UFC 296: comment le MMA a sauvé Leon Edwards des drames de la rue

Des paroles odieuses, une bouteille qui vole, un homme qui bondit de sa chaise avec l’envie d’en découdre avant de monter la cage. Colby "Chaos" Covington avait bien mérité son surnom, dans le pire sens possible, lors de la traditionnelle conférence de presse à quelques jours de l’UFC 296. En insultant la mémoire du défunt père de Leon Edwards, assassiné dans un club londonien quand le champion des welters (-77 kilos) de l’UFC avait seulement 13 ans, son challenger du week-end à Las Vegas a porté son personnage d’odieux au-delà du détestable. Et réveillé la colère d’un homme marqué à jamais par le décès d’un papa trop vite parti et dont l’histoire raconte la sienne tant elles auraient pu tourner similaires.

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L’être humain est le produit de son environnement. Aujourd’hui en pleine lumière, Leon Edwards aurait pourtant pu voir son destin basculer dans l’ombre. La chose semblait presque écrite. L’homme qui a détrôné Kamaru Usman d’un coup de pied à la tête gravé pour toujours dans le livre d’histoire de l’UFC naît et grandit en Jamaïque, élevé à Kingston dans "une maison en bois, avec un toit en tôle et une seule chambre", une enfance qu’il considère "normale" car il ne connaît qu’elle. "Avec ma mère et mon frère, on dormait dans un seul lit. Et quand mon père rentrait, on était quatre dans ce lit. Mais j’étais assez heureux car tout le monde dans le quartier vivait comme ça. On vivait même mieux que beaucoup", raconte-t-il dans un passionnant article sur ses racines signé du spécialiste de boxe Donald McRae pour The Guardian.

Statut du fils oblige, l’histoire a désormais fait le tour du monde. Son père est un chef de gang. Il y a du positif: il est d’un des seuls gamins du quartier avec un vélo et un skateboard. Il y a du sombre, aussi, bien sûr. "Dans de mauvaises circonstances, il a fait les mauvais choix. Vous devez comprendre… En Jamaïque, tuer semblait normal. On était habitué aux coups de feu et à la mort autour de nous." L’enfant idolâtre le paternel, comportement normal, et souhaite l’imiter quand il sera plus grand. Devenir "le plus grand gangster". "On grandissait avec la mort. Je réalise aujourd’hui combien la santé mentale de notre communauté était ravagée. Je ne peux pas imaginer une telle vie pour mon fils de 10 ans…"

Leon Edwards a conscience du lourd bagage criminel de son père. Mais pour changer de vie, papa Edwards aura eu le mérite de tenter sa chance en changeant de pays la famille vite sous le bras. Direction Birmingham, en Angleterre, et le quartier pas facile d’Aston. Leon a huit ans. Le choc face à la population blanche si nombreuse, comme jamais il ne l’avait vu, et les moqueries sur son accent. Mais le confort de sa propre chambre et la sécurité de ne pas devoir se cacher sous le lit pour éviter les balles qui traversent les murs en bois. L’horreur frappe à 13 ans. Son père se fait rattraper par son style de vie, assassiné dans une boîte de nuit londonienne. Leon Edwards raconte l’annonce de la nouvelle par sa mère, les pleurs, les sacrifices de la mère pour son frère Fabian et lui qui renforcent l’amertume: "Ce sont parmi les pires moments de ma vie".

Il va trouver la solution dans les gangs, reproduire la vie de son père et les schémas jamaïquains de guerre territoriale avec le clan du Johnson Crew à Aston face à celui des Burger Boys à Handsworth. Spirale délinquante active. Le salut viendra du MMA, à 16 ans, à la faveur d’un déménagement dans le quartier d’Erdington et de l’ouverture d’une salle où sa mère le pousse à s’inscrire pour s’éloigner de la rue. Elle sera la première personne qu’il appellera, en pleurs, après avoir conquis le trône à l’UFC. Elle gère aujourd’hui son propre restaurant jamaïquain financé par le fiston pour la remercier de tout ce qu’elle a fait pour lui. Leon Edwards annonce qu’il serait mort ou en prison sans avoir découvert les vertus de la discipline du MMA.

"J’aurais fait ce que la plupart de mes amis ont fait. Drogues et crime. Certains ont changé dans mon sillage quand j’ai commencé le MMA, juste pour s’entraîner, et certains ont retrouvé une vie normale. Je pense que je les ai aidés." D’autres n’ont pas pu sortir du tourbillon. Le champion UFC, qui est impliqué dans l’organisation caritative OnSide qui aide les gamins de Birmingham à échapper à la rue, a enterré l’an dernier un de ses bons amis, Reece, poignardé dans le cou. "Je ne sauverai pas le monde mais les arts martiaux ont changé ma vie et je veux montrer à ces enfants que leur vie peut changer aussi." La sienne a été bouleversé pour de bon par un coup de pied qui lui a donné une ceinture. "Avec mon équipe, on était les seuls à y croire. C’était une soirée très spéciale."

Il n’oubliera jamais son passé, même dans ce présent où l’argent n’est plus un problème. Il n’oubliera pas non plus les paroles de Colby Covington, qui a réussi (et c’est normal vu la situation) à rentrer dans sa tête. Leon Edwards disait déjà avant aimer ce combat pour l’idée de fermer la bouche trop ouverte de l’Américain (qui ne mérite sans doute pas vraiment sa chance pour le titre entre ses résultats des dernières années et son inactivité). Mais désormais, c’est vraiment personnel. "Je vais le laisser pour mort, a lancé le champion lors du dernier face-à-face. Je vais m’assurer qu’il se souvienne de ce qu’il a dit sur mon père." Il va y avoir de l’émotion et de l’intensité dans la cage de Las Vegas. Peuvent-elles jouer des tours à un Edwards trop marqué par la ligne franchie pas son adversaire? Possible, et c’est un risque sportif pour le Britannique. Mais on ne pourrait que le comprendrait vu son histoire.

Article original publié sur RMC Sport