UFC Paris: Ciryl Gane se confie avant son choc contre Serghei Spivac

Ciryl, comme l’an dernier, tu es la tête d’affiche du combat principal de l’UFC Paris. Et forcément, ça doit faire remonter des souvenirs fabuleux. Comment appréhendes-tu cette deuxième édition?

C’est un de mes meilleurs souvenirs dans ma carrière. Franchement, c'était juste parfait. Je ne vais pas tergiverser, c'était parfait. Le public était parfait. Comme je l’ai dit plusieurs fois, le public était présent mais bon. Et ça, ça fait la différence entre un bon et un mauvais public, dans le sens où même avec les étrangers, le public français a été bon, bienveillant. Tout a été parfait, tous les ingrédients qui font que tu passes un bon moment. Tous les Français ont gagné, c'était vraiment bien. J'étais un peu stressé, c'est vrai, un peu plus que d'habitude même si c'est un grand mot. Là, je le suis moins vu que j'ai l'expérience de l'année dernière. C’est le petit plus. Beaucoup moins de questionnement sur ce que peut être l’UFC Paris, etc.

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Tu sais à quoi t’attendre. Tu as hâte?

J’ai hâte de retrouver ça, oui. Le ressenti que j'ai eu l'année dernière était un moment de célébration. C'est comme si on allait faire une finale de Coupe du monde à la 1998. J'exagère mais c'est un peu cette sensation-là, où tous les Français sont à l'honneur et c'est notre moment de briller. C’était vraiment un moment de célébration.

L'année dernière, tu sortais d’une défaite frustrante contre Francis Ngannou. Cette fois, tu sors d'une défaite plus difficile à digérer car très rapide. Tu as encore plus envie de revenir pour un peu faire oublier ce souvenir du mois de mars?

A l'heure actuelle, non, je ne pense pas à ça. Au début de mon camp, c’est vrai, j'avais soif de m'entraîner pour dire: ‘‘Il faut que j'aie mon petit côté revanche sur ça’’. Aujourd'hui, c'est plus la concentration qui prend la place. Je suis très concentré sur les qualités de mon adversaire, sur quoi il est bon, etc, plutôt que dire que je veux faire les choses par rapport à mon dernier combat. Je veux gagner ce combat-là comme tout le temps, finir avant la limite comme tout le temps. Je suis très concentré sur ce que je dois faire.

On sait que tu es revenu très vite à l’entraînement après Jon Jones, la semaine suivante. Cette envie t’a-t-elle quitté depuis?

Elle ne m’a jamais quitté. Et elle me quittera plus jamais. Il y a eu des changements, des petits changements sur ces retours à la salle, l'importance de faire de la place dans ma vie sur les à-côtés, fermer des choses un peu. Aujourd'hui, je peux me permettre. C'est pour ça qu’i va y avoir du changement. Je suis arrivé et j'ai tout de suite été dans un rush médiatique et tout ça. Ça aurait été bête de ne pas ouvrir ces portes-là pour capitaliser sur mon image parce qu'on sait qu'une carrière n’est pas longue, et encore plus quand on a ce genre de mésaventure. Et encore, ce n'est pas une blessure… Ça peut aller très vite donc j’aurais été bête de ne pas capitaliser. Je pense que j'ai capitalisé et aujourd'hui, je vais me concentrer beaucoup plus sur moi, ma famille et ma salle d'entraînement.

Tu as documenté ton travail lors de ce camp sur les réseaux sociaux, notamment avec le judoka médaillé olympique et mondial Cyrille Maret. Un travail beaucoup axé sur la lutte, la défense de lutte, le sol. Sur quel plan as-tu le plus progressé sur ces six derniers mois?

