Trois usines automobiles américaines en grève : on fait le point avant des jours décisifs

Trois usines automobiles américaines en grève : on fait le point avant une semaine décisive (Photo de la grève automobile à General Motors dans le Missouri le 15 septembre 2023)
MICHAEL B. THOMAS / Getty Images via AFP

ETATS-UNIS - Pour la quatrième journée consécutive, les salariés de l’industrie américaine de l’automobile sont en grève ce lundi 18 septembre dans les États du Michigan, de l’Ohio et du Missouri pour demander, entre autres, une hausse de leurs salaires. Et les conséquences collatérales se font déjà sentir avec de premiers renvois temporaires d’employés. On fait le point ici sur ce qu’il se passe outre-Atlantique.

Depuis vendredi, les salariés des trois constructeurs automobiles historiques, General Motors, Ford and Stellantis, se sont mis en grève à l’appel du syndicat United Auto Workers (UAW), qui demande une augmentation des salaires et une plus grande sécurité de l’emploi alors que le secteur effectue sa transition vers les véhicules électriques.

Ainsi, près de 12.700 travailleurs sont en grève dans trois usines situées dans le Michigan, l’Ohio et le Missouri qui produisent notamment la Ford Bronco, la Jeep Wrangler et la Chevrolet Colorado. Le syndicat a, jusqu’ici, choisi de limiter la portée des arrêts de travail pour ne pas bloquer toute la production.

L’UAW a enjoint les membres du syndicat des autres sites à se tenir prêt en fonction de l’évolution des négociations, si un accord n’est pas trouvé avec ces entreprises pour les nouvelles conventions collectives. Dimanche, le président du syndicat UAW a menacé d’une possible « amplification » de la grève alors que le mouvement s’invite dans le débat politique.

Hausse des salaires et sécurité de l’emploi

Dans ces négociations, qui ont débuté il y a plusieurs mois, le syndicat demande notamment pour les quelque 150.000 membres de l’UAW dans les trois groupes, des hausses salariales conséquentes au vu des bénéfices record des constructeurs. En effet, au premier semestre 2023, les trois constructeurs ont généré un chiffre d’affaires cumulé de 276 milliards de dollars et un bénéfice net de 20,25 milliards.

Il réclame ainsi un relèvement des salaires de quelque 40 % sur quatre ans, alors que les trois constructeurs n’ont pas été au-delà de 20 %, selon le syndicat. 40 %, c’est la hausse octroyée aux salaires des dirigeants ces dernières années.

Enfin, il plaide aussi pour la sécurité des emplois pendant la transition vers les véhicules électriques.

Une « étape critique des négociations » cette semaine

« Stellantis et l’UAW ont entamé une étape critique des négociations », a indiqué samedi le groupe né de la fusion, en 2021, entre Fiat Chrysler Automobiles et le Français Peugeot. Stellantis a relevé son offre et propose désormais une hausse de « près de 21 % » sur la durée de la nouvelle convention collective, soit quatre ans, contre 14,5 % il y a encore une semaine.

Interrogée sur CNN vendredi, la patronne de GM Mary Barra a, elle, défendu les propositions des constructeurs, qui incluent « non seulement une augmentation de 20 % du salaire brut, mais aussi le partage des bénéfices, des couvertures de santé de classe mondiale et plusieurs autres caractéristiques ». Ford offre lui aussi de relever les salaires de 20 % au total.

Mais pour Shawn Fain, une offre à 20 ou 21 % est largement insuffisante alors que l’UAW réclame quelque 40 % d’augmentation. « On ne veut même pas entendre parler », a-t-il déclaré dimanche sur CBS.

Pas de jours de congé supplémentaires, pas d’augmentation des retraites

Les géants ont également refusé d’accorder des jours de congé supplémentaires et d’augmenter les retraites, versées par des caisses propres à chaque entreprise.

Stellantis s’est dit « extrêmement déçu par le refus des dirigeants de l’UAW de s’engager de manière responsable pour atteindre un accord équitable dans le meilleur intérêt de nos employés, de leurs familles et de nos clients ».

