Suède dans l'Otan: que change l'entrée d'un nouveau pays dans l'alliance militaire?

Suède dans l'Otan: que change l'entrée d'un nouveau pays dans l'alliance militaire?

Un "très grand pas", dixit le premier ministre suédois. Après plus d'un an de blocage, le président turc Recep Tayyip Erdogan a donné lundi son accord à l'entrée de la Suède dans l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan). La décision finale reviendra au parlement turc, de même qu'aux autres parlements des pays membres (la France a ratifié l'accord d'entrée en août 2022), mais elle devrait aller dans le sens président.

Après l'entrée de la Finlande en avril, la Suède devrait ainsi devenir le 32e pays membre de l'alliance militaire. Elle a été conclue en 1949 sous la houlette des États-Unis pour contrer la présence de l'Union soviétique en Europe de l'Est et aujourd'hui dirigée contre la Russie et ses ambitions expansionnistes depuis ses frontières ouest, dont la guerre en Ukraine est la plus récente manifestation. De son côté, Kiev réclame justement à grands cris son adhésion depuis le début de l'invasion russe. Mais concrètement, que change l'entrée d'un pays dans l'Otan?

Obligation de protection des autres membres

La "pierre angulaire" de l'Otan, comme elle le présente elle-même sur son site, c'est "le principe de défense collective" prévu dans l'article 5 du traité de l'Atlantique nord, qui scelle l'alliance depuis bientôt 75 ans. Il prévoit qu'en cas d'attaque sur un pays membre, les autres pays de l'alliance interviennent pour le défendre par une "action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée".

"Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties", précise notamment cet article.

L'article 5 n'a été invoqué qu'une fois, au lendemain des attentats terroristes du 11 septembre 2001 perpétrés par Al-Qaïda aux États-Unis. L'Otan a alors mis en place une coalition visant à neutraliser l'organisation djihadiste d'Oussama Ben Laden en Afghanistan, alors soutenu par le pouvoir taliban, pour empêcher que le pays ne devienne "un sanctuaire à partir duquel des terroristes internationaux pourraient attaquer les pays membres", justifie l'alliance.

Pour la Suède, "la raison première [de la volonté d'adhésion] c'est la perception de la menace russe sur ses îles en mer Baltique notamment. Elle se dit: 'en rejoignant l'Otan, j'assure ma sécurité'", juge le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense pour BFMTV.

En rentrant dans l'Otan, la Suède bénéficierait donc théoriquement de la protection prévue par l'article 5, mais elle s'engagerait aussi à porter assistance aux autres pays membres.

Participation aux opérations et entraînements de l'Otan

Une adhésion à l'Otan implique également la coopération entre les différentes armées de pays membres dans le cadre des différentes missions engagées sur le long terme ou sur des opérations ou entraînements ponctuels. Un rôle que la Suède pourra assurer au moyen d'une "armée petite mais très efficace" selon les qualificatifs de Jérôme Pellistrandi, qui comprend plus 24.000 soldats d'active et près de 33.000 réservistes.

Dans ce cadre, le partage d'informations doit également être accru et des officiers de toutes les armées des pays membres occupent des postes dans les différents cercles de commandement de l'Otan.

L'armée de Stockholm participait déjà à certaines d'entre elles sur "la base du volontariat", explique Jérôme Pellistrandi, notamment en Afghanistan mais surtout en mer Baltique et dans le Cercle arctique en lien avec son statut de "pays associé". "Elle va probablement accroître sa participation à la lutte anti-sous-marine dans la région".

L'Otan mène par ailleurs et sur le long terme des missions de "sécurité" aux formes variées au Kosovo et en Méditerranée, des formations de personnels civils et militaires en Irak afin de "stabiliser le pays", notamment dans le cadre de la lutte contre l'État islamique, et assure par ailleurs des missions de transports de troupe en Somalie.

Ces activités extérieures sont menées en parallèles d'activité de "police de l'air" dans certains pays membres qui se sont renforcées depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014 puis de l'invasion russe en Ukraine. "Des avions de combat alliés effectuent des patrouilles dans l’espace aérien des pays de l’alliance qui ne possèdent pas leurs propres chasseurs", précise l'Otan. Cette mission concerne cinq zones en Europe: "Les États baltes, le long des frontières de la Bulgarie, de la Pologne et de la Roumanie, dans l’Adriatique orientale et dans les Balkans occidentaux, en Islande, et dans les pays du Benelux".

Modification des standards de l'armée

L'adhésion à l'Otan implique également un alignement des armées du nouvel entrant sur les standards otaniens: "Il faut que ce soit possible de se plugger ["connecter", NDLR] avec n'importe quelle autre unité, polonaise ou bulgare par exemple, et que ça fonctionne tout de suite", détaille Jérôme Pellistrandi, "mais ce ne devrait pas être un problème pour la Suède où les jeunes parlent tous déjà bien anglais par exemple".

L'harmonisation des équipements, qui peut d'habitude prendre du temps quand ces derniers sont d'époque soviétique, ne devrait là non plus pas être un problème, car "la Suède est déjà très bien équipée", grâce à "une industrie d'armement extrêmement importante et d'un très bon niveau".

Le général souligne la différence avec des armées de pays d'ex-URSS, "où il fallait changer les équipements mais aussi les mentalités". La doctrine soviétique de l'organisation militaire implique selon lui "une hiérarchie très pesante, pas d'agilité dans les opérations, aucune place à la prise d'initiative", sans oublier "un important contrôle politique et une corruption forte". Une transition qui pouvait prendre plusieurs années voire décennies.

Si la candidature de la Suède a de grandes chances d'aboutir d'ici peu, d'autres candidatures sont en cours comme celle de la Géorgie, de la Bosnie mais surtout de l'Ukraine. Au sommet de l'Otan ce mardi à Vilnius, le président ukrainien Zelensky s'est plaint de "l'indécision" de l'alliance quant à la candidature de son pays et a demandé un "signal clair" de sa part.

Article original publié sur BFMTV.com