En Tunisie, l’industrie textile assèche la nature et décape les êtres humains

COURRIER INTERNATIONAL
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Derrière le promontoire du centre-ville de Monastir, les villas touristiques bleues et blanches et les monuments célébrant l’ancien président tunisien Habib Bourguiba [1957-1987] laissent place à des entrepôts gris. Ces hangars, souvent non déclarés, servent de lieu de travail à une main-d’œuvre majoritairement féminine, payée en moyenne 600 dinars [177 euros] par mois, selon le dernier accord social signé avec l’Union générale tunisienne du travail (UGTT).

Alors que la plupart des Tunisiens continuent de s’habiller à la fripe, 82 % de la production textile quitte le pays, selon un rapport de l’ONG Avocats sans frontières (ASF) [publié en août dernier]. La Tunisie, comme le Maroc et l’Égypte, est une destination attrayante pour les multinationales de l’industrie textile en raison de sa proximité géographique avec le marché européen.

Le triangle de la mort

À Monastir, les plages touristiques se transforment rapidement en une longue étendue marine boueuse. La route qui mène aux quartiers populaires du sud de la ville, connus pour être le centre de l’industrie textile – Khniss, Ksibet, Lamta, Ksar Hellal, Moknine – porte pourtant le nom de boulevard de l’Environnement.

Ce nom de rue est présent dans toutes les principales villes du pays et incarne, selon le chercheur Jamie Furniss, “l’environnementalisme autoritaire de la Tunisie des années 1990 de Ben Ali”. Il s’agit d’une tentative de redorer l’image de la dictature “en abordant des questions stratégiques et significatives pour l’Occident”.

“Nous appelons cette zone le triangle de la mort”, explique un pêcheur solitaire, à côté d’une petite jetée, à Ksibet El-Mediouni, une ville de 13 000 habitants. Après avoir retroussé son pantalon, il plonge ses pieds dans l’eau sale et monte dans une petite barque. “Sadok est l’un des derniers pêcheurs à encore oser pénétrer dans ces eaux”, soupire Yassine, professeur d’histoire à l’école publique de la ville, qui l’observe depuis la route pour supporter la forte odeur.

Les passants du boulevard de l’Environnement en conviennent : la baie ne vit plus “à cause d’une importante concentration d’entreprises de textile sur une poignée de kilomètres”, polluant l’eau de mer où la population avait l’habitude de se baigner.

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