En fait, c'est très nouveau cet aspect- là de lutte façon judo. C’est une appréhension complètement différente, des sensations complètement différentes d'un lutteur qui veut t’amener au sol où il y aura beaucoup de percussions et de choses comme ça. Un judoka, il y a de la percussion mais il y a aussi le fait qu’il t’absorbe, qu’il utilise ta force. C’est complètement différent et c'est pour ça que Cyrille Maret nous a été d'une grande aide pour avoir ces qualités-là. Ça vient de là-haut, ça vient d’en bas, il y a ces projections que j’avais un peu au muay-thaï. On a pris le temps aussi sur le travail au sol, sur le jiu-jitsu brésilien. Comme toujours, en vrai. On a toujours travaillé ça même si les gens pensent que ce n’est pas le cas. On a toujours travaillé ça. C'est la raison pour laquelle je n’ai jamais été inquiet de cet aspect-là à l’approche d’un combat. Malheureusement, dès fois ça le fait, dès fois ça ne le fait pas. En tout cas, pour ce camp-là, on a beaucoup axé là-dessus parce que mon adversaire a une très grosse base de judo.

On a l'impression que Spivac est le test parfait pour ça car son seul chemin de victoire semble passer par la lutte et le sol, ce qui n’était pas le cas de vos adversaires précédents, car tu le ferais danser assez vite en striking. Ça te donne envie pour pouvoir montrer des choses là-dessus, tout le travail qui a été fait?

Oui. Plus le test est grand, mieux c'est, plus la victoire est belle. C’est peut-être un peu plus que d’habitude. Mais pour Jon Jones, on savait qu'il allait aller au sol. Pour Francis aussi.

Parce que tu allais le rendre fou debout?

Parce qu'on sait qu'on peut rendre fous les gens debout. On sait qu'on a ce qu'il faut pour ça. On a quand même une force, ce déplacement, toucher et ne jamais être touché. Ça peut vite rendre fous les gens et on sait que quand ça commence à les saouler, comme Francis. C'est d'ailleurs la plus grosse erreur que j'ai pu faire dans mon combat contre Francis. A la fin de mon gameplan, celui que mon équipe fait avant chaque combat avec les stratégies qu'on va adopter, les forces, les faiblesses totales, il y avait écrit en gros et en gras : Francis va vouloir t’amener au sol. C'était le mot de la fin et c'est pour ça que j’ai déconné dans ce combat-là. Pour Jon Jones, on savait aussi, c'était une certitude. Et pour ce combat-là, c'en est une également.

Qu’est-ce que tu penses de Serghei Spivac? Il a l’air d’être un peu comme toi. Il nous avait d’ailleurs confié que c’était une préparation spéciale pour lui car tu sembles être un bon mec comme lui dont il ne peut pas te détester…

Pas besoin de se détester. On n’est pas ce genre de combattants à devoir être une mauvaise personne pour faire des choses que peut-être certaines personnes attendent des combattants, du trashtalking, des trucs méchants, des choses comme ça. Ce n'est pas pour nous. Mais ce n’est pas ça qui nous a empêché de nous mettre dessus l'an dernier avec Tai Tuivasa, et bien. Pour autant, derrière on a bu une bière. Serghei a l'air d'être un bon gars mais ça ne nous empêchera pas de nous taper dessus. C'est notre sport. On est des professionnels, on sait le faire et on sait faire la part des choses.

Tu as évoqué récemment les nombreuses critiques qui te sont tombées dessus après la défaite contre Jon Jones. Des gens viennent même t’arrêter dans la rue pour te dire des choses…

Un peu partout, oui.

Est-ce que tu le vis un peu mieux avec un peu de recul et pour parler clairement, as-tu envie de fermer des bouches ce samedi contre Spivac?

Non. Jj'ai beaucoup appris de cette défaite sur cet aspect-là. Ça rend plus fort l'humain, en fait, ça construit. Les échecs et les moments durs de la vie, et j'en ai eu d'autres, ça m'a toujours construit. Ça te rend toujours plus fort. Et je suis quelqu'un d'intelligent. Quand une personne me fait ça dehors et me donne des conseils sur comment je devrais faire, etc, je me dis bien que cette personne n'est pas combattante et n'a pas ce qu'il faut, les tenants et aboutissants, pour pouvoir me conseiller. Mais elle pense bien faire, c'est ça qu'il ne faut pas oublier. C'est pour ça que je n'en veux pas à ces personnes-là. C'est lourd…

Il y a souvent de la bienveillance, en fait.

