PFL Paris: Abdoul Abdouraguimov, "roi paresseux" et OVNI du MMA français

C’est un homme à part. Un profil unique au sein du MMA hexagonal. "Son point fort, c’est le point faible de presque tous les combattants français", tranche Antoine Simon, consultant sports de combat pour RMC Sport. En France, la discipline regorge de talents. Ciryl Gane, Benoît Saint-Denis, Nassourdine Imavov, Cédric Doumbé, Salahdine Parnasse… Tous ont des qualités qui leur permettent de faire briller ce sport seulement autorisé depuis 2020 dans notre pays. Mais aucun ne peut se targuer d’avoir les mêmes aptitudes qu’Abdoul Abdouraguimov.

Aux côtés de Cédric Doumbé, Il est l’autre star présente sur la carte principal du PFL Paris, organisé ce samedi soir au Zénith de la Villette (à suivre sur RMC Sport 2 à partir de 20h30). Enrôlé par le PFL, l’organisation qui monte dans le MMA mondial, à l’image du recrutement de Francis Ngannou, Abdoul Abdouraguimov se sait très attendu face au vétéran anglais Brad Wheeler. La faute à un parcours unique qui a fait de lui l’un des chouchous du public français.

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Abdoul Abdouraguimov est né au Daghestan, "dans un petit village où il n’y a pas de bêton", comme il le précisait au streamer Zack Nani en mai dernier. C’est ici, au sein de ce territoire russe de trois millions d’habitants, qu’il a appris à combattre. "Dès le plus jeune âge, les adultes font ça là-bas, détaille Abdoul Abdouraguimov. Dès qu'il y a deux gamins: 'Allez, est-ce que t’as peur de lui ? Non ? Allez, va le bagarrer.' Ça te forge. C’est bien et ce n’est pas bien en même temps. Il faut le juste milieu. Parfois, ils exagèrent"

"Il est Daghestanais, il combat comme un Brésilien, il fait le chaud comme un Américain... et il est Français"

C’est cette enfance au Daghestan, une terre où la lutte est reine, qui permet à Abdoul Abdouraguimov d’être si fort au sol. Là où la plupart des combattants français excellent en striking (les frappes debout), lui est particulièrement à l’aise sur les phases de lutte. "Abdoul, c’est quelqu’un qui continue de perfectionner ses points forts pour être encore meilleur… dans le domaine où il est déjà le meilleur, assure Antoine Simon. Tant qu’il aura cette particularité dans un domaine, il pourra battre n’importe qui."

Résumer Abdoul Abdouraguimov à un combattant performant au sol grâce à ses origine daghestanaises serait toutefois réducteur. Arrivé à Nantes à l’adolescence après un passage en Allemagne, Abdouraguimov s'est en partie construit hors des standards daghestanais. Son surnom, le "Lazy King" ("le Roi fainéant"), en est la meilleure illustration. "Je suis daghestanais… mais à ma sauce. Est-ce que vous avez déjà vu un Daghestanais ou un Caucasien 'lazy' ? Ça ne passe pas trop là-bas. Là-bas, c’est plus sérieux. Moi j’aime bien rigoler", admet le principal intéressé. "Abdoul, c’est un combattant à part: il est Daghestanais, il combat comme un Brésilien, il fait le chaud comme un Américain... et il est Français - alors qu’il n’a même pas encore les papiers (un processus en cours, ndlr). C’est vraiment un combattant unique", ajoute Antoine Simon.

Le combattant... qui n'aimait pas frapper

Destiné aux sports de combat, Abdoul Abdouraguimov commence par la lutte avant de se mettre au jujitsu brésilien. En 2016, il débute le MMA dans les règles du pancrace, une variante où les frappes au sol ne sont pas autorisées, le MMA n’étant pas encore légal en France. Ses débuts en MMA professionnel sont fracassants et il devient champion d’une organisation suisse à seulement 23 ans. Une ascension fulgurante derrière laquelle se cache pourtant un mal profond. En 2019, alors qu’il combat au Brave, une organisation créée à Bahreïn, Abdoul Abdouraguimov, de confession musulmane, explique être très embêté par les frappes au sol, qui ne sont pas permises par sa religion. Le combattant français commence à se brider, à cogiter.

Le combat face au Jordanien Jarrah Al-Silawi est une bascule dans la carrière d’Abdoul Abdouraguimov. "À un moment donné du combat, je le frappe et je lui dis 'excuse moi', retrace-t-il auprès du streamer Zack Nani. J’ai compati… J’ai gagné mais j'ai pleuré. J’étais pas bien, je voulais prendre ma retraite." Le Brave lui impose alors une revanche contre Al-Silawi. Abdoul Abdouraguimov y va à contrecœur. Démotivé et absolument pas concerné, il s’incline, sans surprise. La seule et unique défaite de sa carrière.

Grâce à son entourage, le Français parvient à remonter la pente et à reprendre goût au combat. La météorite Abdoul Abdouraguimov est lancée et la rencontre avec Fernand Lopez, patron de la MMA Factory et d’Ares, la plus grande organisation française, marque un tournant dans sa carrière. Fernand Lopez devient son manager à l’été 2021. En février 2022, dès son deuxième combat chez Arès, il devient champion welterweight grâce à un étranglement en triangle jamais vu auparavant. Ces débuts suscitent immédiatement un énorme engouement autour de lui. Devenu le chouchou du public, il entre encore un peu plus dans le coeur des fans en janvier dernier en devenant double champion à Arès après sa victoire épique sur soumission au cinquième round contre le Polonais Rafal Haratyk.

Snobé par l'UFC

"L’une de ses particularités est qu’il a gagné une ceinture dans toutes les organisations pour lesquelles il a combattu. À Ares, c’était indéniablement la plus grande star. Il était presque devenu trop grand pour l'événement", assure Antoine Simon. Le palmarès commence à être fourni et la hype est énorme. De quoi s’ouvrir définitivement les portes de l’UFC ? Pendant plus d’un an, la France du MMA suit ce feuilleton. Les fans et les observateurs en sont persuadés: Abdoul Abdouraguimov doit rejoindre les autres stars de la discipline dans la plus prestigieuse organisation mondiale. Le Français attend un signe de l’UFC, en vain. "Je ne comprends pas moi-même… Tout le monde me demande, c’est un mystère", s’étonne-t-il dans le podcast MMA Junkie.

Voir Abdoul Abdouraguimov snobé de la sorte par l’UFC est perçu comme une injustice par de nombreux fans. L’organisation estime-t-elle qu’il y a déjà trop de combattants daghestanais qui présentent le même profil que lui ? La très forte densité des deux catégories où il combat est-elle un frein à l’intégration de nouveaux talents ? Plusieurs théories sont avancées pour expliquer ce choix, qui a contraint le combattant à revoir ses plans.

Si l’UFC lui ferme pour l’instant ses portes, Abdoul Abdouraguimov a donc saisi la main tendue par le PFL, où ses premiers pas samedi soir vont être particulièrement scrutés. "Abdoul est le prospect le plus dangereux et talentueux du MMA", avance Dan Hardy, ancien combattant à l’UFC. "Avec Cédric Doumbé, il a tout pour devenir l’autre grande star du PFL, ajoute Antoine Simon. Personne ne peut dire quelles sont ses limites. Personne ne peut dire où il va s’arrêter."

Article original publié sur RMC Sport