Les vacances, cette « fenêtre de tir » des politiques qui transforme Roussel en influenceur salade

Lectures, rando et salade de harengs... Mais que veulent nous dire les politiques pendant leurs vacances ? (ici Fabien Rousseul au camping)
Lectures, rando et salade de harengs... Mais que veulent nous dire les politiques pendant leurs vacances ? (ici Fabien Rousseul au camping)

POLITIQUE - La faucille et le tuto. Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste a surpris son monde en publiant une vidéo de lui au camping pour prodiguer quelques conseils cuisine. Vêtu d’un tee-shirt rouge barré du mot « dayoff », le député se fait filmer en train de préparer une salade de pommes de terre - « pas trop cuites sinon elles éclatent » - aux harengs avec les cigales en fond sonore et les toiles de tente en décor.

Comme lui, la plupart des responsables politiques profitent de cette première quinzaine d’août pour prendre quelques jours de congé loin des médias et de leurs obligations. Une période de creux qui n’empêchent pas certains de continuer à communiquer, surtout sur les réseaux sociaux.

Outre le député du Nord, les ministres Bruno Le Maire ou Clément Beaune font eux aussi part de leurs activités estivales sur Instagram. Dans un style certes différent, le premier se dévoile en randonneur quand le deuxième se montre au chevet des animaux abandonnés. Classique parmi les classiques, le député LR Aurélien Pradié, opte-lui pour les traditionnelles photos de livres à la plage. Mais pour quoi faire ?

Conforter leur image

S’il ne faut pas sous-estimer l’envie des responsables politiques de s’amuser sans but précis ni arrière-pensées sur les réseaux sociaux, surtout depuis le passage de Jean-Baptiste Djebbari au ministère des Transports, ces cartes postales, légères, ne sont pas si peut-être pas si anodines que cela. Surtout lorsqu’elles proviennent de personnalités ambitieuses, désireuses de jouer un rôle important dans les années à venir.

Pour la communicante Émilie Zapalski, les vacances constituent pour eux une « fenêtre de tir assez maligne pour s’exprimer en douceur, sans être caricatural », tout en véhiculant « leurs valeurs ou ce qu’ils peuvent représenter de différent. » Dans cette logique, le message de certains apparaît relativement clair.

« Dans l’esprit de Fabien Roussel », nous dit la spécialiste, son tuto au camping, « c’est le concret avec le côté modeste, la vraie vie des gens, les mains dans la nourriture et les bons produits. » Toutes proportions gardées avec ses prises de position l’été dernier autour de « la viande de chez nous » et les barbecues. Il s’agit, pour Émilie Zapalski, « d’une communication très sur le vif » qui vient servir l’image de quelqu’un « d’authentique, un peu à part » dans la sphère politique. « Ce qui semble fonctionner. »

Monsieur tout le monde

Plus à droite sur le spectre politique, les cartes postales n’ont pas tout à fait la même couleur. Aurélien Pradié, le député LR qui s’est fait connaître du grand public cette année en s’opposant bec et ongles à la réforme des retraites publie, lui, quelques photos de ses lectures estivales que l’on devine sur un banc de sable. Ici, la revue le « 1 » qui traite cette semaine de la « société du spectacle », là un roman de la collection blanche de Gallimard.

Même communication retenue pour Bruno Le Maire. Le ministre de l’Économie - qui a pris l’habitude de jalonner son compte Instagram de quelques publications personnelles - a publié une photo de lui début août, polaire et chaussettes relevées, manifestement en pleine randonnée. Une passion que l’homme fort du gouvernement partage avec Élisabeth Borne et de nombreux responsables politiques.

Pour lui, comme pour Aurélien Pradié ou les élus qui dévoilent les contours de leur temps libre, l’enjeu est de « montrer qu’existe un homme tout à fait normal, qui lit, qui fait du sport, qui profite de sa famille, au-delà du personnage public », nous dit Émilie Zapalsky.

La rando, quant à elle, semble répondre à tout un imaginaire particulier de résilience, adopté par François Mitterrand sur la roche de Solutré, puis par Arnaud Montebourg au Mont Beuvray ou Laurent Wauquiez au Mont Mézenc.

Se montrer attentif à d’autres sujets

« La marche ou l’ascension peuvent être une vraie ressource de communication pour forger sa propre mythologie, cultiver son enracinement sur un territoire. Mais pour fonctionner, il faut que ça corresponde au personnage », estime ainsi le politologue Bruno Cautrès dans un article de 20 Minutes consacré aux politiques - randonneurs.

En clair, il n’est pas incongru de voir les élus mettre davantage en avant leurs lectures ou leur crapahutage en montagne que leurs éventuelles parties de paintball, sorties en jet-ski, ou toutes autres activités qui ne véhiculeraient pas la même image positive.

Dans ce contexte, que dire de Clément Beaune, le ministre des Transports qui profite de ses congés pour visiter des refuges pour animaux abandonnés ? « C’est un ministre peu connu mais qui a des ambitions. Les vacances lui permettent de se montrer, d’élargir son spectre d’image et de communication », analyse Émilie Zapalski en synthétisant le message derrière ces cartes postales : « je suis ministre des Transports, mais je parle à d’autres gens, j’ai d’autres sujets de préoccupation qui en plus sont ceux des Français. » Malin.

Une « fenêtre de tir » estivale plus cruciale encore pour les ministres ambitieux que pour les autres responsables politiques. Difficile effectivement pour un membre du gouvernement de prendre la lumière en temps normal quand le président de la République s’arroge tous les sujets, les discours et les annonces de poids. Où l’été comme pis-aller.

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