Titanic : pourquoi la disparition du Titan fascine tant ? « C’est la mythologie qui rencontre la réalité »

L’intérêt suscité par la disparition du Titan est en partie dû au caractère exceptionnel de l’affaire.
L’intérêt suscité par la disparition du Titan est en partie dû au caractère exceptionnel de l’affaire.

TITANIC - L’histoire avait tout d’un bon scénario Hollywoodien. En disparaissant au large du Canada le 18 juin dernier, le Titan, le petit submersible d’Ocean Gate, a tenu en haleine une partie du monde durant quelques jours et mobilisé des moyens colossaux. Il devait se rendre jusqu’à l’épave du célèbre Titanic, à presque 4 000 mètres de profondeur, dans le cadre d’une expédition touristique. Mais l’habituelle fin heureuse n’a pas eu lieu.

La survie des 5 passagers à bord, qui disposaient d’une réserve de 96 heures d’oxygène, dépendait beaucoup d’un éventuel sauvetage qui n’a pas pu être possible. Les secours ont découvert les débris du sous-marin ce jeudi 22 juin, supposant l’implosion du Titan, et confirmant la mort tragique de ses passagers.

« Un film sur cette histoire dans les grandes heures du cinéma américain se serait bien fini. Mais la réalité ne rencontre pas toujours la fiction », concède Patrick Avrane, psychanalyste et écrivain, auteur de l’ouvrage Les Faits divers, que nous avons contacté par téléphone. Selon lui, l’intérêt suscité par cette histoire est dû à « la coïncidence de beaucoup de choses qui fait que l’on s’émeut ».

5 jours de suspens

L’émotion suscitée par cette histoire peut paraître démesurée, surtout si on la compare à celle (quasi nulle) provoquée par le récent naufrage d’un bateau transportant des centaines de migrants, en Grèce, le 14 juin dernier. Une différence d’intérêt qui a été dénoncée par l’ex patron de la CFDT Laurent Berger et par le député de Paris Aymeric Caron (NUPES) dans un tweet.

Une prise de position que comprend Patrick Avrane : « On peut être choqué par les moyens financiers engagés pour sauver 5 personnes, par rapport à ce qu’il s’est passé avec les migrants. Cela illustre la différence entre le fait divers et la catastrophe. »

Si l’intérêt pour la disparition du Titan a été si fort, c’est en partie à cause du caractère exceptionnel de l’affaire. « Il y a une dimension qui nous échappe dans ce fait divers. La certitude bascule. On se demande ce qu’il s’est passé et si on va pouvoir les sauver. Ce qui a agité tout le monde, c’est l’attente », analyse-t-il. L’écrivain dresse un parallèle avec un autre épisode qui avait aussi suscité beaucoup d’émotions : « Ça me rappelle l’histoire des enfants coincés dans une grotte en Thaïlande. C’est le genre de fait divers qui arrive nécessairement à une conclusion. Être dans l’attente, ça maintient en haleine. On est comme devant un film, mais c’est la réalité. Et on espère la survie. »

Bien que cette histoire soit inscrite dans la réalité, elle nous dépasse un peu : « On a beaucoup insisté sur le prix qu’avaient payé ces personnes pour aller voir l’épave [environ 230 000 euros, ndlr]. Ils sont à un niveau de richesse qui est peu compréhensible pour la plupart des gens. Pouvoir mettre tant d’argent pour faire ça paraît un peu fou », analyse-t-il. Et beaucoup de personnes ont aussi appris à ce moment-là que ce type d’expédition touristique existait. À cela s’ajoute la découverte « d’un sujet assez inconnu pour la plupart des gens », celui des sous-marins : « On a expliqué comment le Titan fonctionnait, avec quels matériaux il a été fabriqué… »

« Le Titanic a fait 5 victimes de plus »

Cette histoire renvoie aussi à trois mythes célèbres, selon Patrick Avrane. Celui du Titanic, évidemment, dont l’histoire passionne encore aujourd’hui. « On ne connaît pas vraiment les autres naufrages », remarque-t-il avant de développer : « Ce paquebot a été présenté comme insubmersible. Mais il a coulé. Tout le récit autour du Titanic s’est construit à partir de là, puis le film a relancé la fascination. » Il note d’ailleurs que le submersible qui a implosé portait presque le même nom : « On peut dire que le Titanic a fait 5 victimes de plus. »

L’imaginaire autour du fond des océans joue aussi un rôle non négligeable dans l’intérêt que suscite ce fait divers. Ce qui renvoie au mythe du Nautilus, ce sous-marin qui visite le fond de l’océan imaginé par Jules Vernes, dans l’épopée Vingt mille lieues sous les mers, parue en 1870. « Les abysses étant les dernières terres inconnues dans le monde », l’expédition du Titan « renvoie au mythe de pouvoir être celui qui découvre le fond des mers. Et cela engendre un peu la même fascination qui entoure les astronautes ou les grands alpinistes. »

Mais cela soulève aussi une question : « Pourquoi certaines personnes souhaitent descendre voir le Titanic ? » Ce qui nous amène à notre troisième mythe, celui d’Icare, personnage de la mythologie grecque connu pour être mort après avoir volé trop près du soleil avec des ailes faites de cire et de plumes : « C’est la mythologie qui rencontre la réalité. » Et l’histoire tragique du Titan « nous questionne sur jusqu’où est-on capable d’aller pour satisfaire notre désir de savoir et de connaître ».

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