XV de France: "Je ne lâche pas facilement", Thomas Ramos, le buteur qui a provoqué sa réussite

XV de France: "Je ne lâche pas facilement", Thomas Ramos, le buteur qui a provoqué sa réussite

Vous vivez cette Coupe du monde en tant que titulaire. Mesurez-vous le chemin parcouru depuis quatre ans et votre départ, blessé, de celle au Japon ?

Oui, forcément. Ça a été 4 années de hauts et de bas, plus de hauts sur la fin, plus de bas sur le début et le milieu. Voilà, je n’ai jamais rien lâché. Je me suis toujours accroché. J'ai eu beaucoup de concurrence aussi à mon poste, beaucoup de turnover aussi au poste d'arrière dans les 4 ans. Mais, au final, j'ai su profiter aussi sur la dernière année, l'année avant la Coupe du monde, de faire de belles performances avec mon club et d'avoir la possibilité d'avoir du temps de jeu en équipe de France. J'ai su saisir l'occasion. Donc je suis très content.

Considérez-vous cette blessure au Japon comme le point de départ de tout ce qui vous arrive actuellement ?

Oui, totalement. C’est sûr que quand je suis parti du Japon, ce n’était pas avec un esprit de revanche que je disais ça ou avec de l'énervement, c'était juste moi. Je m'étais déjà fixé des objectifs. Et mon objectif, c'était cette Coupe du monde. Ce sont les premières choses que j'ai dit à mes proches quand je suis rentré chez moi: "ne vous inquiétez pas, je ferai tout pour y être en 2023". J'avais ça en tête. Il s'est passé beaucoup de choses depuis 2019. Mais, en tout cas, je pense que j'ai su faire les bons choix aussi dans ma carrière pour en être là aujourd'hui.

C’était quoi, "tout faire" ?

Bah déjà, en terme de choix sportif je pense aussi que le fait d'être resté au Stade Toulousain m'a permis d'être là où j'en suis aujourd'hui. Et ensuite, le fait aussi de travailler, de continuer à bosser, de se remettre en question sur les quatre années. Et il y en a eu des remises en question ! Donc voilà, ce sont des choses qui me permettent d'être je pense aussi à mon meilleur niveau aujourd'hui.

Sur quoi avez-vous le plus progressé ?

En quatre ans, je pense que j'ai progressé sur ma façon de me déplacer sur le terrain. Je me déplace un peu plus. Sur les ballons hauts aussi, c'est un secteur, notamment sur le circuit international, mais aussi national, qui est de plus en plus demandé. Il faut être performant là-dessus, donc j'ai été obligé de progresser. À mon poste, ce sont quand même deux secteurs assez importants.

"J'aime bien chambrer de temps en temps"

Quelle est la part du mental dans votre accomplissement ?

C'est aussi le caractère de la personne. Je pense qu’il y a des personnes qui ont le caractère pour ne jamais rien lâcher. Et puis, il y en a d'autres qui vont lâcher plus facilement. Moi j'ai plutôt le caractère de la personne qui ne lâche pas facilement. Donc voilà, je pense que parfois, ça me dessert parce que ça peut montrer une mauvaise image de moi. Mais dans ces moments-là, je pense que ça me sert aussi.

Je pense que si j'avais lâché il y a deux, trois ans, parce qu’il aurait pu se passer plein de choses, je n'en serai peut-être pas là aujourd'hui. Je n'ai pas lâché, j'ai continué à croire en moi et ça s'est ouvert au bout d'un moment. Donc c'est important aussi d'avoir du caractère je pense.

Est-ce que ça se travaille ou est-ce dans les gènes ?

Je pense que c'est en moi. Après, forcément, on parle aussi beaucoup de la confiance en soi et je le répète souvent, on dit souvent, "ouais, il a confiance en soi, ça veut dire qu'il a le melon ou un truc comme ça". Non, je pense surtout qu’aujourd'hui, on fait un sport où si tu n’as pas confiance en toi, tu peux te faire marcher dessus. Et vite passer aux oubliettes.

Donc voilà, je pense que la confiance en soi permet aussi d'avoir du caractère et de croire en soi. Je le dis souvent, je suis arrivé au Stade Toulousain à l'âge de 16 ans. Mon entraîneur m'a dit: "tu n'es pas au Stade pour jouer, tu es au Stade pour gagner". J'ai adoré cette phrase donc depuis, oui, ce sont des choses qui me parlent.

Vous l’avez dit, cette hargne joue parfois contre vous, comme avec le Stade Toulousain la saison dernière, lorsque vous avez été expulsé face à Sale. On se souvient aussi que vous venez taper sur la tête de Pierre Bourgarit en finale de Top 14 contre La Rochelle. Où placer la frontière ?

