"Je vais en envoyer une centaine": ces Français qui écrivent toujours des cartes de vœux en 2024

"Cette année, je vais en envoyer une centaine", confie à BFMTV.com Nicolas (dont le prénom a été modifié à sa demande). Depuis une poignée d'années, ce militaire originaire d'Amérique du Sud a pris l'habitude d'envoyer des cartes de vœux - tradition qu'il a découverte en France.

"J'ai découvert cette coutume avec ma belle-famille, assez traditionnelle et issue de l'aristocratie. Et j'ai adopté cette tradition. Maintenant, envoyer mes vœux chaque année me tient à cœur."

Pas question pour ce quadragénaire de se contenter d'un simple SMS de "bonne année". Il réalise lui-même ses cartes - une photo de famille collée sur une feuille cartonnée - et écrit au dos à chacun de ses destinataires un message personnalisé. Ce qui lui prend plusieurs heures.

"C'est presque un passe-temps. Ce matin, à 4 heures, j'étais réveillé: j'en ai écrit une vingtaine. Il m'en reste 80."

Nicolas tamponne ensuite à la cire sa carte avec un sceau médiéval. "Tout le monde est content de recevoir une carte de vœux mais personne ne prend le temps de le faire", regrette-t-il. "J'espère vraiment que cette belle tradition ne va pas se perdre."

Une tradition qui s'essouffle

Depuis plusieurs années, la pratique est bel et bien en perte de vitesse. Selon un sondage Opinionway pour Unicef France, plus de neuf Français et Françaises sur dix considèrent en effet que cette tradition s'essouffle.

Pourtant, ces derniers restent attachés à la carte de vœux. Selon ce même sondage réalisé en novembre dernier, plus de deux tiers des personnes interrogées affirment aimer en recevoir de la part de leurs proches. Mais un peu moins de la moitié envisageaient d'en écrire au moins une cette année.

Sophie, une ingénieure francilienne de 38 ans, reste une de ces fidèles de la carte de vœux. Elle en envoie à ses proches depuis vingt ans et les confectionne elle-même. Sept cette année, toutes réalisées à la main. "Mon fils participe", explique-t-elle à BFMTV.com. "On commence à s'y mettre mi-novembre pour avoir le temps et le plaisir de les faire, c'est d'ailleurs pour ça que je limite volontairement leur nombre."

Motif choisi pour ses vœux 2024: le sapin de Noël. La jeune femme a ainsi composé plusieurs déclinaisons de sapins avec des papiers colorés et dorés différents. "J'y passe du temps mais j'aime ça. C'est le plaisir qu'on prend à offrir quelque chose de joli."

"Je trouve que ça a du sens dans un monde où tout va vite, où on se souhaite 'bonne année' en trente secondes."

Si certains de ses proches lui envoient eux aussi leurs vœux, Sophie ne les attend pas particulièrement. "Je ne le fais pas pour recevoir une carte en retour." Mais si par hasard c'est le cas, elle les épingle tout de même plusieurs mois sur son réfrigérateur, "pour qu'elles continuent de diffuser".

"La réactivation d'un lien"

"À l'heure du SMS, du message sur Whatsapp ou de la carte virtuelle, c'est de plus en plus rare d'envoyer une carte papier et d'écrire ses vœux à la main", observe pour BFMTV.com Michel Billé, sociologue spécialiste de la vieillesse.

"C'est même d'une autre époque."

Mais pour ce sociologue, la carte de vœux traditionnelle représente bien plus que ces poncifs de nouvel an. "C'est la réactivation d'un lien social, familial ou amical", analyse Michel Billé, également auteur de Vieillir comme le bon vin: pour une vieillesse effervescente ou pétillante.

"C'est aussi la réactivation d'un souvenir."

S'il ne méprise pas pour autant les vœux dématérialisés - mail ou SMS - il distingue tout de même ceux couchés sur papier. "Pour certaines personnes, quel que soit leur âge, qui souffrent d'isolement et d'une fragilisation, voire d'une rupture des liens sociaux, une carte c'est un vrai cadeau, extraordinaire et très précieux."

"Je tiens à garder le contact"

Un rituel qui semble en effet participer au tissage des liens. Comme pour Joëlle, 77 ans, qui réside à Fontainebleau (Seine-et-Marne). "J'en ai écrit 26", témoigne pour BFMTV.com cette professeure d'anglais à la retraite.

Elle envoie chaque année - "il faut que tout soit posté avant le 31 décembre" - son lot de cartes de vœux. Une tradition à laquelle elle ne déroge jamais. "Une année, j'en ai envoyé une quarantaine, c'était mon maximum."

Parmi ses destinataires: familles, anciens collègues, amis d'enfance. Certains vivent à quelques rues de chez elle, d'autres au Mexique, en Nouvelle-Zélande ou à Malte. Comme la correspondante allemande de son adolescence avec laquelle elles échangent leurs vœux depuis plus de soixante ans.

Chaque carte est choisie avec soin et le contenu personnalisé. Pour certains, ce courrier est le seul contact de l'année; le texte est alors plus long. "En plus des vœux, je donne toutes les nouvelles de l'année." Pour d'autres, que la septuagénaire fréquente au quotidien, le texte est succinct.

"Je tiens à garder le contact avec mon entourage."

La plupart de ses destinataires lui répondent. "Nous ne sommes que le 4 janvier mais j'ai déjà reçu une petite vingtaine de cartes", compte Joëlle. "Je ne suis pas allée voir le courrier ce matin mais je suis certaine que j'en ai reçu une ou deux." D'autres lui répondent par téléphone mais elle ne leur en tient pas rigueur. "Ce sont les fidélités de l'année."

Article original publié sur BFMTV.com