Yassine Belattar à l’Élysée, un rendez-vous qui fait hurler la droite et l’extrême droite

Yassine Belattar et Emmanuel Macron photographiés aux Mureaux en mars 2017 (Photo d’illustration).
ERIC FEFERBERG / AFP Yassine Belattar et Emmanuel Macron photographiés aux Mureaux en mars 2017 (Photo d’illustration).

POLITIQUE - Prenez une marche contre l’antisémitisme qui a semé la discorde politique, ajoutez le rôle attribué à un humoriste controversé, versez le contexte inflammable de l’importation du conflit israélo-palestinien et obtenez la recette de la polémique éruptive comme en raffole la fachosphère.

Ce mercredi 15 novembre, L’Express révèle que le comédien Yassine Belattar a été reçu à l’Élysée, en amont du refus exprimé par Emmanuel Macron de se rendre à la marche contre l’antisémitisme. Une « troublante visite », titre l’hebdomadaire, qui affirme que l’intéressé a eu un rendez-vous avec deux conseillers élyséens, Bruno Roger-Petit et Frédéric Rose. Une information dont Le HuffPost a eu confirmation.

Toujours selon L’Express, Yassine Belattar aurait alerté sur l’effet que provoquerait la participation du chef de l’État à cette marche. « Attention, leur a-t-il dit en substance, à ne pas commettre l’erreur irréparable qui donnera aux quartiers des raisons de s’enflammer », écrit le magazine. Sitôt l’information dévoilée, la droite et l’extrême droite, qui abhorrent cet artiste condamné à quatre mois de prison avec sursis pour menaces de mort courant septembre, ont saisi la balle au bond. Pour s’en prendre à la fois à l’humoriste et à Emmanuel Macron.

Réactions en cascade

Premier à réagir, l’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy. « C’est donc à Yassine Belattar, “ni Charlie ni Nice" , égérie du CCIF, condamné pour menaces de mort, que l’Élysée a demandé si le président devait marcher contre l’antisémitisme. Pour être avertis que ce serait une ”erreur irréparable”. La honte absolue… », a-t-il réagi sur le réseau social X (ex-Twitter). Puis c’est le fondateur de Reconquête !, Éric Zemmour, qui a remis une pièce dans la machine sur le même réseau social, en partageant un extrait de leur débat sur CNews.

Sénatrice LR, Valérie Boyer a quant à elle demandé un « démenti » à l’Élysée, jugeant ce rendez-vous « lamentable ». En fin d’après-midi, c’est la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale qui a apporté sa pierre à l’édifice. « C’est donc auprès de Yassine Belattar, récemment condamné pour menaces de mort et connu pour ses accointances avec les islamistes, que le chef de l’État prend conseil sur sa participation à la marche contre l’antisémitisme », s’est emportée Marine Le Pen, avant d’interroger : « La République est-elle à ce point fracturée pour que son Président en soit réduit à prendre conseil auprès d’individus aussi dangereux pour la concorde nationale ? »

Entre-temps, des élus Renaissance étaient montés au créneau pour relativiser la portée de l’information de L’Express. « Si vous envisagez, ne serait-ce qu’une seule seconde qu’il en faut si peu pour guider le Président de la République dans ses choix, alors il est à espérer que vous n’accédiez jamais aux pouvoirs », avait répliqué la députée Nadia Hai, en répondant directement à François-Xavier Bellamy.

En outre, il paraît effectivement peu probable que le chef de l’État fonde ses décisions sur la foi d’un seul rendez-vous de ses conseillers. Lors du conseil des ministres ce mercredi 15 novembre, Emmanuel Macron est lui-même revenu sur son absence à la marche contre l’antisémitisme, selon le récit fait au HuffPost par un ministre. « Pendant la marche, je travaillais à la gestion du conflit », a-t-il expliqué devant le gouvernement.

« Je suis là pour servir mon pays »

Contacté par Le HuffPost, le principal concerné, Yassine Belattar, ne cache pas son amertume. « Je ne savais pas que c’était grave, un rebeu qui passe les grilles de l’Élysée », grince-t-il, en s’interrogeant sur le titre choisi par L’Express : « je ne vois pas vraiment en quoi je suis trouble ». L’humoriste confirme avoir été reçu, et avoir livré son appréciation de l’actualité. « Je suis Français, je suis là pour servir mon pays. Quand il va mal, je vais mal », poursuit Yassine Belattar, qui précise avoir tenu un discours « plutôt banal » devant ses interlocuteurs.

« J’ai dit qu’on avait besoin d’idées communes pour apaiser le pays, que la société était en train de s’affaisser. Dit comme ça, c’est un peu enfoncer des portes ouvertes, mais c’est tout ce que j’ai dit », assure le comédien, soucieux des discours « racistes et anti-musulmans » qui peuvent fleurir à l’aune de l’actualité au Proche-Orient.

Abasourdi par les réactions provoquées par ce rendez-vous, Yassine Belattar (qui a déjà travaillé avec Emmanuel Macron) affirme avoir reçu des menaces de mort depuis la révélation de cette rencontre. Raison pour laquelle il ne veut pas trop s’étaler, « pour ne pas nourrir la bête immonde de l’extrême droite ». Avant de constater avec aigreur : « tiens, on me dit que je suis en bandeau sur CNews. Ils me présentent comme le conseiller de Macron ».

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