Affaiblie politiquement, Amélie Oudéa-Castéra quitte l'Éducation nationale mais reste aux Sports

Après trois semaines de polémiques liées à la scolarisation de ses enfants dans le privé, Amélie Oudéa-Castera quitte la rue de Grenelle. Remplacée par Nicole Belloubet, celle qui reste ministre des Sports était démonétisée auprès des professeurs mais aussi auprès de Gabriel Attal.

Un record de brièveté battu. Moins d'un mois après son arrivée à l'Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra doit quitter son poste rue de Grenelle. L'ex-sportive de haut niveau, engluée dans les polémiques, n'est pas parvenue à garder la confiance de Gabriel Attal. Elle est remplacée par Nicole Belloubet à l'occasion du remaniement, annoncé ce jeudi 8 février.

Elle bat donc le précédent record, détenu par Benoît Hamon, avec seulement cinq mois en poste. À peine nommée à la tête d'un ministère XXL, Amélie Oudéa-Castéra avait pourtant été adoubée par le nouveau locataire de Matignon. Elle conserve cependant son ancien portefeuille des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques.

"Pas très malin"

À peine trois jours après son arrivée à la tête du gouvernement, il l'avait accompagnée lors de son tout premier déplacement de terrain dans un collège des Yvelines. Si le procédé visait à rappeler qu'il suivra de très près les dossiers scolaires, Gabriel Attal voulait également introniser auprès des professeurs une figure qui découvre alors ces sujets.

Mais la manœuvre n'a pas suffi. Après quelques dizaines de minutes d'échange avec des élèves, Amélie Oudéa-Castéra est interpellée sur un article de Mediapart qui révèle que ses enfants sont scolarisés à Stanislas, un établissement privé de la capitale.

En dépit des demandes de Gabriel Attal qui lui demande de ne pas répondre, la ministre fonce et évoque devant les journalistes des "paquets d'heures pas sérieusement remplacées" pour l'enseignante de son fils aîné en maternelle.

"On a tous été étonnés de sa sortie. Mettre ses enfants dans le privé, c'est un droit bien sûr mais vous ne pouvez pas attaquer des enseignants. Ce n'est pas correct et ça n'est pas très malin quand c'est votre ministère", tançait quelques jours plus tard une députée macroniste auprès de BFMTV.com.

"Un côté monde très à part qui est embarrassant"

La phrase passe ainsi très vite pour de la provocation auprès des syndicats. Presque aussitôt, l'ex-espoir du tennis français explique "regretter" avoir "pu blesser certains enseignants".

Las. Le lendemain, Libération met à mal la défense de la ministre. L'ancienne enseignante de son fils assure n'avoir pas été absente et justifie le passage du fils d'Amélie Oudéa-Castéra dans le privé par le refus de le faire sauter une classe.

Soucieuse d'éteindre la polémique, la ministre se rend dans l'école publique Littré où son fils a été un temps scolarisée. Elle est alors accueillie par des huées. L'ambiance n'est guère plus chaleureuse à l'Assemblée nationale. Alors qu'elle présente à nouveau ses "excuses", elle n'a qu'à peine applaudie par ses propres troupes.

Il faut dire qu'au-delà de la question de l'enseignement privé, dans laquelle bon nombre de ses prédécesseurs rue de Grenelle ont eux aussi placé leurs enfants, le symbole de Stanislas embarrasse.

"Ce n'est pas n'importe quel établissement quand même. Ce n'est pas seulement le choix de l'excellence quand vous mettez vos enfants là-bas. Il y a un petit côté monde très à part qui est embarrassant pour nous", remarque un conseiller ministériel.

"Maintenant, il faut qu'elle dégage!", avance encore un autre député.

"L'indulgence" présidentielle

Une enquête administrative a été ouverte en mai 2023 à l'encontre de Stanislas après des accusations d'homophobie et de sexisme. Le lycée est également accusé de ne pas respecter les règles de Parcoursup en détournant la procédure d'admission dans l'enseignement supérieur, ce que reconnaît le gouvernement.

Le fils d'Amélie Oudéa-Castéra lui-même a bénéficié de son contournement, lui assurant une place dans l'une des classes préparatoires de l'établissement.

Mediapart assure encore que la ministre a choisi de scolariser ses enfants dans des classes non mixtes à Stanislas. Si la ministre qui évoque plusieurs fois "ses souvenirs de maman" et demande à ce qu'on la juge "sur ses actes" agace dans la macronie, le Président, lui, ne la lâche pas.

Tout en reconnaissant des propos "maladroits", il réclame de "l'indulgence". Mais un nouveau front s'ouvre contre celle qui doit aussi continuer à organiser les Jeux olympiques de Paris.

Macron soutien jusqu'au bout

La commission d'enquête parlementaire sur les fédérations sportives françaises s'est penchée sur sa rémunération lorsqu'elle était à la tête de la fédération française de tennis entre 2021 et 2022.

Elle y gagné 400.000 euros par an ainsi que 100.000 euros de prime, nettement plus que son prédécesseur. Les députés ont également dénoncé dans ce rapport "des défaillances systématiques" dans les fédérations en matière d'éthique et jugé "très élevée voire anormale" la rémunération de plusieurs de ses dirigeants dont celle d'Amélie Oudéa-Castéra.

La ministre a de son côté dénoncé un rapport "militant", jugeant que les travaux du Parlement étaient "instrumentalisés à des fins politiques". Une tribune de soutien signée par une cinquantaine de cadres des fédérations sportives a défendu "une ministre efficace et une femme politique engagée".

Est-ce que c'est la polémique de trop pour le Président ? Présent à ses côtés pour ses vœux au monde sportif quelques heures après la publication de ce rapport, le chef de l'État ne manque pourtant de la citer à plusieurs reprises.

"Elle a tout cassé et Attal lui en veut beaucoup"

Mais Gabriel Attal a manifestement fini par avoir le dernier mot en la poussant vers la porte de sortie.

"On avait quand même reconstruit un lien avec les professeurs qui avait été très abîmé sous Jean-Michel Blanquer. Elle a tout cassé et Attal lui en veut beaucoup", analyse une députée qui suit de près les sujets école.

Autant dire que le Premier ministre l'a jugé trop démonétisée pour parvenir à porter "le choc des savoirs" promis pour l'école lors de son passage à l'Éducation nationale. Le dialogue avec les syndicats est apparu rompu ces derniers jours, après une grève particulièrement suivie la semaine dernière.

Charge désormais à Nicole Belloubet de renouer le fil de la discussion avec les professeurs.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - « Pensez-vous être à même d'exercer ? », Amélie Oudéa-Castéra interpellée par une députée