À Hawaï, pourquoi les incendies ont-ils provoqué un bilan si lourd dans l’archipel américain ?

Des palmiers et des voitures calcinés après les incendies à Lahaina, sur l’île de Maui, le 11 août.
Des palmiers et des voitures calcinés après les incendies à Lahaina, sur l’île de Maui, le 11 août.

ÉTATS-UNIS - Hawaï compte encore ses morts après plusieurs incendies fulgurants, les plus meurtriers en plus d’un siècle aux États-Unis. L’un a réduit en cendres une ville historique de l’île de Maui, où une morgue mobile a dû être installée.

« 101 vies ont désormais été perdues », a annoncé mardi 15 août au soir le gouverneur de l’archipel, Josh Green, lors d’une annonce télévisée. Dans la ville de Lahaina, quasiment rasée par les flammes sur l’île de Maui, les secouristes n’ont examiné qu’un peu plus d’un quart de la zone, a-t-il précisé.

Voici ce que l’on sait sur ce feu qui a pris de nombreux habitants par surprise.

• Comment les incendies ont-ils démarré ?

Une grande partie de l’archipel d’Hawaï était en alerte rouge incendie lorsque de multiples feux ont débuté mardi 8 août, mais leur cause reste encore inconnue.

Les autorités « n’ont pas été capables de déterminer ce qui a déclenché les incendies », a expliqué mercredi soir le major général Kenneth Hara, responsable de l’armée américaine à Hawaï.

Les premières flammes autour de la ville historique de Lahaina sont apparues aux aurores mardi. Un « feu de broussailles » a été signalé « à 6 h 37 », selon le comté de Maui. Il a initialement été déclaré « 100 % maîtrisé peu après 9 heures », mais dans l’après-midi, une reprise du feu a été annoncée.

D’autres incendies étaient alors en cours ailleurs sur Maui et les flammes ont progressé très vite. La population de Lahaina a été prise de court : une centaine de personnes s’est jetée à la mer pour échapper au brasier, selon les garde-côtes.

Les autorités craignent que le nombre de morts ne s’alourdisse considérablement et ont déjà averti qu’il pourrait doubler. Des centaines de personnes sont encore portées disparues.

À Lahaina, qui comptait 12 000 habitants avant la catastrophe, les habitants sont encore abasourdis par la rapidité du désastre. « On a vu la fumée de loin. Le temps qu’on rentre, en une ou deux minutes, la fumée noire s’infiltrait dans la maison », a raconté à l’AFP Saraí Cruz. « Il fallait se dépêcher, on a pris ce qu’on a pu, les choses importantes. On a pris la voiture, on voyait les flammes chez les voisins, leur maison brûlait déjà. »

L’ancienne capitale du royaume d’Hawaï ressemble désormais à un champ de ruines calcinées : Lahaina est à « 80 % » détruite, selon le gouverneur de l’archipel.

• Une mauvaise gestion de crise ?

Des questions commencent à émerger sur la gestion des autorités. Lors des incendies, les alertes officielles à la télévision, la radio et sur les téléphones se sont révélées inutiles pour de nombreux résidents privés d’électricité ou de réseau. Les sirènes d’alarme sont, elles, restées muettes. Une enquête a été ouverte pour examiner la gestion de crise.

« Ce qui s’est passé, à mon avis, frise la négligence », a confié à l’AFP Annelise Cochran, une trentenaire qui fait partie des dizaines d’habitants de Lahaina ayant dû se jeter à la mer pour échapper aux flammes. « Je ne suis ici que parce que je m’en suis occupée moi-même », a-t-elle estimé.

Surprise par une fumée noire, comme nombre de ses voisins, la jeune femme n’a pas reçu d’alerte. Complètement prise de court, elle a passé huit heures dans l’océan avant d’être secourue, accrochée à un mur de pierres qui lui a laissé de nombreuses éraflures sur les jambes et les bras.

À Lahaina, certains pompiers ont aussi été retardés par des bouches d’incendie à sec ou dont le débit était très faible.

Le fournisseur d’électricité Hawaiian Electric est par ailleurs visé par une plainte qui l’accuse de ne pas avoir coupé le courant, malgré le risque élevé d’incendie et les vents forts nourris par un ouragan passant au sud-ouest de Maui, susceptible de faire tomber les poteaux électriques.

Une semaine jour pour jour après les multiples incendies qui ont ravagé Maui, le président Joe Biden a promis mardi de se rendre à Hawaï « dès que possible » avec son épouse Jill.

• Comment expliquer la vitesse du feu ?

Les flammes ont été nourries par un cocktail de conditions dévastatrices.

Elles ont été attisées par des vents forts, qui ont dépassé les 100 km/h, selon les services météorologiques américains (NWS). Ils ont notamment été alimentés par Dora, un ouragan de catégorie 4, soufflant à plusieurs centaines de kilomètres au sud dans les eaux de l’océan Pacifique.

La topographie de Maui, une île qui compte deux volcans et plusieurs montagnes en son centre, avec une côte plutôt plate, a également joué un rôle.

Les rafales venues de l’océan se sont transformées en « vents descendants » qui « ont été poussés sur les pentes de l’île vers la ville », explique Thomas Smith, professeur de géographie environnementale à la London School of Economics. Ces vents descendants sont typiquement « secs et chauds », ce qui réduit l’humidité de la végétation et rend les incendies « plus extrêmes ».

La région elle-même était prête à s’embraser, pour deux raisons. D’abord à cause d’une année moins pluvieuse que d’habitude. La partie ouest de Maui, là où se trouve Lahaina, subit une sécheresse « sévère » à « modérée », selon le US Drought Monitor.

Ensuite, à cause du déclin de l’agriculture sur l’île depuis les années 90, selon Clay Trauernicht, spécialiste des incendies à l’université d’Hawaï.

Les champs autrefois bien entretenus, qui auraient pu ralentir le feu, ont été remplacés par de « vastes étendues de plantes non locales, laissées à l’abandon », a-t-il souligné sur Twitter.

• Le changement climatique a-t-il pesé ?

S’il est toujours difficile d’attribuer un événement particulier au changement climatique, les scientifiques rappellent régulièrement que le réchauffement de la planète augmente la fréquence des événements extrêmes.

Le monde vient ainsi de connaître son mois de juillet le plus chaud jamais enregistré.

« Le changement climatique entraîne partout un réchauffement de l’atmosphère, (...) de sorte que le même incendie qui aurait été modéré il y a quelques décennies sera plus intense aujourd’hui », résume Yadvinder Malhi, professeur de science des écosystèmes à l’université d’Oxford.

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