Violences sexuelles à l’école : les infirmières scolaires font face à un criant manque de moyens

Un quart des jeunes femmes de 13 à 25 ans ont subi au moins une forme de violences sexistes et sexuelles à l’école.
Imgorthand / Getty Images Un quart des jeunes femmes de 13 à 25 ans ont subi au moins une forme de violences sexistes et sexuelles à l’école.

FEMMES - Une sur quatre. Selon un baromètre OpinionWay pour le Plan International France, paru ce jeudi 25 janvier, un quart des jeunes femmes (26 %) ont été victimes d’au moins une forme de violences sexistes et sexuelles à l’école en France. Un chiffre qui n’a rien d’étonnant pour Safia Guereshi, secrétaire générale du Syndicat National des Infirmières Conseillères de Santé : « Il reflète la réalité et il est même peut-être sous évalué. »

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Autre enseignement de cette étude réalisée en ligne auprès d’un panel de 1 039 filles et jeunes femmes de 13 à 25 ans : seulement 18 % des victimes qui se sont confiées l’ont fait auprès d’un membre du personnel scolaire, contre un tiers à une amie, et un autre tiers à un parent.

Les infirmières scolaires sont parmi les principales préposées au recueil de la parole des victimes de violences sexistes et sexuelles à l’école. Mais ce chiffre n’étonne pas Safia Guereshi non plus. Si les jeunes filles ne se tournent pas vers elles – ou d’autres membres du personnel –, c’est la faute à « des conditions d’accueil qui ne sont pas favorables », et ce depuis des années.

Des locaux pas adaptés

Si les infirmières scolaires « n’ont pas le monopole de l’écoute », le cadre confidentiel que leurs locaux sont censés proposer et leur formation à l’éducation à la sexualité, à l’écoute et à la relation d’aide devraient en faire des interlocutrices privilégiées pour les victimes. « On offre aux jeunes une consultation confidentielle par un tiers qui ne les évalue pas, qui est neutre, ce qui est plus propice à la libération de la parole », explique-t-elle.

Problème : la confidentialité est rarement respectée, la faute à des locaux pas adaptés. « Quand dix élèves attendent dans la salle d’attente, et qu’on entend tout ce qui est dit dans le bureau de l’infirmière, un jeune ne se livrera pas », estime-t-elle.

La secrétaire générale du syndicat, qui est également infirmière dans des collèges de l’Yonne, continue : « Les jeunes sont sensibles aux autres et vont banaliser leurs difficultés. Ils vont se dire qu’elles passent après celles des autres, alors qu’ils ont le droit d’être entendus. »

Créer suffisamment de relations de confiance avec les élèves est aussi difficile, en raison du faible nombre d’infirmières scolaires. De la maternelle à l’université, elles ne sont que 7 700 pour plus de 60 000 sites scolaires, selon Safia Guereshi. « On fait du saupoudrage, on est un petit peu par ci, un petit peu par là. Quand on enchaîne les consultations et qu’on est obligé de les ajourner depuis trois semaines, les jeunes se livrent à une autre personne de confiance », révèle-t-elle.

Le manque de formation

Autre problème pointé par l’infirmière : alors qu’un jeune « doit pouvoir se livrer au moment où il en a besoin, à une personne sérieuse, compétente et sécurisante », le manque de formation du personnel ne lui permet pas toujours de se confier dans les meilleures conditions.

Il n’existe pas de formation spécifique au travail avec les adolescents pour les infirmières scolaires à l’échelle nationale. « Chaque recteur organise une formation qui peut varier d’un à une vingtaine de jours », explique Safia Guereshi, qui réclame avec son syndicat « un cadrage national avec vraiment une spécialité infirmière portée sur l’adolescence ».

Le reste du personnel de l’Éducation nationale est lui aussi confronté à ce même manque de formation dans le recueil de la parole des victimes. « Il faudrait les former pour qu’il y ait une culture commune, et qu’ils connaissent les missions des uns et des autres, afin d’orienter les victimes au mieux et au meilleur moment », continue l’infirmière.

Une meilleure formation de tous les personnels, combinée à davantage de « temps de concertation en équipe », permettrait de ne « pas être plusieurs autour du même élève au détriment d’autres ».

Quid de l’éducation à la sexualité ?

Safia Guereshi pointe également les lacunes des programmes en matière d’éducation à la sexualité et dans la lutte contre les violences et les stéréotypes de genre. La loi prévoit trois séances annuelles d’éducation à la sexualité – comprenant de la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles – de l’école au lycée.

Ces cours font office de seule prévention dans les établissements scolaires. « On est censée accompagner ces projets en tant qu’infirmière », explique Safia Guereshi, mais son corps de métier « les porte à bout de bras, sans financement, mais avec la bonne volonté des partenaires ». « L’Éducation nationale n’accompagne pas ces projets. […] On est freiné car on n’est pas assez nombreuses », ajoute-t-elle.

Résultat, dans la pratique, on est très loin des trois séances annuelles d’éducation à la sexualité, comme l’avaient pointé du doigt en mars 2023 trois associations – SOS Homophobie, Sidaction et le Planning familial. Elles ont par ailleurs attaqué l’État en justice pour le contraindre à appliquer ce que prévoit la loi.

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