Agriculture: un projet de loi pour calmer la colère, étrillé par la gauche et les ONG

Le chantier de construction d'un nouveau réservoir à Priaires, le 1er septembre 2023 dans les Deux-Sèvres (YOHAN BONNET)
Le chantier de construction d'un nouveau réservoir à Priaires, le 1er septembre 2023 dans les Deux-Sèvres (YOHAN BONNET)

ONG et députés de gauche dénoncent mercredi une "fuite en avant" et des "régressions environnementales" dans le projet de loi présenté par le gouvernement pour favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs, largement remanié après des semaines de manifestations.

Le gouvernement a augmenté le volume de ce texte, en préparation depuis plus d'un an, pour satisfaire une partie des revendications du syndicat majoritaire FNSEA, son principal interlocuteur pendant la crise qui a éclaté cet hiver autour d'une multitude de doléances (bureaucratie, revenu, considération du métier, etc.).

A la sortie du Conseil des ministres, Marc Fesneau a estimé que le gouvernement avait "posé les briques d'une réponse" à cette crise avec une soixantaine d'engagements: fonds d'urgence, simplifications, "pause" dans l'élaboration du plan de réduction de l'usage des pesticides...

"Dans les prochains jours, sans doute", a-t-il ajouté, le président Emmanuel Macron "aura l'occasion de réunir l'ensemble des professionnels agricoles au sens large". La rencontre devrait avoir lieu la semaine prochaine, probablement vers le 11 ou le 12 avril, selon une source gouvernementale.

Le projet de loi doit être examiné à partir du 13 mai en séance à l'Assemblée nationale, pour une adoption définitive espérée avant l'été.

Dans l'exposé des motifs, le gouvernement explique adresser "un message de confiance" au monde agricole, "dont l'activité sera libérée de normes et de contraintes devenues superflues, contradictoires ou excessivement lourdes".

- "Recettes du passé" -

Pour les ONG et l'opposition de gauche, il omet les enjeux de rémunération et manque d'ambition pour embarquer l'agriculture dans sa transition face au dérèglement climatique: limiter son impact sur la nature, émettre moins de carbone, consommer moins d'eau, d'engrais et de pesticides...

L'association Agir pour l'environnement juge que le texte "consacre une trajectoire d'industrialisation et de négation de l'urgence environnementale, cédant à toutes les exigences cyniques des syndicats productivistes".

"L'agrobusiness en a rêvé, la FNSEA l'a demandé, le gouvernement l'a fait", tacle Greenpeace.

"Les écologistes en ont rêvé, nous, nous l'avons fait: baisser les émissions de gaz à effet de serre de 4,8% l'année dernière", leur a répondu la ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher sur franceinfo.

"Notre ambition climatique ne change pas (...). Ce que nous faisons, c'est d'enlever des pièges qui empêchent les agriculteurs de se lancer en sécurité dans la transition agroécologique", a ajouté la ministre.

Pour les Jeunes agriculteurs (JA), autre syndicat majoritaire avec la FNSEA, l'arrivée du texte au Parlement est "un accomplissement que nous surveillerons comme le lait sur le feu".

Le projet "reste améliorable sur bien des aspects", "malgré des avancées considérables en matière de politique à l’installation", affirment les JA. Ils veulent voir concrétiser les dispositions favorables aux "projets de stockage de l'eau" et aux "mesures de simplification" sur les sites classés "protection environnement" (ICPE).

De son côté, le syndicat minoritaire Confédération paysanne, classé à gauche, dénonce une "fuite en avant" du gouvernement, qui "utilise les vieilles recettes du passé (...) au profit de quelques-uns et au détriment du plus grand nombre".

Pour la députée LFI Aurélie Trouvé, cette loi "entérine de graves régressions environnementales". Son parti veut défendre la création de "263 nouvelles classes" en lycée agricole et "tripler le budget consacré aux installations".

- "Intérêt général majeur" -

Le premier article, ainsi que l'exigeait la FNSEA, consacre l'agriculture, la pêche et l'aquaculture au rang d'"intérêt général majeur en tant qu'elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation".

Cette disposition est destinée à "nourrir la réflexion du juge administratif" quand il aura à trancher un litige autour d'un projet agricole, selon le cabinet ministériel, quand il faudra mettre dans la balance production de nourriture et impératif écologique.

Le texte vise aussi à réduire les procédures autour des constructions de réserves d'eau pour l'irrigation et de bâtiments d'élevage.

L'objectif du gouvernement est de raccourcir les délais du contentieux mais aussi d'atténuer les conséquences légales en cas d'atteintes à la biodiversité (destruction de haie par exemple).

Dans une France agricole qui a perdu 100.000 fermes en dix ans, et pour "faire émerger une nouvelle génération", le gouvernement créé un nouveau diplôme, prévoit des visites de fermes pour les écoliers, des stages pour les collégiens et lycéens ou encore la création de groupements fonciers agricoles d'investissement afin de faciliter l'accès aux terres.

Ce dernier point "livre les terres agricoles à la spéculation foncière", selon la Coordination rurale, qui s'oppose "fortement" au texte en l'état.

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