États-Unis: la mortalité infantile grimpe au Texas, la loi contre l'avortement pointée du doigt
Il est le front de la lutte contre l'avortement. L'État du Texas a connu entre 2021 et 2022 une augmentation de 12,9% du taux de mortalité infantile, après l'entrée en vigueur des rectrictions à l'avortement les plus strictes des États-Unis, suggère une étude publiée ce lundi 24 juin dans la revue américaine JAMA Pediatrics.
Depuis le 1er septembre 2021, le Texas interdit l'IVG (interruption volontaire de grossesse) dès lors que les battements du cœur du fœtus sont perceptibles, soit à partir de la sixième semaine de grossesse environ.
Lorsque la Cour suprême des États-Unis a révoqué l'arrêt Roe v. Wade, qui garantissait depuis un demi-siècle le droit fédéral des Américaines à interrompre leur grossesse, le Texas a interdit à son tour les avortements autres que ceux destinés à protéger la vie de la mère en cas d'"urgence médicale".
Outre le fait qu’elle ne prévoit aucune exception pour le viol ou l’inceste, le caractère inédit de la loi texane réside dans la modalité de son application: les citoyens sont encouragés à dénoncer ceux, qui, de près ou de loin, prendraient part à un avortement.
Cette étude, menée par les chercheurs des Universités du Maryland et Michigan, fournit les premières preuves empiriques d'une corrélation entre des politiques restrictives en matière d'avortement et les décès infantiles.
2.243 nourrissons morts en 2022 au Texas
Au total, 2.243 nourrissons de moins de un an sont décédés en 2022 au Texas, contre 1.985 en 2021. Ces résultats correspondent à une augmentation de 12,9 % du taux de mortalité infantile, contre une augmentation beaucoup plus faible dans le reste des États-Unis, de 1,8 %.
Selon les chercheurs, l'une des principales causes de décès concerne les malformations congénitales. En effet, la loi texane contre l'avortement ne fait aucune exception quand il s'agit d'anomalies congénitales, entraînant une augmentation de 22,9 % des décès dus à ces malformations au Texas, contre une diminution de 2,9 % dans les autres États américains.
Selon le Dr Suzanne Bell, co-responsable de l'étude, interrogée par la chaîne américaine ABC News, "il s'agit d'une tendance vraiment atypique spécifique au Texas".
Conséquences des politiques anti-avortement
Pour Dr Richard Ivey, obstétricien-gynécologue à Houston, cité par ABC News, cette nouvelle étude "confirme fondamentalement" ce que les chercheurs soupçonnaient "depuis longtemps". Étudier les conséquences sur la santé des interdictions restrictives de l'avortement "est la première étape pour que les gens comprennent" la gravité de la situation, soutient-il.
Selon le chercheur, si les Américains n'ont pas conscience des conséquences de l'interdiction de l'avortement, c'est parce que les femmes ne s'expriment pas suffisamment sur les "fausses-couches", les "anomalies chromosomiques de leurs enfants", ou encore les "malformations congénitales".
Si d'autres investigations doivent encore étayer ces premières conclusions, l'équipe de chercheurs estime que cette nouvelle étude fournit déjà des indices sur les conséquences des politiques restrictives en matière d'avortement, notamment en termes de "traumatismes pour les familles et de coûts médicaux".
"Je pense qu'attirer l'attention sur les conséquences (...) de l'interdiction de l'avortement est un travail de santé publique vraiment important", affirme Suzanne Bell à ABC News.
À ce jour 14 États interdisent l'avortement: l'Idaho, le Dakota du Nord et du Sud, le Missouri, l'Indiana, la Virginie, le Kentucky, le Tennessee, l'Alabama, le Missippi, la Louisiane, le Texas, l'Oklahoma et l'Arkansas.