Une unité spéciale envoyée à Odessa, combats dans l'Est

par Aleksandar Vasovic et Maria Tsvetkova ODESSA Ukraine (Reuters) - Le gouvernement ukrainien a annoncé lundi l'envoi des forces spéciales à Odessa pour mettre au pas les séparatistes pro-russes alors que les combats se poursuivent dans l'Est, autour de Slaviansk où un hélicoptère a de nouveau été abattu. Le ministère de l'Intérieur a fait état de quatre morts dans les rangs de la police paramilitaire à Slaviansk. Les séparatistes ont déploré quatre morts. Les violences qui ont commencé vendredi à Odessa, le grand port du sud de l'Ukraine, où cohabitent Russes, Ukrainiens, Géorgiens et Tatars, sont considérées comme un tournant par les autorités intérimaires de Kiev, qui craignent une extension de la rébellion au-delà de l'Est russophone. En outre, à l'approche des célébrations de la victoire soviétique à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, prévues vendredi, les autorités redoutent des troubles à Kiev. La Russie a appelé le gouvernement intérimaire ukrainien à cesser de faire usage de la force et à entrer en négociations. La nouvelle force dépêchée à Odessa, baptisée "Kiev-1", est constituée de "militants civils" appelés à remplacer la police qui n'a pas su s'imposer face aux rebelles ce week-end, le gouvernement ukrainien voulant montrer ainsi sa volonté d'empêcher le pays de sombrer dans la guerre civile. Les violences qui se sont produites vendredi à Odessa sont les plus meurtrières depuis la fuite en Russie du président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovitch en février, suivie d'un soulèvement pro-russe dans les régions industrielles de l'est de l'Ukraine. Plus de 40 personnes sont mortes à Odessa. "La police à Odessa a agi de façon scandaleuse, voire de façon criminelle", a écrit le ministre de l'Intérieur, Arsène Avakov sur sa page Facebook. Les coupables ne seront pas protégés par leur uniforme, a ajouté Arsène Avakov. CRAINTES DE DÉSINTÉGRATION Les dirigeants ukrainiens ont clairement exprimé leurs doutes sur l'efficacité de la police dans de nombreuses parties du pays face à une rébellion qu'ils considèrent dirigée en sous-main par Moscou et mise en oeuvre sur le terrain par les forces spéciales russes. La perte d'Odessa, de ses deux ports, dont un terminal pétrolier, et de son million d'habitants, serait un coup énorme pour Kiev, tant du point de vue économique que politique et ne ferait aussi qu'alimenter les craintes de désintégration de l'Ukraine, déjà divisée culturellement entre un Est industriel et russophone et un Ouest plus tourné vers l'Union européenne. La colère des dirigeants de Kiev se concentre pour l'instant sur la décision prise dimanche par la police d'Odessa de libérer 67 activistes, pro-russes pour l'essentiel, sous la pression de leurs partisans qui bloquaient le siège de la police. Les activistes pro-russes avaient été arrêtés vendredi après plusieurs heures de combats dans les rues d'Odessa. D'autres pro-russes s'étaient retranchés dans un bâtiment qui a ensuite brûlé dans des circonstances non élucidées et où plus de 40 personnes ont trouvé la mort. Moscou a mis ce drame sur le compte des "provocations" de Kiev. MISES EN GARDE Si le calme régnait dans l'ensemble lundi à Odessa où l'on enterrait les morts de vendredi, les combats continuaient à l'Est. Aux abords de Slaviansk, ville de près de 120.000 habitants place-forte des rebelles, quatre membres d'une unité de la police paramilitaire ukrainienne ont été tués dans des combats lundi. Les tirs semblaient se rapprocher du centre-ville. Selon le ministre de l'Intérieur, les forces ukrainiennes ont été prises en embuscade par des séparatistes pro-russes à l'aube, déclenchant des tirs nourris aux abords de la ville. Toujours dans le secteur de Slaviansk, un hélicoptère de l'armée ukrainienne a été abattu par les pro-russes, le quatrième depuis vendredi, a indiqué le ministère de la Défense. L'appareil s'est écrasé dans une rivière et l'équipage a pu être sauvé. Le ministère a précisé qu'un pilote capturé vendredi par les séparatistes qui avaient abattu son hélicoptère avait été libéré par l'armée. Sur le plan diplomatique, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a indiqué qu'un troisième niveau de sanctions pourrait être décidé contre la Russie si la tenue de l'élection présidentielle le 25 mai en Ukraine était rendue impossible. Le président américain Barack Obama et la chancelière allemande Angela Merkel ont lancé le même avertissement vendredi. L'Allemagne a dit souhaiter une nouvelle conférence internationale sur l'Ukraine qui se tiendrait à Genève. Lundi, Angela Merkel a mis en garde via son porte-parole contre l'organisation du référendum d'autodétermination prévu dimanche par les séparatistes à Donetsk. Le ministère russe des Affaires étrangères a appelé les autorités de Kiev "à retrouver leur bon sens, faire cesser le carnage, retirer leurs forces et finir par s'asseoir à la table des négociations pour entamer un dialogue normal sur les moyens de résoudre la crise politique". (Avec Ralph Boulton, Natalia Zinets et Elizabeth Piper à Kiev, Maria Tsvetkova à Slaviansk et Matt Robinson à Donetsk; Danielle Rouquié pour le service français, édité par Bertrand Boucey)