Les « Tournesols » de Van Gogh aspergés : pourquoi les activistes du climat s’en prennent aux œuvres d’art

De plus en plus d’activistes se collent à des tableaux pour alerter sur la crise climatique. L’occasion de s’offrir une visibilité à peu de frais.

MILITANTISME - Une méthode d’action de plus en plus courante. Ce vendredi 14 octobre, le tableau des Tournesols, de Van Gogh, situé à la National Gallery de Londres a été aspergé de soupe à la tomate par deux militantes de l’organisation britannique Just Stop Oil. Plus de peur que de mal pour l’œuvre d’art puisque c’est la vitre protectrice qui a pris l’essentiel de la conserve. Quant à l’opération militante, elle n’est pas nouvelle et vient en réalité s’ajouter à une longue liste du genre, essentiellement dans des pays anglo-saxons.

Il suffit de se pencher sur la presse internationale pour s’en rendre compte. Avant le Van Gogh, des militants se sont collé les mains à un Pablo Picasso dans un musée australien. En juillet, c’est un Botticelli qui a subi le même sort dans un musée de Florence. Peu avant c’était un Da Vinci exposé à la Royal Academy of Arts, à Londres, qui était visé...

Si ces activistes ne font pas de différence entre le cubisme ou la renaissance, ils revendiquent tous le même mot d’ordre : dénoncer l’inaction climatique.

L’art ou la santé de la planète ?

Le geste des deux militantes avait pour objectif de pointer du doigt à quel point un tableau de maître peut être protégé et valorisé, contrairement à la planète. « Qu’est-ce qui a le plus de valeur ? L’art ou la vie ? Est-ce que ça a plus de valeur que la nourriture, que la justice ? Êtes-vous plus inquiets de la protection d’un tableau ou de la protection de la planète et des gens ? », a dénoncé une des deux jeunes femmes.

Dans le cas de Just Stop Oil, le choix du tableau a peu d’importance : en menant des actions dans des lieux d’exposition, l’organisation veut alerter le milieu culturel, mais aussi se placer face au regard des visiteurs et du public. Et par ricochet des médias et des pouvoirs politiques. En somme, trouver une visibilité efficace et à peu de frais pour des enjeux qui concernent tout le monde, comme le pointe le correspondant à Paris, du journal suisse Le Temps.

Si l’usage est bien souvent de se coller au cadre du tableau, parfois les modes d’action varient. En juillet, l’organisation avait recouvert le tableau de John Constable, La Charette de foin, à la National Gallery, d’une illustration apocalyptique. « Cette peinture fait partie de notre patrimoine mais ce n’est pas plus important que les 3,5 milliards d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont déjà en danger en raison de la crise climatique », avait alors expliqué une militante.

En dehors des salles d’expo, les militants de Just Stop Oil ont déjà bloqué plusieurs fois des routes ou des stations-service.

Le fond et la forme

Si l’organisation britannique est certainement la plus prolixe en matière de tableau et de glu, ce mode d’action a déjà essaimé ailleurs en Europe, avec quelques variations. En juillet, des militants de l’organisation italienne Ultima Generazione s’étaient glués à un Boticelli, exposé à la galerie des offices de Florence. Cette fois, il était plutôt question d’alerter sur ce qui pourrait disparaître, l’art compris. « Si le climat s’effondre, toute la civilisation telle que nous la connaissons s’effondre. Il n’y aura plus de tourisme, plus de musées, plus d’art », écrivait le groupe dans un tweet.

Pour Extinction Rebellion, les choix de tableau sont un peu moins anodins. En juillet dernier, deux manifestants de XR se sont collés au Massacre en Corée de Picasso, à la National Gallery de Victoria, en Australie. Cette fois il y avait bien un lien entre le fond et la forme pour XR : « Ce tableau montre les horreurs de la guerre […] La dégradation du climat signifiera une augmentation des conflits dans le monde. Il est maintenant temps pour tout le monde et toutes les institutions de se lever pour agir ! », a expliqué le mouvement dans un communiqué.

Plus largement, ces actions coup de poing très médiatique et sans conséquence « physiques » s’inscrivent dans le répertoire d’action de la désobéissance civile. Cette dernière connaît un engouement sans précédent dans le contexte de la crise climatique. Au demeurant en France, ces actions restent sporadiques. Pour l’instant, seule la Joconde a été visée par un enfarinage, par un individu isolé. Mais le mouvement Dernière Rénovation, qui s’est fait remarquer en interrompant le Tour de France cet été, n’exclut visiblement plus de passer à l’action.

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