Trois mois après la Palme d'or et la polémique, "Anatomie d'une chute" arrive enfin en salles

Anatomie d'une chute, sacré au dernier Festival de Cannes, sort ce mercredi en salles. Un film de procès qui décortique les rapports de force et de domination au sein d'un couple d'artistes aisés.

Pendant trois mois, la polémique suscitée par les propos de Justine Triet sur la "marchandisation de la culture", qui est en train "de casser l’exception culturelle française", a pris le dessus sur son quatrième film, Anatomie d'une chute.

Une œuvre saluée unanimement par la critique française et internationale et qui lui a valu la Palme d'or, la récompense suprême du 7e Art. Et qui devrait représenter la France aux Oscars l'année prochaine.

Film de procès, pensé initialement comme une série, Anatomie d'une chute prend son temps (2h32) pour décortiquer méticuleusement les rapports de force et de domination au sein d'un couple d'artistes aisés.

S'inspirant de faits divers, la réalisatrice de Victoria et Sibyl retrace le procès d'une autrice allemande (Sandra Hüller, star de Toni Erdmann) accusée aux assises du meurtre de son mari, dans leur chalet des Alpes françaises.

En l'absence de témoin, si ce n'est leur fils, un enfant malvoyant, la justice va disséquer la vie du couple dont les disputes étaient enregistrées par le mari. Et révéler tous les rapports de pouvoir, névroses et failles cachées.

Des personnages assez complexes

Sandra Hüller joue un personnage qui assume sa liberté, sa sexualité, ses choix de vie: "Elle est complexe. C'est ce qui m'intéresse dans tous mes films", a expliqué à BFMTV la réalisatrice, la troisième à décrocher une Palme d'Or à Cannes. avant d'ajouter:

"J'ai toujours créé des personnages assez complexes qui ne sont pas mus par le désir d'enfanter ou de ne pas enfanter ou de travailler. Ce sont des personnages qui ont un point de vue sur les choses, une force, beaucoup de facettes."

"Ça peut dérouter, parce que [le personnage] n'est pas dans la norme", analyse encore la réalisatrice. "Son couple avec son mari défunt n'est pas normé. Elle prend un peu plus de place. C'est ce que son mari lui reproche."

Et comme le film le montre, la société va aussi lui reprocher cette liberté: "Le jugement moral sur les femmes existent dans l'enceinte d'un tribunal", insiste Justine Triet. "C'est une femme libre qui est critiquée pour sa liberté. Elle est aussi jugée pour ça."

"Quelque chose d'insaisissable"

Anatomie d'une chute, dont le scénario a été co-écrit par la réalisatrice et son compagnon, l'acteur et réalisateur Arthur Harari, a été imaginé pour Sandra Hüller: "Elle m'a tout donné. Elle s'est vraiment abandonnée."

"Sandra a quelque chose d'insaisissable dans la vie", détaille Justine Triet. "Je me suis servie de ça. Je lui ai demandé de jouer [pas du tout comme dans un] polar. Ce côté duplice qui aurait ringardisé le film. Elle a gardé quelque chose de très documentaire."

La comédienne donne la réplique au jeune Milo Machado Graner, qui incarne son fils et lui tient la dragée haute, salue la réalisatrice: "C'est très particulier de jouer ce rôle. Il fallait avoir la puissance émotionnelle, savoir pleurer."

"Un puzzle"

Anatomie d'une chute repose sur une déconstruction cérébrale des mécanismes du couple et de la justice. Au-delà de la reconstitution du drame, pour savoir s'il s'agit d'un meurtre ou d'un suicide, le film expose une multitude de rapports de force.

Parmi eux: le jeu entre les langues - l'allemand maternel du personnage principal, l'anglais pour communiquer et le français parlé au procès -, la séduction au sein du couple, la rivalité entre les partenaires quand l'un a plus de succès que l'autre.

Justine Triet dit avoir construit comme "un puzzle" son film dans lequel le spectateur est projeté dès la première scène et dont il ne comprend que tardivement le sens.

"Ce film, c'est comme rentrer dans le cerveau de cette femme, essayer de comprendre qui elle est comme femme, comme mère, comme artiste", avec ses failles, conclut la réalisatrice.

Article original publié sur BFMTV.com

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