Ben oui, c'est de la bienveillance, pas des gens qui viennent ou passent en voiture et me crient que je suis un loser. Ce sont des gens qui veulent déjà prendre du plaisir à parler avec Ciryl Gane, parce qu'il est accessible, c’est une chance de lui parler, et puis essayer de le rendre meilleur. Au final, c'est ça, mais ça peut être pesant. (Rires.) Mais pourquoi tu ne vas pas chez Khabib? Mais Khabib, il habite où? Il n’habite pas au Daghestan, il s’entraîne aux Etats-Unis, alors pourquoi je vais aller là-bas? Déjà, dis-moi d’aller aux Etats-Unis, et pas là-bas. Au-delà de ça, ce sont les expériences de ma vie et je suis à un stade où j’ai une certaine célébrité donc tu prends tout ce qui va avec. C'est comme ça.

Il y avait aussi beaucoup de gens légitimement déçus pour toi, qui s’étaient levés la nuit pour voir ton combat. Dans ta tête, est-ce que tu te dis que tu as quelque chose à te faire pardonner par rapport au public français?

Me faire pardonner, non, parce que si tu pars dans ce côté-là, je leur ai aussi déjà donné beaucoup. Ça peut malheureusement arriver de se louper. C'est du sport et ce n'est pas un sport où je vais jouer 90 minutes avec une deuxième mi-temps pour te rattraper. Là, quand tu fais une erreur, c’est fini. Donc je ne suis pas dans cet état d'esprit de dire que je veux m'excuser, que ce sera mon présent pour m'excuser de mon dernier combat. Je ne suis pas là-dedans. Je sais que ça va leur faire plaisir. D'ailleurs, la base de tous ces débats, c'est que les gens ont été déçus. Les gens qui ont eu cet ascenseur émotionnel, qui sont passés de grands fans à de grands haters, c'est parce qu'ils ont été déçus. Ils étaient derrière moi, j'en suis persuadé, et si jamais j'avais gagné, ça aurait été tout autre. Mais comme ils avaient des attentes, et qu’elles ont été déçues parce c'est décevant sportivement parlant de perdre au bout de trois minutes, la déception a été la base de tout. C'est pour ça que je voulais revenir sur ce mot. Mais je ne me dis pas que je vais aller gagner pour ça. Je sais que ça va faire plaisir à tout le monde si je gagne, d’autant plus si c’est avec la manière. Moi-même, déjà. Sportivement, si je me fais du bien à moi, je pense que ça fera du bien aux gens.

Les sports de combat sont un monde dur car tu ne rejoues pas trois jours après pour te rattraper. Tu n’avais pas pris beaucoup de coups contre Jon Jones vu le scénario. Avais-tu envie de remonter dans la cage dès le week-end suivant pour oublier tout ça?

Je me suis surtout dit: ‘‘Je vais me préparer encore un peu plus quand même’’. Jon Jones, ce n’est pas n'importe qui. J'ai compris sur ce combat qu’il était très efficace, très bon. Il a su trouver la faille. Ce sont de petites failles, pas grand-chose, mais ils savent aller les chercher et les provoquer. Il y a ce côté revanchard contre cette défaite-là mais pour moi. C’est vraiment pour moi.

Tu rappelais que tu avais fait une erreur sur le gameplan contre Ngannou. Tu as aussi expliqué en avoir fait une contre Jones en surengageant ton bras arrière alors qu’il était écrit de ne pas le faire. Ton coach Fernand Lopez te réprimande-t-il un peu pour que tu suives ses stratégies?

Non, pas à ce point-là. Il n’en a pas même pas besoin. Quand tu vois déjà comment je suis déçu et que c'est moi-même qui lui dit, qui vous le dit, il sait déjà que j’ai cette visualisation, cette auto-critique. Pour parler de nos derniers entraînements, on est axé sur ça: comment mettre du volume sans surengager et toujours gagner de l'espace, de mettre de la pression, etc. Imposer mes forces à moi sans pour autant se mettre se mettre en porte-à-faux.

Article original publié sur RMC Sport