« Les entreprises ont fait des propositions significatives mais je pense qu’elles devraient aller plus loin » avec les employés, a estimé vendredi le président Joe Biden. Celui-ci, qui brigue un second mandat à la Maison Blanche en 2024, affiche régulièrement son soutien aux syndicats, de tous les secteurs. « Personne ne veut d’une grève », a-t-il déclaré, assurant néanmoins qu’il comprenait « la frustration des travailleurs », qui « méritent une part équitable des avantages qu’ils ont contribué à créer ».

Des renvois dès la première journée de grève

Mais cette grève inédite a entraîné de premières conséquences collatérales vendredi. Le groupe Ford a annoncé le renvoi temporaire d’environ 600 employés de son usine de Wayne (Michigan), par manque d’activité. Ils n’auront pas droit aux indemnités de chômage. General Motors a indiqué à 2.000 salariés que leur usine du Kansas restera fermée lundi et mardi.

Selon le constructeur, « la grève dans la partie assemblage et peinture » affecte les employés de secteurs non grévistes qui ne peuvent accomplir leurs tâches par manque d’équipement. « Notre système de production est hautement interconnecté », a-t-il justifié.

Pour Garrett Nelson, analyste de CFRA, les entreprises « regorgent de liquidités et (...) peuvent sans doute supporter une grève plus longtemps que les employés ».

Dans le pire des scénarios, à savoir les trois groupes touchés sur une longue durée, la consommation des ménages en pâtirait et des licenciements chez les fournisseurs des constructeurs pourraient s’ensuivre, selon des analystes du secteur.

Menace d’« amplification » du mouvement

Le mouvement pourrait s’étendre. Shawn Fain a enjoint les quelque 146.000 membres de son organisation travaillant pour ces constructeurs de se tenir prêts à débrayer. La dernière grève du secteur remonte à 2019 et n’avait affecté que GM, pendant six semaines.

Selon le cabinet de conseil Anderson Economic Group (AEG), qui compte notamment Ford et GM comme clients, une grève de dix jours de tous les syndiqués de l’UAW pourrait représenter plus de cinq milliards de dollars de pertes de revenus pour l’économie américaine.

« Je pense que la grève va durer au moins un mois ou deux », a commenté vendredi à l’AFP Sofus Nielson, employé de Ford depuis 29 ans, dont quinze à l’usine de Wayne, se disant « inquiet pour les jeunes travailleurs » qui ont des grilles salariales et des avantages sociaux inférieurs. Pour Jillian Gray, employée depuis seize ans sur le même site, « il était grand temps. Nous avons besoin de cela pour suivre l’économie, (...) pour pouvoir acheter ce que nous fabriquons ».

« Si nous n’obtenons pas de meilleures offres (...), nous allons procéder à une amplification » de la grève, a déclaré samedi Shawn Fain, lors d’une interview à la chaîne CBS. « Ça fait des décennies qu’on est laissés à la traîne », a-t-il ajouté, expliquant que les ouvriers qu’ils représentent « en ont marre ».

Une grève qui fragilise Joe Biden

Par ailleurs, le président Joe Biden pourrait être pénalisé par un conflit social prolongé ou élargi, qui risque de peser sur la croissance. Son bilan économique est régulièrement critiqué par les républicains, en particulier du fait de l’inflation tenace.

Des économistes attribuent effectivement à Joe Biden une partie de la flambée des prix, tout en y associant les mesures de relance prises par Donald Trump au début de la crise du coronavirus, ainsi que les effets de la pandémie elle-même, qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement.

Plusieurs élus démocrates ou de la gauche indépendante se sont rendus sur des piquets de grève ou à des rassemblements dans la région du nord des États-Unis où sont situées beaucoup d’usines automobiles des trois grands constructeurs américains.

Après le sénateur de gauche Bernie Sanders vendredi, le chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, Hakeem Jefferies, a annoncé dimanche qu’il se rendrait à Detroit le jour-même pour témoigner de sa « solidarité » avec le syndicat.

« Nous espérons tous que cela va se terminer rapidement, mais (...) une manne économique incroyable a été générée par ces entreprises (...) et il me semble juste que ces bénéfices soient partagés entre tous », a estimé l’élu, sur la chaîne ABC.

À voir également sur Le HuffPost :

Brad Pitt était la star du GP de Grande-Bretagne sur le circuit de Silverstone en combinaison de Formule 1

Le youtubeur automobile Jean-Baptiste Dessort est mort dans un accident de voiture