Ukraine: après l'Assemblée, le Sénat qualifie de génocide la famine des années 1930

Le Sénat a appelé ce mercredi le gouvernement à reconnaître comme un génocide l'Holodomor, cette famine provoquée au début des années 1930 en Ukraine par les autorités soviétiques, à l'origine de la mort de plusieurs millions de personnes.

En présence de l'ambassadeur d'Ukraine Omelchenko Vadym, installé en tribune d'honneur, une proposition de résolution portée par Joëlle Garriaud-Maylam (LR) a été adoptée par 327 voix contre 16, seul le groupe CRCE à majorité communiste ayant voté contre.

Elle "invite le gouvernement français à reconnaître officiellement la famine, la déportation et l'extermination méthodiquement organisées par les autorités soviétiques, à l'encontre de millions d'Ukrainiens en 1932 et 1933, comme un génocide".

Le texte invite également le gouvernement à "condamner publiquement le génocide commis par les autorités soviétiques contre la population rurale ukrainienne en 1932 et 1933".

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué une "décision historique du Sénat français".

"Il s'agit d'une nouvelle étape importante vers le rétablissement de la justice historique et la perpétuation de la mémoire des millions d'Ukrainiens qui sont morts de faim", a-t-il écrit sur Twitter en remerciant les sénateurs.

Une écho aux souffrances d'aujourd'hui

Pour le ministre chargé du Commerce extérieur, Olivier Becht, cette résolution "revêt une importance toute particulière", notamment "parce que les souffrances alors endurées par le peuple ukrainien font écho à celles qu'il subit aujourd'hui".

"Il n'est pas dans les habitudes du gouvernement de reconnaître comme génocide des faits qui n'ont pas préalablement été qualifiés comme tels par une juridiction française ou internationale, mais la réalité des crimes commis lors de l'Holodomor ne fait pas de doute, et c'est pourquoi le gouvernement soutient ce texte", a-t-il ajouté.

Le 28 mars dernier, l'Assemblée nationale avait reconnu comme génocide l'Holodomor pour répondre à la forte attente de Kiev au sujet de ce souvenir douloureux, ravivé par l'invasion russe du pays.

La Russie refuse pour sa part catégoriquement cette classification, invoquant le fait que la grande famine des années 1930 n'avait pas seulement fait des victimes ukrainiennes, mais aussi russes, kazakhes, et parmi d'autres peuples.

Pour Joëlle Garriaud-Maylam, par ailleurs présidente de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, les événements actuels en Ukraine semblent "démontrer le parallélisme entre l'Holodomor et un objectif poutinien d'une négation de l'identité ukrainienne".

Une "intention délibérée de détruire un groupe de personnes"

"'Nous ne savions pas'. Combien de foi cette excuse a-t-elle servi à ceux qui ont choisi de fermer les yeux ?", a interrogé le président du groupe Indépendants Claude Malhuret. "La vérité ne s'est jamais dérobée qu'à ceux qui ne voulaient pas voir", a-t-il tancé.

"L'Holodomor était bien une intention délibérée de détruire un groupe de personnes. Nier son caractère génocidaire, c'est grimer la mémoire des peuples", a affirmé Nadia Sollogoub (centriste), présidente du groupe d'amitié France-Ukraine. Pour le président du groupe socialiste Patrick Kanner, "ce rappel à un douloureux passé doit nous inciter à ouvrir dès que possible les portes de l'Europe au peuple ukrainien". Le groupe CRCE s'est distingué en s'opposant à la proposition de résolution. Pierre Laurent a vu dans ce texte le "souci d'alimenter le récit de justification de l'amplification de l'effort de guerre réclamé par les dirigeants ukrainiens au détriment de la reconstruction de la paix".

Article original publié sur BFMTV.com