Ce que « The Crown » sur Netflix a fait à la famille royale, entre glamour et catharsis

Dominic West et Elizabeth Debicki dans les rôles du Princ Charles et de Lady Diana, dans The Crown
Netflix Dominic West et Elizabeth Debicki dans les rôles du Princ Charles et de Lady Diana, dans The Crown

SÉRIES TV - Prenez les souvenirs de votre famille, les meilleures comme les pires. Passez-les à la moulinette du storytelling sauce XXIe siècle et exposez-les à des millions de personnes. Pas vraiment la catharsis familiale à laquelle on peut aspirer. La dernière ligne droite de The Crown, entamée ce jeudi 16 novembre, avec l’arrivée des premiers épisodes de la saison 6, sur Netflix, sera donc plutôt sous le signe du soulagement à Buckingham Palace. Et pourtant.

« The Crown » : Tous les fans de la série ont pensé à la même chose après la mort d’Elizabeth II

Privés de leur main de fer sur leur propre communication, les Windsor ont globalement plutôt bénéficié de l’exposition offerte par la plateforme. Confinée à l’Histoire, la famille royale est devenue en quelques saisons « l’histoire » qui s’immisce sur le canapé. Celle qui, dans des plans aux lumières léchées et une ambiance de velours, occupe les dimanches après-midi.

Une forme d’intimité rendue possible tout d’abord par le casting de la série. Aux non-dits de la personnalité de la reine Elizabeth II, Claire Foy, Olivia Colman, et Imelda Staunton, ont apporté tendresse, malice, et humanité. Le droit divin devenu ’train-train’, et enfin « des personnages se comportant de manière tridimensionnelle avec lesquels vous pouvez sympathiser », se félicitait l’éditorialiste du Guardian, Zoe Williams.

Olivia Colman dans The Crown
Netflix Olivia Colman dans The Crown

Une forme de « glamour » aussi, souligne pour l’AFP Laura Clancy, spécialiste des médias à l’université de Lancaster. « The Crown a apporté beaucoup d’aspects positifs à la monarchie, en la rendant pertinente pour de nouveaux publics. The Crown est certainement un document culturel clé vers lequel le public se tourne pour comprendre la monarchie britannique d’aujourd’hui », ajoute la spécialiste. Un argument tout aussi valable chez les Français vaccinés contre la monarchie que pour les Américains fascinés par une Histoire plus grande qu’eux.

Global Windsor

Cette dimension internationale donnée aux Windsor a été renforcée par l’universalité des thèmes de la série. Dans sa manière d’aborder par exemple les troubles alimentaires de Diana, et en touchant du bout des doigts une approche féministe de la relation Elizabeth II - Margaret Thatcher, la série offre aussi une grille de lecture ultramoderne sur un passé naphtalinisé.

Dans une société britannique où les nouvelles générations se questionnent sur la place de la monarchie, et où le mouvement républicain est sur la pente ascendante, tous les coups de pouce, si marketés soient-ils, sont bons à prendre.

« Pensez-vous que le Royaume-Uni devrait continuer à être monarchie (violet), ou que le chef d’Etat devrait être élu (rouge) » - Sondage YouGov août 2023
« Pensez-vous que le Royaume-Uni devrait continuer à être monarchie (violet), ou que le chef d’Etat devrait être élu (rouge) » - Sondage YouGov août 2023

Comme le souligne encore Laura Clancy, Netflix a aussi forcé la famille royale à s’embarquer dans de nouvelles formes de médiatisation et à prendre en compte les nouveaux lieux d’expression : « La monarchie a toujours cherché une représentation très prudente et stratégique (...) Mais la culture médiatique contemporaine rend cela plus difficile avec par exemple les réseaux sociaux qui permettent la participation du public ».

Famille, je vous hais à l’écran

Tout autant que la série, ce qui a aussi intéressé le public, c’est évidemment ce qu’a pensé la famille royale elle-même de The Crown. Tissu d’âneries pour le défunt prince Philippe, propice à du fact-checking pour le prince Harry : Windsor n’a jamais eu son mot à dire sur la production et rarement la famille est sortie de sa réserve. Plutôt renforcée sur le plan politique par la série, elle s’est cependant exprimée quand elle a eu l’impression que le futur roi était en danger.

Avant la saison 4, où Charles est dépeint en prince froid et dédaigneux, face à une Diana terrorisée, Buckingham Palace s’est fendu d’un communiqué pour rappeler qu’il s’agissait d’une fiction. Hasard du calendrier, quelques mois après la diffusion de cette saison, Harry et Meghan annonçaient quitter avec fracas la famille royale. Difficile à mesurer, il est certain que The Crown a eu un effet sur le regard du public concernant cet événement, et sur la manière dont Buckingham a géré sa communication autour.

Pour le Guardian, la série a aussi rendu la famille royale plus souple à la critique. Le quotidien prend pour exemple la pièce qui se joue actuellement à Londres et qui moque Charles, 74 ans, pour n’avoir jamais travaillé de sa vie. Le théâtre est parrainé par la reine consort Camilla.

Au fur et à mesure que la série s’approche de la fin et rattrape le présent, sa dimension politique et historique des débuts se perd un peu au profit d’une dramaturgie familiale. Façon de rappeler que les histoires de famille, si historiques soient-elle, ont (presque) une dimension universelle. Même celle des Windsor.

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