Ils ont subi le racisme de leur belle-famille et nous racontent leur expérience

Réflexions, questions déplacées ou cadeaux malvenus… Le racisme se manifeste aussi dans le cercle familial. Ceux qui l’ont vécu nous racontent.

RACISME - « Ce sont souvent des petites paroles, des gestes et des actes qui ne sont pas dirigés mais qui m’ont fait me sentir exclue », se souvient Kim*. D’origine laotienne, la quadragénaire a subi les remarques racistes de la famille de son conjoint, pendant leurs 21 années en couple (ils sont aujourd’hui en cours de séparation). « Ce n’était pas agressif, mais c’était pernicieux et pesant au quotidien », résume Kim aujourd’hui.

Vivre le racisme jusque dans son cercle familial est une réalité pour beaucoup. En France métropolitaine, 12 % des personnes noires ou métisses affirment avoir subi des discriminations liées à leur couleur de peau au sein de leur famille, d’après le dernier baromètre du Conseil représentatif des associations noires (Cran) publié le 14 février. Un chiffre corroboré par deux autres : 31 % des Français affirment qu’ils réagiraient « mal » si leur enfant épousait une personne noire, un pourcentage qui grimpe à 46 % si cette personne est d’origine maghrébine. Ce racisme et ce rejet, ils sont nombreux à le subir au sein de leur belle-famille, comme le montrent les témoignages que nous avons reçus suite à notre appel.

Une succession de micro-agressions

Kim se souvient du cadeau qu’elle a reçu lors du tout premier déjeuner avec sa belle-famille : un presse-agrumes Alessi Mandarin - il a la forme d’un personnage aux yeux bridés avec un chapeau pointu. « J’ai cru que c’était de la maladresse. Mais ça s’est reproduit, avec des bols et des baguettes asiatiques. C’était un peu pour me remettre à ma place, de là où je venais », raconte-t-elle. Kim se souvient aussi de la réaction de ses beaux-parents quand elle et son conjoint avaient prévu un voyage au Laos : « Mais pourquoi vous allez là-bas ?! »

Le fossé avec sa belle-famille s’est creusé à la naissance de son enfant. « J’ai eu droit à une réflexion sur le fait qu’il était normal que notre fils, de par ses origines, aime le curry et le riz. Je passe aussi sur le fait que je savais forcément faire cuire le riz comme il se doit, car ça se transmet dans nos gènes… », ironise-t-elle.

Pour Clara*, d’origine antillaise, la manière dont le racisme se manifeste au sein de sa belle-famille est similaire. « En parlant de notre voyage aux Antilles, nous racontions ce que nous avions vu et les gens que nous avions rencontrés. Ce qui les intéressait, à chaque fois, était de savoir leur couleur de peau… » déplore-t-elle au sujet de ses beaux-parents qu’elle décrit comme étant « pétris de préjugés ».

« Après l’annonce de notre mariage, ça s’est compliqué. J’avais un emploi mais ils me demandaient tout le temps si j’en avais bien un », se souvient-elle avant de continuer : « Maintenant, ça se passe un peu mieux mais il y a toujours des questions déplacées. Par exemple, on m’a demandé comment cela se faisait que tous les membres de ma famille aient des prénoms français. »

« Ils se lâchaient à fond sur les Arabes »

Vincent Pic, un jeune homme de 23 ans qui vit à Aix-en-Provence, a également subi ces micro-agressions racistes de la part des grands-parents de son ex-copine, avec qui il mangeait une fois par semaine. « Je suis d’origine tunisienne et algérienne. Mais je n’ai ni un nom, ni un prénom, ni les traits arabes. Je ne sais pas si mon ex leur avait dit. Elle n’était pas claire là-dessus. »

Résultat, il a enduré les propos racistes desdits grands-parents pendant des années. « Je ne pense pas qu’ils connaissaient mes origines. Ils se lâchaient à fond sur les Arabes face à moi. Ils m’ont dit : 'On est content que ça soit toi qu’elle ait ramené et pas un Noir’. J’étais très mal à l’aise. Mais ça me faisait aussi mal au cœur. C’était un entre-deux bizarre », se souvient-il avant d’ironiser : « C’était les grands-parents racistes à qui on ne dit jamais rien. C’est sûr qu’après la rupture, j’ai moins regretté ma belle-famille. »

Malheureusement, il est à nouveau victime de racisme dans la famille de sa copine actuelle : « Quand je leur ai dit que j’étais d’origine arabe, sa tante a lâché c’est bizarre, mon fils ressemble beaucoup plus à un bougnoule que toi’. » Sa réaction ? « Je suis parti m’isoler parce que j’étais mal. Le reste de la famille s’est excusé pour elle et je ne lui ai plus adressé la parole du week-end. »

« J’aurais peut-être aimé avoir un peu plus de soutien »

La situation peut aussi être difficile à vivre pour les partenaires des personnes victimes de racisme. Pendant près de cinq ans, Julie, une réalisatrice de film, a fréquenté un petit ami métis d’origine ivoirienne. Elle doit alors vivre avec les remarques de sa mère : « C’était à moi qu’elle les faisait. Jamais devant lui. Ils se sont très peu vus. » Elle les liste, pêle-mêle : « Elle m’avait mise en garde contre les maladies potentielles’. Elle doutait de la fidélité de mon mec parce que les Noirs sont polygames’, évidemment. »

Une époque de sa vie où Julie réfléchissait à avoir un enfant avec son conjoint. « C’était un bras de fer permanent et très anxiogène. Elle avait ce truc de charité chrétienne’ : on va aller s’occuper des enfants en Afrique, on peut avoir une meilleure amie noire... Mais elle ne voulait pas qu’il y ait des mélanges dans la famille. Dès que ça touchait à la lignée, l’héritage, ça coinçait », se rappelle-t-elle.

Cette situation l’a peu à peu épuisée. « C’est fatigant psychologiquement de se battre pour son couple. Je ne pouvais plus être dans un état de revendication permanente avec ma famille. » Aujourd’hui séparée de son compagnon, elle a décidé qu’elle ne présenterait plus jamais quelqu’un à ses parents.

Alors comment réagir dans ce type de contexte ? Kim n’a jamais tenté le dialogue avec sa belle-famille : « J’ai laissé tombé, je n’avais pas envie de créer des histoires. Je ne les voyais pas si souvent que ça. Ça me faisait un peu de mal. Mais c’est ce que je vivais tous les jours. J’étais un peu habituée. »

Elle reconnaît qu’elle aurait « peut-être aimé avoir un peu plus de soutien une ou deux fois » de la part de son ex-conjoint. Avec lui, elle prenait souvent les choses à la rigolade : « On s’attendait à la prochaine remarque. La rire était le bouclier, l’artifice pour pas que ça explose. »

Clara, elle, fait en sorte que son mari soit toujours à ses côtés quand elle est dans sa famille. Les remarques fusent plutôt quand elle est seule. « J’en ai parlé à mon mari et ça se passe mieux. Je redoute un peu moins les réunions de famille. Mais il ne faut pas que cela dure trop longtemps. »

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