Tour de France: rêve d'une journée ou début d'une épopée, combien de temps Bardet peut-il garder le maillot jaune?

Une épopée en jaune. La France du vélo n’y a plus eu droit depuis 2019. Cette année-là, Julian Alaphilippe avait même fait mieux que ça en faisant naître l’espoir fou d’offrir enfin un successeur à Bernard Hinault, dernier coureur tricolore à avoir remporté le Tour de France, en 1985. Porté par un public tout entier acquis à sa cause, "Alaf" s’était pris au jeu, au point de dominer la course durant quatorze jours, dont onze d’affilée, avant de céder à trois jours de l’arrivée sur les Champs, au profit du futur vainqueur Egan Bernal.

S’il est trop tôt pour croire en un scénario similaire cet été, Romain Bardet a au moins gagné le droit de rêver en s’adjugeant ce samedi la première étape du Tour 2024, dans la fournaise des routes italiennes. Sûr de sa force, et comme libéré d’un poids depuis qu’il a annoncé sa retraite pour 2025, l’Auvergnat de 33 ans s’est sublimé sur les bords de l'Adriatique pour décrocher la quatrième victoire de sa carrière sur la Grande Boucle, la première depuis 2017, et endosser enfin ce maillot jaune, un objectif qu'il a longtemps poursuivi en vain.

Un menu copieux dès dimanche

"Chapeau, je pensais vraiment qu'on allait les attraper", a même salué Tadej Pogacar, beau joueur après avoir dû se contenter du sprint pour la troisième place derrière Bardet et son coéquipier modèle chez DSM, le Néerlandais Frank van den Broek. Puisque le plan a si bien fonctionné entre Florence et Rimini, se pose désormais une question inévitable : Bardet peut-il être le hit de juillet ? Sur le papier, répondre par l’affirmative sans une once d’hésitation reviendrait à se bercer d’illusions au vu du parcours et du casting aligné sur cette 111e édition.

"Ce sera compliqué pour Romain dès ce dimanche avec une étape pour costauds entre Cesenatico et Bologne. Il faudra se farcir à deux reprises l’emblématique côte de San Luca (1,9km à 10,6%) dans les 40 derniers kilomètres. C’est vraiment une côte pour puncheurs, ça ne correspond pas aux qualités premières de Romain", prévient Jérôme Coppel, 13e du Tour 2011. Sur ce tracé qui rappelle "une classique comme la Flèche Wallonne avec la côte de San Luca à la place du Mur de Huy", notre consultant imagine bien des clients comme Tadej Pogacar et Primoz Roglic "lancer les hostilités en ayant en tête les secondes de bonifications à aller chercher".

L'espoir d'un nouveau round d'observation entre favoris

Avec seulement 15 secondes d’avance au classement général sur Pogacar, Jonas Vingegaard et le reste des gros poissons du Tour, Bardet devra à nouveau sortir le grand jeu pour étirer le rêve en jaune. "Ce n’est pas exclu que les favoris se regardent à nouveau, surtout qu’il fera encore très chaud. On s’attendait à une belle bagarre sur cette première étape et elle n’a pas eu lieu. Et puis Romain a montré qu’il était en pleine forme", poursuit Coppel, qui imagine Bardet capable de s’accrocher jusqu’à mardi et "peut-être même jusqu'au premier chrono" le 5 juillet.

Mardi, au lendemain d’une étape promise aux sprinteurs entre Plaisance et Turin, le peloton s’attaquera à la haute montagne pour le cinquième jour de course. Avec un menu ultra copieux entre Pinerolo et Valloire composé notamment du terrible Galibier et ses 23km d'ascension. "C’est le terrain de jeu parfait pour que les UAE de Pogacar testent les jambes de Vingegaard. Mais attention, l’arrivée se fera en descente et on sait que Romain maîtrise l’exercice", positive Coppel.

"Les batteries sont vidées"

Le discours est plutôt partagé du côté de notre autre consultant Cyrille Guimard : "Je le vois tenir jusqu'à Valloire, mais ce sont davantage les circonstances de course que son niveau qui détermineront s'il garde le maillot ou non. Et s’il y a une vraie castagne entre favoris, ça risque d'être dur pour Romain ce dimanche." "Mentalement et physiquement, les batteries sont vidées après la journée qu’il vient de vivre. Il a quand même dépensé beaucoup d'énergie pendant l’étape mais aussi après la course en répondant sans doute à des dizaines d'interviews. Ce n'est pas ce qu'on fait de mieux au niveau de la récupération", estime l'ex-coureur et dirigeant d’équipe.

Loin de ces pronostics, Bardet préférait lui savourer encore et encore son magnifique numéro. "C'est la première fois que je souris avant le départ d'un Tour de France, disait-il à l'arrivée. Ne pas faire le général m'enlève une pression énorme. Je suis enfin moi-même, et courir sans arrière-pensée est fabuleux." Peut-être la meilleure recette pour continuer à écrire son histoire.

Article original publié sur RMC Sport