Le « temps d’échange sur le racisme et l’antisémitisme » voulu par Macron exaspère les enseignants

Le 19 juin, Emmanuel Macron a demandé que soient organisées des sessions d’une heure dédiées au racisme et à l’antisémitisme dans les écoles et les collèges.
Tero Vesalainen / Getty Images/iStockphoto Le 19 juin, Emmanuel Macron a demandé que soient organisées des sessions d’une heure dédiées au racisme et à l’antisémitisme dans les écoles et les collèges.

ÉCOLE - « Un temps d’échanges » sur le racisme et l’antisémitisme. Lors du conseil des ministres de ce mercredi 19 juin, Emmanuel Macron a demandé à la ministre de l’Éducation Nicole Belloubet que soient organisées des sessions d’une heure dédiées à ces questions dans les écoles et les collèges, en réponse au viol à Courbevoie d’une jeune fille juive.

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Ce temps d'échange « s’appuiera sur les contenus existants en matière de lutte contre toutes les formes de discriminations », a expliqué l’entourage de Nicole Belloubet à BFMTV. Il concernera les écoles primaires et collèges, les lycées étant en période d’examen. L’objectif du président de la République : que « les discours de haine porteurs de lourdes conséquences » ne s’« infiltrent pas » dans les établissements scolaires.

Sauf que du côté des enseignants, cette nouvelle demande est vécue comme une énième « opération de communication » de la part du gouvernement. « C’est très clairement opportuniste de la part d’Emmanuel Macron, fulmine auprès du HuffPost Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole du SNUipp-FSU, le principal syndicat du premier degré. En pleine période électorale, il surfe sur un drame, en l’occurrence un viol, pour donner des injonctions aux enseignants. »

« Ça ne se fait pas en un claquement de doigts »

Même agacement du côté de Sophie Vénétitay, enseignante en SES dans l’Essonne et secrétaire générale du SNES-FSU. « C’est une annonce totalement déplacée et pas à la hauteur par rapport à la gravité des faits, qui sont terriblement abjects », estime-t-elle. Pour elle, c’est également « complètement hors-sol » par rapport au quotidien des collèges et des lycées, surtout en cette période de fin d’année.

« La lutte contre l’antisémitisme nécessite du temps, de construire des choses sur le long terme, ça ne se fait pas en un claquement de doigts. On ne peut pas tout réorganiser en 48 heures et construire une séquence. Ça se prépare et s’intègre dans une séquence pédagogique sur plusieurs mois », insiste-t-elle.

Autre source d’agacement : le corps enseignant travaille déjà sur les thématiques du racisme et de l’antisémitisme tout au long de l’année. « Les enseignants dans les écoles n’attendent pas les faits divers pour traiter ces questions-là, assure Guislaine David. Cela fait partie du vivre-ensemble, de ce que l’on fait à travers l’enseignement moral et civique, la vie de tous les jours. »

« C’est une réponse politique, et c’est bien cela le problème »

Et ce dès la maternelle. « On les aborde à travers la littérature enfantine, les débats philosophiques que l’on organise à l’école, différents projets. Il y a les contenus et on les adapte aux situations que l’on rencontre », conclut-elle. Un travail qui se poursuit au collège et au lycée. « Cela fait partie des sujets que l’on doit traiter et sur lesquels on contribue à construire leur esprit citoyen. Ce sont des choses qui sont au programme, des projets sont montés autour de ces questions », soutient Sophie Vénétitay.

Les deux femmes déplorent une annonce « de surface » et regrettent qu’il n’ait pas été choisi à la place d’allouer davantage de moyens à la lutte contre les discriminations à l’école. « Ce n’est pas en une heure d’information là-dessus que l’on va régler la question !, s’agace Guislaine David. Emmanuel Macron ferait mieux de donner des moyens à l’école pour former les enseignants à lutter tous les types de discriminations. »

Raison pour laquelle elles réclament davantage de ressources et d’outils pour cela. « Sur la question de la prévention des violences sexistes et sexuelles - car il s’agit là d’un viol - et la sensibilisation à l’égalité fille-garçon, on est encore très en retard », souligne Sophie Vénétitay. « La réponse d’Emmanuel Macron est une réponse hors sujet, car ce n’est pas une réponse pédagogique. C’est une réponse politique. Et c’est bien cela le problème », conclut-elle.

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