Provocations, complotisme... Qui est Freeze Corleone, le rappeur visé par une enquête pour "apologie du terrorisme"?

Dans le paysage rap français, il y a des figures qui captivent autant qu'elles divisent l'opinion publique à l'instar de Freeze Corleone. Depuis une semaine, l'artiste controversé fait l'objet d'une enquête pour "apologie du terrorisme" et a vu deux de ses concerts interdits par les préfectures de Lille et de Lyon.

Régulièrement pointé du doigt pour ses textes provocateurs souvent sujets à polémiques, l'artiste de 31 ans fait partie des pionniers de la drill - courant musical importé de Chigago - en France et s'est fait connaître en l'espace de dix ans grâce à son flow incisif et ses albums à succès tels que Projet Blue Beam (2018), La Menace Fantôme (2020) ou plus récemment L'Attaque des clones (2023).

667 et références cryptiques

Né en 1992 aux Lilas (Seine-Saint-Denis) d'une mère italienne et d'un père sénégalais, Freeze Corleone, de son vrai nom Issa Lorenzo Diakhaté, grandit d'abord Pantin puis à Dakar au Sénégal, comme il l'a raconté aux Inrocks, lors de la seule interview de sa carrière.

Scolarisé au lycée français Jean Mermoz, dans la capitale sénégalaise, le jeune artiste décide de monter avec plusieurs camarades de classe son collectif artistique 667, aussi connu sous le nom de La Ligue des Ombres, le Mangemort Squad ou la Secte.

Implanté à Paris, Lyon et Dakar, ce groupe très underground composé d'une quinzaine de membres développe un univers musical alimenté par l'imaginaire complotiste (BigPharma, richesse supposée des Juifs...), les jeux vidéos, les mangas, la religion, la drogue, le football, la franc-maçonnerie ou encore l'ésotérisme.

Ainsi dès ses premiers projets Freeze Corleone se fait connaître pour ses textes truffés de références à l'esclavage, au terrorisme, à la guerre ou au racisme, et pour ses tournures provocatrices et assez cryptiques, destinées à un public d'initiés, qui suscitent aussi bien l'admiration d'une partie des auditeurs que la polémique.

Des propos d'autant plus complexes que le rappeur a toujours refusé de prendre la parole dans la presse et n’a donc jamais pu éclaircir la teneur de ses textes.

Dans ses morceaux, le rappeur s'en prend également à de nombreux politiques tels que Gérald Darmanin, Joe Biden ou certains dictateurs comme Saddam Hussein ou Mouammar Kadhafi mais aussi à des personnalités publiques comme Jack Lang ou Roman Polanski, qu'il qualifie de "pédocriminels" qu'il "faut brûler".

Une première enquête classée sans suite

Porté sur le devant de la scène en 2020, grâce au succès de son deuxième album La Menace Fantôme, sorti le 11 septembre (en référence aux attentats du 11 septembre 2001, NDLR), le rappeur fait ainsi l'objet d'accusations d'antisémistime de la part de la LICRA, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, et d'une enquête pour "provocation à la haine raciale".

En cause, le morceau Bâton Rouge, sur son précédent album Projet Blue Beam, dans lequel l'artiste rappe "J'arrive déterminé comme Adolf dans les années 30" ou "tous les jours RAF (rien à foutre) de la Shoah".

Si l'enquête avait finalement été classée sans suite, le label de l'artiste, Universal Music avait annoncé avoir lâché Freeze Corleone, dénonçant des "propos racistes inacceptables". Des faits contestés depuis par l'équipe du rappeur dans un communiqué relayé mardi 13 février sur X, anciennement Twitter.

"La maison de disque (...) avait publié un communiqué mensonger pour se conformer au discours politique dominant. (...) Il n'en fut rien, l'artiste est toujours sous contrat avec Universal pour l'album 'La Menace Fantôme' et a bien perçu et continue de percevoir discrètement les bénéfices des ventes de l'album", détaille l'équipe de Freeze Corleone.

Annulations de concerts et nouvelle enquête

Depuis, les textes de Freeze Corleone lui ont valu plusieurs annulations de concert, comme à Rennes en mars 2023 - date qui avait finalement été maintenue par le tribunal administratif - à Nantes en décembre 2023 et plus récemment à Lille ce 15 février tandis qu'une décision est encore attendue pour un show prévu à Lyon samedi.

Un morceau du rappeur a également de nouveau défrayé la chronique cette semaine. Une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme à été ouverte à son encontre samedi par le parquet de Nice en raison des paroles de son morceau Haaland, dévoilé le 8 février dernier.

Dans ce titre, en duo avec le rappeur Luciano, Freeze Corleone ferait allusion, selon le parquet, à l'attentat du 14 juillet 2016, qui a fait 86 morts et des centaines de blessés sur la Promenade des Anglais à Nice, même si le lieu n'est pas prononcé par l'artiste dans la chanson.

"En défense j'suis Kalidou, t'es Lenglet. Burberry comme un grand-père anglais. J'arrive dans l'rap comme un camion qui bombarde à fond sur la...", rappe Freeze Corleone dans ce morceau.

L'enquête actuelle a été confiée à la Direction interdépartementale de la police nationale des Alpes-Maritimes et à la Direction nationale de la police judiciaire. De son côté, l'équipe de Freeze Corleone s'est insurgée contre cette décision mardi dans un communiqué et dénonce "la condamnation de paroles imaginaires dont les dénonciateurs sont en réalité les auteurs."

Article original publié sur BFMTV.com