"Pas un vote anti-immigrés": Pour Thomas Piketty et Julia Cagé, le vote RN est un "vote d'abandon"

"Pas un vote anti-immigrés": Pour Thomas Piketty et Julia Cagé, le vote RN est un "vote d'abandon"

C'est incontestablement un ouvrage qui va marquer cette rentrée politique, de par les clés qu'il présente pour comprendre les enjeux électoraux à quatre ans de la prochaine présidentielle.

Dans le livre Une histoire du conflit politique (Seuil), paru le 8 septembre, le couple d'économistes formé par Thomas Piketty et Julia Cagé analyse le vote selon le milieu social et le lieu d'habitation.

"Un vote d'abandon socio-économique"

Pour ce faire, ces chercheurs ont épluché les données électorales et socio-économiques des 36.000 communes françaises sur plus de deux siècles. De quoi en tirer des enseignements par leur appel à une alternance politique entre la gauche et la droite plutôt qu'une "tripartisation" avec le Rassemblement national.

Présent sur le plateau de BFMTV-RMC ce mercredi aux côtés de Julia Cagé, Thomas Piketty est revenu sur l'idée selon laquelle le vote pour le RN des "ouvriers des villages et des bourgs", serait un "vote anti-immigré".

Au contraire, il s'agit "d'abord d'un vote d'abandon socio-économique", selon le directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales.

"L'impasse de la désindustrialisation"

Dès lors, cette tendance s'exprime "notamment face à l'intégration commerciale européenne et internationale", lors de laquelle, "les blocs qui se sont succédés au pouvoir historiquement, de gauche et de droite, ontdonné l'impression finalement de faire l'impasse sur la désindustrialisation et les pertes d'emplois ouvriers."

En ce sens, le référendum sur Constitution européenne en 2005 qui a débouché sur un "non" - et qui sera malgré tout appliqué - est marqué ensuite par une nette montrée du vote RN qui "devient plutôt rural et ouvrier".

Face à cela, la gauche "souffre" du fait d'avoir été au pouvoir "quasiment la moitié du temps au cours des quarante dernières années" tout comme la droite sans sembler parvenir à agir, regrette Julia Cagé.

"Les déceptions" des dernières décennies

Ces dernières décennies ont "entraîné beaucoup de déceptions", a encore souligné l'enseignante de Sciences Po Paris. Avant de citer à titre d'exemple les propos de Lionel Jospin, qui, confronté à la fermture d'usines avait déclaré à la fin des années 90 que l'État ne "pouvait pas tout". Il était alors Premier ministre.

Conclusion de Julia Cagé: "les ouvriers qui ont perdu leur emploi et ont des problèmes de pouvoir d'achat, se disent 'bon finalement la droite et la gauche ont gouverné, donc pourquoi pas le RN ?'"

"Par ailleurs, le RN sait s'adresser à cet électorat avec, par exemple, sa proposition de faire un taux à prêt zéro à hauteur de 100.000 euros, remboursé à partir du 3ème enfant, a relevé l'économiste. Même s'"ils ne disent pas comment ils vont payer", pointe encore Thomas Piketty.

Article original publié sur BFMTV.com

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