Sultan al-Jaber, président de la COP28, reconnaît qu’il faut réduire les énergies fossiles, mais…

Le président contesté de la conférence sur le climat, PDG de la plus grande compagnie pétrolière des Émirats arabes unis, renforce son ambivalence avec ces propos.

ENVIRONNEMENT - La COP28, conférence mondiale sur le climat, est organisée dans six mois à Dubaï et présidée par le contesté Sultan al-Jaber, qui est aussi le PDG de l’ADNOC, la principale compagnie pétrolière des Émirats arabes unis. Ce dernier a déclaré ce jeudi 8 juin, lors d’une réception à Bonn en marge de négociations préalables à la COP28, que « la réduction des énergies fossiles (était) inévitable ».

Mais ses propos sur l’inéluctabilité de la fin des énergies fossiles restent vagues, et ne mentionnent pas de date de sortie. « La vitesse à laquelle cela se produira dépendra de la rapidité avec laquelle nous pourrons mettre en place progressivement des solutions de remplacement sans carbone, tout en garantissant la sécurité, l’accessibilité et le coût abordable de l’énergie », a ajouté Sultan al-Jaber, dont chaque parole sur le sujet est scrutée.

Sa déclaration intervient en réponse à la pression grandissante pour mettre la question de la sortie des énergies fossiles à l’agenda de la COP28, objectif qu’aucune COP n’est parvenue à adopter à ce jour. Même l’accord de Paris ne fait aucune mention des énergies fossiles. En effet, la COP28 organisée en décembre est décrite par le patron de l’ONU Climat comme la plus importante depuis celle qui a débouché sur l’accord de Paris en 2015.

Vers une fin des énergies fossiles ?

Pour Alden Meyer, vétéran des COP au centre de réflexion E3G, un groupe de réflexion sur le changement climatique, Sultan al-Jaber « doit dire à quel rythme cela doit intervenir ».

Accusé de conflit d’intérêts en raison de sa double casquette de président de la COP28 et de patron du géant pétrolier ADNOC, Sultan al-Jaber est souvent épinglé par les militants écologistes. Il a d’ailleurs été accueilli à Bonn ce jeudi 8 juin par des manifestants réclamant de « virer les gros pollueurs pétroliers ». « Arrêtez les énergies fossiles maintenant », proclamait une banderole dans le hall du centre des congrès où des milliers de négociateurs des 198 membres de l’ONU Climat préparent la COP, du 5 au 15 juin.

La défiance de la société civile envers Sultan al-Jaber, jusqu’à un appel à sa démission lancé par des parlementaires américains et européens, a aussi été alimentée par ses déclarations mettant l’accent sur la réduction des « émissions », vues comme une défense du pétrole et du gaz grâce au recours à des technologies encore immatures et incertaines de captage du CO2 à la sortie des centrales.

Face au réchauffement climatique, la rapidité est de mise

À Bruxelles mercredi 7 juin, Sultan al-Jaber avait appelé avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à « une transition vers des systèmes énergétiques sans combustibles fossiles sauf avec captage du carbone », dessinant un potentiel compromis. Mais le temps presse : une étude internationale a rappelé ce jeudi 8 juin que le réchauffement dû aux activités humaines s’accroissait désormais de plus de 0,2 °C par décennie, avec des émissions de gaz à effet de serre à un niveau inédit.

« L’ère des énergies fossiles touche à sa fin. Nous n’avons pas mis fin à l’esclavage parce qu’on manquait d’esclave. De la même façon, on doit aller vers la fin de l’ère des fossiles avant d’être à court de pétrole », a réagi Mohamed Adow, directeur de l’ONG Power Shift Africa, qui s’est dit surpris par la petite phrase de Sultan al-Jaber. Quant à Ross Fitzpatrick, de l’ONG humanitaire Christian Aid Ireland, il réagit : « c’est formidable que le président de la COP28 se rende enfin compte que la sortie des énergies fossiles est inévitable. Les Émirats seraient l’endroit idéal pour marquer la fin de l’âge des fossiles. »

Mais la route est encore longue : la tentative, soutenue par plus de 80 pays, d’inscrire cette question à l’agenda des négociations est bloquée depuis lundi 5 juin. En filigrane de tous les débats, le point de blocage concerne les centaines de milliards de dollars que les pays en développement attendent des pays riches, en investissements publics comme privés, pour leur permettre de se développer sans énergies fossiles.

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