de cette « torcida » agitent désormais librement, en tribune, leurs drapeaux arc-en-ciel qui se mélangent à ceux bleu-blanc-rouge du club.

« Masculinité normative »

Mais dans les autres stades au Brésil résonnent au contraire des chants discriminatoires contre la communauté LGBT.

En 2021, au moins seize cas d’homophobie dont des chants et des agressions verbales ou physiques, ont été recensés dans les stades brésiliens, un chiffre qui pourrait être sous-évalué car les victimes ne se signalent pas toujours, selon un rapport de « Canarinhos LGBTQ », une association de supporters qui cherche à combattre la discrimination dans le football. « La question de la masculinité normative, de la virilité, souvent associée à l’homophobie, est encore très forte », reconnaît Luiza Aguiar dos Anjos, auteure de plusieurs livres sur les supporters homosexuels au Brésil. En dehors de Salvador de Bahia, seuls les membres du « Vasco LGBTQ+ », club de supporters du Vasco de Gama, à Rio de Janeiro (sud-est), qui ont de bonnes relations avec les collectifs d’ultras, vont au stade sans cacher leur orientation sexuelle. D’autres trouvent refuge individuellement dans des groupes de supporters antifascistes, comme la « Tribuna 77 » du Gremio de Porto Alegre. C’est là, dans le sud du Brésil, qu’est apparue une des premières « torcidas » gay de la planète, le « Coligay »(1977-1981).

« Beaucoup de haine »

Carlos Costa, 30 ans, qui travaille dans l’e-commerce, soutient Palmeiras, le club de Sao Paulo (sud-est), depuis 1997. Il dit avoir toujours ressenti une atmosphère homophobe dans les tribunes, même lorsqu’enfant il se rendait au stade avec ses oncles.

Il fait aujourd’hui partie du groupe des « PorcoIris LGBT », créé en 2019 sur Twitter, et espère qu’en 2023 la trentaine de membres pourra, unie, s’afficher sans crainte dans les gradins de l’Allianz Parque. En attendant, c’est individuellement ou par petits groupes qu’ils encouragent leur équipe, affichant uniquement les couleurs blanche et verte de Palmeiras.

« Malheureusement, on a l’impression de faire marche arrière (...) avec beaucoup de haine envers les minorités », explique Carlos Costa. Selon lui, tout dépendra du degré de « civilisation » des Brésiliens l’année prochaine, en référence au résultat de la présidentielle du 30 octobre où le président d’extrême droite Jair Bolsonaro brigue sa réélection. Nathan Mouro, professionnel du tourisme de 22 ans, et Gleison Oliveira, un commerçant de 28 ans, espèrent eux que l’exemple du football féminin, où l’homosexualité est moins taboue, fera des émules. « J’imagine un avenir où on pourra montrer notre appartenance vêtus du maillot de Palmeiras, et aller au stade sans ressentir aucune forme de discrimination », ajoute Gleison Oliveira.

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