À Sulawesi, des femmes collectent de l’eau douce à la nage, au mépris des crocodiles

Il fait encore nuit ce vendredi 15 septembre lorsque Sadiah, 40 ans, se met en route chargée de 100 jerricans vides de 5 litres.

Avec Yaya, 50 ans, et Murni, 38 ans, qui transportent respectivement 124 et 150 jerricans, elle attend à l’embouchure du fleuve.

Le fracas des vagues dans la baie de Mandar [sur l’île de Sulawesi] retentit au-delà des ténèbres.

Il est 3 heures du matin. Les trois femmes grimpent avec leur cargaison de jerricans vides dans une barque qui remonte le fleuve à la recherche d’eau douce.

Une longue chaîne de jerricans

Les nappes phréatiques de leur village côtier de Tinambung sont saumâtres. Les femmes progressent dans l’obscurité, avec pour destination le lieu-dit de Sepa Batu, à environ 2,5 kilomètres de la côte.

Arrivées à Sepa Batu, elles retrouvent là des dizaines d’autres passau’ wai [“passeuses d’eau douce”]. Elles commencent par creuser le sable dans une partie peu profonde du fleuve pour former un trou de 50 centimètres à 1 mètre de profondeur.

Elles immergent dans ce trou un grand seau dont le fond est percé et tendu d’un tissu fin recouvert de gravier. Elles puisent et filtrent ainsi l’eau jusqu’à ce qu’elle devienne claire.

Puis elles remplissent les jerricans à l’aide d’un entonnoir recouvert d’un tissu pour empêcher le sable d’y pénétrer. Lorsque tous les jerricans sont pleins, elles les attachent les uns aux autres pour former une longue chaîne.

Si Sadiah et les autres passau’ wai sont arrivées là en barque, elles doivent repartir vers la côte à la nage, en tirant le chapelet de jerricans remplis d’eau sur le fleuve.

Emportée par le courant

Les barques ne résisteraient pas au poids de cette lourde cargaison. La chambre à air d’un pneu de voiture leur sert à chacune de bouée, tandis que, de leurs deux mains, elles agrippent la corde qui met en branle le “train” de jerricans.

À Tinambung, en mars 2018. “Passau’ wai”, ou “passeuse d’eau douce”, est un métier héréditaire pour certaines femmes de Polewali Mandar, dans l’ouest de l’île de Sulawesi, dans le centre de l’Indonésie. Pour subvenir aux besoins de leur famille, elles effectuent ce travail au péril de leur vie. Car les crocodiles et les crues soudaines du fleuve menacent de les surprendre à tout moment.. PHOTO YUSUF WAHIL/AFP

Ce matin-là, elles ont nagé une heure et demie durant pour rejoindre leur point d’embarquement.

Yaya raconte : “Je croise souvent des crocodiles. J’ai déjà été attaquée par certains. Ils se tiennent en embuscade et nagent derrière nos jerricans. Et, une fois, j’ai été emportée par le courant lors d’une crue soudaine du fleuve. J’ai survécu grâce à mes compagnes, qui m’ont secourue.”

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