Sylvie Retailleau : un ministre peut-il démissionner malgré le refus du président ?

La ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau a présenté sa démission à Emmanuel Macron qui l'a refusée. Mais la bénédiction du président de la République est-elle nécessaire ?

Emmanuel Macron peut accepter ou refuser la démission d'un ministre. (Yoan Valat, Pool via AP)
Emmanuel Macron peut accepter ou refuser la démission d'un ministre. (Yoan Valat, Pool via AP)

La ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau a présenté sa démission mardi soir. Et à l'inverse du ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, elle a été refusée, selon les informations de BFMTV. La ministre avait notamment manifesté son désaccord profond sur les mesures du projet de loi immigration concernant les étudiants.

Une situation qui rappelle celle de Gérald Darmanin une semaine plus tôt, lorsque la motion de rejet avait été votée à l'Assemblée nationale. Après ce lourd revers, le ministre de l'Intérieur avait alors présenté sa démission, qui avait là aussi été refusée par le président de la République.

Le président met fin aux fonctions des ministres

Mais si Gérald Darmanin ou Sylvie Retailleau souhaitaient vraiment partir du gouvernement, pourraient-ils le faire sans l’accord du président ? D’après l’article 8 de la Constitution, c’est bien le chef de l’Etat qui “sur la proposition du Premier ministre, (...) nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions.”

Le site de l’Assemblée nationale, il est précisé les cas lors desquels un ministre peut démissionner. D’abord lorsque tout le gouvernement démissionne et dans ce cas, c’est la mise en cause de la responsabilité du gouvernement qui entraîne la démission de son ensemble. Ensuite lorsqu’il démissionne de manière individuelle, en cas de désaccord, ou sur révocation, par le président de la République sur proposition du Premier ministre.

Sandrine Rousseau, députée Nupes, s’était interrogée sur les raisons pour lesquelles Gérald Darmanin n’avait pas adressé sa lettre de démission directement à la Première ministre. En pratique et d’après l’article 8 de la Constitution, c’est bien à Elisabeth Borne de proposer la démission d’un de ses ministres au président.

"Si le président met fin aux fonctions d'un ministre, sur le papier, c'est parce que c'est lui qui signe le décret de nomination”, rappelait le constitutionnaliste Bastien François à Libération en 2018. De plus, dans le cas de Gérald Darmanin, passer directement par Emmanuel Macron lui permettait de se prévaloir de son soutien.

Mais il ne peut pas les retenir

Dans les faits, Gérald Darmanin et Sylvie Retailleau ont choisi de reprendre leurs fonctions de ministres, mais ils auraient très bien pu partir malgré le refus du président. C’est notamment ce qu’avait choisi de faire Gérard Collomb en octobre 2018, alors qu’il était ministre de l’Intérieur. Un peu plus tôt, au mois d’août, Nicolas Hulot qui était ministre de la Transition écologique et solidaire n’avait même pas pris la peine d’informer sa hiérarchie de son départ de peur qu’on cherche “une fois encore” à l’en “dissuader”. Il l'avait directement annoncé au micro de France Inter.

Lors du quinquennat précédent, lorsque François Hollande était président, Aurélie Filippetti ou encore Cécile Duflot avaient aussi claqué la porte de leur ministère de manière unilatérale. Preuve que quel que soit l'avis du président de la République, la porte est toujours ouverte.

VIDÉO - Loi immigration en France : le gouvernement convoque une commission mixte paritaire