Contre Sale, je me suis fait un peu prendre à mon propre jeu. Là, ça s'est retourné contre moi. Après, sur un terrain, j'aime bien chambrer de temps en temps. Rien de méchant. "Bourga", c'est quelqu'un aussi que j'apprécie énormément. Mais c'est vrai que sur un terrain il démarre au quart de tour. Assez facilement. Donc voilà, c'est sûr que quand tu joues des équipes, tu analyses aussi un petit peu la réaction de certains. Mais aujourd'hui, on en rigole. Ça fait aussi parfois partie du match hein ! Il se passe beaucoup de choses dans un match, il y a beaucoup de joueurs qui parlent. Il ne faut pas croire qu’on ne se parle pas entre nous sur un terrain ! Ca met un peu de piment dans tout ça.

Le vice est un talent ?

Je pense aussi qu’il y a des équipes qui travaillent là-dessus. Qui connaissent très bien les faiblesses. Des mecs qui savent qu’il y a un joueur qui est capable de dégoupiller si on lui fait ça, un joueur qui est capable de mettre un coup de tête dans un ruck mal placé si on vient le chercher. Enfin, je pense qu'il y a plein de situations que des équipes analysent et on ne se rend pas compte. J'essaie de plus en plus de me calmer quand même. Parce que, mine de rien, tu lâches aussi énormément d'énergie à passer du temps à parler, à chambrer, etc. Donc j’évite, enfin j'essaie en tout cas, de ne plus être là-dedans (sourire).

"J’apprécie le Stade de France, j’ai de bons repères dedans"

En terme de pression, buter lors d’une Coupe du monde, c’est la même chose qu’en Top 14 ?

On va dire que je bute depuis tellement de temps et je m'entraîne depuis tellement de temps à vivre des moments comme ça que je ne me pose même pas la question en fait. J'ai buté dans de grands stades, devant 80 000 personnes depuis quelques temps. Ça m'est arrivé sur des matchs à enjeux aussi parce que, quand on voit ne serait-ce que la dernière finale de Top 14, ça peut aussi se jouer à une pénalité de loupée. Et voilà, c'est le même stade aussi, donc non, je ne vais pas me poser cette question-là.

Que se passe-t-il pour vous au moment de buter ?

J'ai depuis quelques temps une routine, et je fais tout le temps la même. J'ai aussi travaillé aussi avec un "prépa" mental pour faire une peu abstraction de tout ce qui pouvait se passer autour de moi. Ou buter en travaillant dans des situations différentes: avec du bruit, sans bruit, comme quand tu joues dans des pays anglo-saxons. Avec un stress de temps, un stress de points, etc. Donc c'était vraiment intéressant de pouvoir travailler là-dessus pendant quelques mois avec lui et aujourd'hui, c'est vrai que j'arrive, on va dire plus facilement, à faire un pas abstraction de tout ce qui peut se passer autour de moi au moment de buter.

C’est vous, le ballon et les poteaux ?

Oui, exactement. Et une cible derrière les poteaux et puis on y va quoi (sourire) !

Et plus personne autour ?

Forcément, quand il y a 80 000 personnes dans un stade, il y a toujours un petit bruit de fond. Après, c'est dans ma tête. Il n’y a pas grand-chose qui rentre à ce moment-là.

Le Stade de France est un peu votre jardin après toutes les finales jouées avec le Stade Toulousain ?

On va dire que pour le moment, je ne suis monté que pour des bonnes nouvelles quand on était avec le club donc ça c'est plutôt une bonne chose ! C'est un stade que j'apprécie, j'ai de bons repères dedans. J'aime bien les tribunes hautes aussi pour buter. Pour moi en tout cas, c'est important d'avoir les tribunes avec des points de repère derrière les poteaux. Et puis au fur et à mesure du temps quand même, on connaît aussi ses distances sur ce stade-là.

Dimanche vous allez rencontrer une équipe sud-africaine très expérimentée…

On sait que pour certains, ça va être leur 3e Coupe du monde. Alors il y a quelques joueurs qui commencent à passer la trentaine, mais ils sont quand même très, très en forme. Quand on voit Kolisi, qui revient des croisés en moins de 4 mois… voilà, ce sont des joueurs costauds, puissants, qui aiment aussi faire mal à l'adversaire, que ce soit devant ou derrière. Ce qu'il y a de bien, c'est qu'on les a joué en novembre 2022. Et c'est sûr que c'est important d'avoir aussi des repères face à cette équipe-là et d'avoir vécu un match pour savoir de de de quoi ils sont capables pendant 80 minutes.

Concernant l’affrontement physique, on sent vraiment la différence par rapport aux autres équipes ?

Oui, c'est une équipe qui aime porter le ballon, avancer le ballon en main. Monter fort en défense aussi pour agresser l'adversaire. Et puis, il y a des joueurs costauds qui aiment jouer des duels, qui aiment surtout gagner des duels. C’est forcément une équipe très, très solide.

Article original publié sur RMC Sport