Affaire Palmade : ce qui pose problème dans le traitement médiatique pour ces militants LGBT+

Le traitement médiatique de l’affaire Palmade a souvent véhiculé des préjugés homophobes, dénoncent certains militants LGBT+.

MÉDIAS - Pas en un jour ne se passe sans que l’on parle de l’« affaire Palmade ». Dans la nuit du 10 février dernier, l’humoriste percute un autre véhicule au volant de sa voiture, blessant grièvement trois personnes, dont un enfant de six ans et une femme enceinte de sept mois, qui a perdu son bébé le lendemain de l’accident. Pierre Palmade conduisait sous l’emprise de la cocaïne et était accompagné de deux passagers. Le comédien de 54 ans est actuellement mis en examen pour homicide et blessures involontaires. Dans un deuxième volet de l’affaire, il est aussi visé par une enquête pour détention d’images à caractère pédopornographique.

Face à l’émoi suscité par ce fait divers, les médias se sont emparés de l’affaire. Mais dès les premiers jours après l’accident, le débat dérive sur l’orientation sexuelle de Pierre Palmade et sa supposée appétence pour le chemsex – une pratique qui consiste à avoir des rapports sexuels après avoir consommé des stupéfiants –, véhiculant très vite certains préjugés homophobes.

« Le fait que certains médias interviewent ses anciens amants, qu’ils titrent sur sa sexualité… C’est une façon de faire du sensationnalisme. Mais le journalisme n’est pas censé renforcer les discriminations », dénonce Yasmina Cardoze, la coprésidente de l’Association des Journalistes LGBT+ (AJL). Les magazines Paris Match et Valeurs Actuelles ont par exemple fait leur Une sur l’affaire, en commençant leur titre par le mot « sexe ».

« Il n’y a pas de rapport entre l’accident et sa sexualité. Il ne conduisait pas la voiture dans un contexte sexuel. Le problème est de conduire en ayant pris de la drogue », continue la coprésidente de l’AJL, avant de rappeler les éléments de l’enquête : « D’après le parquet, on sait qu’il était avec deux personnes et qu’ils ont pris certaines drogues. On ne sait pas s’ils revenaient d’une soirée chemsex. Ce lien me paraît très douteux et son seul but me paraît être de faire du sensationnalisme par relent d’homophobie. »

Perpétuer des amalgames

Ce parallèle renforce malheureusement certains stéréotypes sur la communauté LGBT+. C’est ce qu’a dénoncé le chanteur Eddy de Pretto, dans un tweet désormais supprimé, lundi 20 février : « Comme on ne mélange jamais les torchons et les serviettes merci de ne pas mélanger gay people avec Palmade pleaaaaase. »

Face à l’incompréhension de certains internautes, il s’est expliqué dans un second tweet, lui aussi supprimé : « Pour celles et ceux qui seraient passés à côté, je n’ajoute rien sur le dos de Palmade. Je parle précisément de la manière dont les gens et médias amalgament une situation qui n’appartient qu’à lui, et non pas à la communauté tout entière… »

D’autres personnes ont également condamné ce traitement sur les réseaux. Cet internaute dénonce par exemple une « homophobie latente » de la part des médias.

De son côté, ce journaliste fustige l’homophobie et la toxicophobie révélées par l’affaire : « Le cas d’UN homme permet à tous les homophobes de se sentir confirmés. Les p* sont des drogués hypersexualisés. »

Leur indignation est partagée par la présidente de l’AJL : « Relier l’homosexualité à l’accident a quelque chose d’homophobe et renforce les stigmatisations. On associe danger et homosexualité comme dans les années SIDA. On retrouve aussi l’idée que Pierre Palmade cherche l’autodestruction. »

Homophobie en ligne

Selon Yasmina Cardoze, ce traitement médiatique est aussi stigmatisant pour les pratiquants du chemsex. « Ça va encore moins les pousser à chercher de l’aide, à en parler à leurs proches, à aller consulter en addictologie », déplore-t-elle. Une analyse complétée par Jean-Luc Roméro-Michel, adjoint à la maire (PS) de Paris chargé de la lutte contre les discriminations.

« On fait un amalgame, en mélangeant le sexe, la drogue et cet accident terrible. Ça va encore être la faute de ces méchants homosexuels qui se droguent. On les représente encore comme des irresponsables qui font l’amour à tout va et qui prennent tous des produits », fustige-t-il.

« Il faut parler du chemsex. Mais le débat arrive sur la table dans le pire des contextes. Les gens entendent parler de cette pratique dans le cadre de l’accident et font des amalgames », observe-t-il avant d’en souligner certains : « Tous les homos ne sont pas riches et ne peuvent pas s’acheter de la cocaïne. Ce n’est pas non plus la drogue la plus courante dans le chemsex. Les produits utilisés ne coûtent pas grand-chose et sont largement partagés par les hétéros dans les soirées. »

Jean-Luc Roméro-Michel dénonce également une « déferlante de réactions homophobes qui sont amplifiées par les réseaux sociaux », où il a aussi noté un « amalgame entre pédocriminalité et homosexualité ». Yasmina Cardoze craint quant à elle que cette situation n’engendre de la haine en ligne et des « petites agressions du quotidien qui se veulent être de l’humour mais qui renforcent des systèmes oppressifs ».

Elle condamne : « Quand on fait des raccourcis dans la presse, on sait que les gens vont faire les mêmes raccourcis dans leur tête. Ce qu’on dit a un impact chez les lecteurs. Je trouve ça très affligeant d’un point de vue journalistique. » Mais malgré ce traitement médiatique, la présidente de l’AJL relativise la menace d’une nouvelle vague d’homophobie : « C’est la nouvelle actualité qui fait qu’on va se faire insulter une fois de plus. L’inquiétude est présente, mais en même temps, on est habitués. »

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