OL: les coulisses d'une nouvelle révolution et de la méthode Fabio Grosso

OL: les coulisses d'une nouvelle révolution et de la méthode Fabio Grosso

Ne pas se montrer avant sa présentation officielle à la presse : c’est le fil rouge respecté par Fabio Grosso tout au long de ses premières heures lyonnaises, samedi et dimanche derniers. Malgré son arrivée à Lyon, depuis Turin, d’où il a passé son entretien d’embauche en "visio" avec John Textor, le propriétaire, il n’apparaît qu’en tribune VIP pour ceux en "présentiel" au stade, et sur leurs écrans de télévision pour ceux en "distanciel" à l'occasion du match de Ligue 1 face au Havre (0-0).

Le 33e entraîneur de l’OL se fait discret pour ne pas brouiller le travail du quatuor (Jean François Vulliez, Jérémie Bréchet, Sonny Anderson et Rémy Vercoutre) qui assure la transition d’un champion du monde français (1998, pour Laurent Blanc) à l’autre, italien (2006 pour l’ex-latéral de l’Inter Milan, de l’OL et de la Juventus).

Spectateur puis acteur

Aucune conversation, aucune consigne, aucun échange : le silence malgré la présence, voilà ce à quoi ressemble l’acte I "lyonnais" de Grosso qui choisit de rester dans l’ombre. Il se contente de faire passer, par un message qu’il fait envoyer dans la conversation du groupe professionnel, sitôt le match terminé, qu’il souhaite retrouver tout son nouveau petit monde dès le lendemain à 14h, dans la foulée de sa prise de parole devant les médias. Ce lundi, à peine douze heures plus tard, on y est, de l’autre côté du parking entourant le stade, au centre d’entraînement lui aussi au nom du même partenaire – Groupama OL Training Center – que l’enceinte de 59.000 places qui sonne creux (35 500 spectateurs) quelques heures auparavant pour un nouveau et triste match nul.

Autre salle, autre ambiance. On tourne la page : le sourire charmeur du néo-technicien de l’OL balaie presqu’à lui seul l’atmosphère morose de la veille. Une nouvelle ère débute dans l’auditorium du centre d’entraînement qui joue, fait rare dans cette période de déclassement du club, à guichets fermés de journalistes ! L’exercice est plutôt réussi en français dans le texte. Grosso échange dans la foulée avec les membres du staff en place afin de faire les (premières) présentations avec les quatre adjoints qui l’accompagnent. Il faut se répartir les tâches : "Moi, je suis venu avec les gens que j'ai choisi, explique-t-il. On a fait un cadre, on a essayé de trouver les meilleurs pour chaque rôle. Je ne pense pas qu'il y a quelqu'un qui manque ou de trop."

Staff conséquent et entraînant

Et puis c’est au tour des joueurs de faire connaissance avec leur nouveau "mister" dans une discussion en tout début d’après-midi. Ceux qui ont suivi la conférence de presse, trois heures auparavant, ne découvrent rien, tant il fait un "copier-coller" des principes exposés devant micros et caméras : "Le plus important est que l’équipe joue ensemble, énonce-t-il le matin. Il faut faire des bonnes choses ensemble, c’est cela qui fait la différence. Chacun d’entre nous doit donner pour élever le niveau de l’équipe. Ça ne se fait pas en un claquement de doigt. Ce n’est pas en un jour qu’on retrouve de la confiance, c’est un parcours, certes difficile. Mais les choses pas évidentes à obtenir sont les plus belles finalement."

Place au terrain dans la foulée. Pour une première preuve d’ouverture médiatique qui devrait en amener d’autres dans une volonté de casser la routine des huis-clos devenue monnaie courante depuis de nombreuses années, les suiveurs sont invités à revenir à 16h pour la première séance "made in Grosso". L’Italien, toujours un ballon dans les pieds, observe, avec un peu de recul, les différents groupes constitués : d’un côté, les titulaires de la veille qui se contentent de quelques longueurs de terrain en "récup" ; de l’autre, au centre du terrain, les remplaçants découvrent un adjoint expliquant ses consignes dans un mélange d’italien, d’anglais et de … gestes avec les mains ! Lors de la deuxième ouverture partielle à la presse – 15 minutes – de la semaine, dans le même type d’exercice, se glisseront quelques mots de français avant peut-être des consignes totalement dans la langue de Molière.

Le rôle de Sonny Anderson bientôt renforcé

Les adjoints de Grosso suivront dès la semaine prochaine un cours régulier de français afin d’améliorer l’intégration générale dans un staff élargi. Il comprend les "Italiens" mais aussi les "Lyonnais", comme Rémy Vercoutre, entraîneur des gardiens de but ou Jean-François Vulliez, ex-boss de l’Académie qui va faciliter le partage des connaissances des jeunes pousses avec les nouveaux entrants. Jérémie Bréchet est lui retourné avec les U19 tandis que Sonny Anderson, revenu sur le terrain l’espace d’une pige, devrait prendre plus de responsabilités dans son rôle de Conseiller d’OL Groupe. Il en a ainsi défini les contours dans un tête à tête avec John Textor dans cette semaine de refonte du staff. Cela devrait être annoncé dans quelques jours.

Depuis lundi, dans la continuité du passage déjà revigorant du staff en transition, il y a beaucoup d’énergie mise par les nouveaux arrivants. Energie communicative en interne mais aussi en externe, avec les relais, photos et vidéos à l’appui, sur les réseaux sociaux du club. Et des bases retravaillées avec des exercices simples. Ils ont pu ainsi découvrir ce que Yoan Severin a vécu au cours de ses années turinoises avec Grosso aux manettes de la Primavera : "Il a énormément d’exigence, témoigne l’actuel défenseur du Servette de Genève, lyonnais de naissance. Il veut que les joueurs soient à 100% dans les mêmes idées et ambitions. Un joueur ne doit pas penser à autre chose, sinon, il n’aura pas de mal à ne pas le faire jouer. Il sait où il veut aller et où il veut emmener l’équipe."

"Comme si on était passé d’un médecin généraliste à un chirurgien"

Et si la séance du mercredi est doublée, cela ne signifie pas "qu’hier cela ne bossait pas" grince un habitué qui peste contre les raccourcis car "chaque technicien ordonnance ses contenus comme il veut et comparer n’a pas de sens". D’autant que la notion "travail" occupe très souvent la première place des éléments de langage – et des premières décisions "visibles" - lors des prises de fonction. Laurent Blanc avait remplacé le J-3 de repos, la "marque" de Peter Bosz, par une séance. Grosso remet un double rendez-vous dès mercredi, à son troisième jour d’entraîneur ! Rien de surprenant : l’Italien avait d’ailleurs prévenu en conférence de presse : "Je n’aime pas trop le repos. J’aime bien quand on s’entraîne beaucoup car pour progresser, il faut travailler." Reste qu’un principe habite le nouveau locataire du banc de touche de l’OL : "Travailler mieux, mais pas forcément plus".

Par exemple, Grosso va régulièrement diviser en deux son groupe professionnel pour aller plus en profondeur dans l’analyse d’une situation défensive ou offensive qu’il répète avec chacun. "Comme si on était passé d’un médecin généraliste à un chirurgien, plus précis dans ses actes et dans sa façon d’agir", image un habitué du centre d’entraînement. Opposition à 5x5, 6x6 ou sur grand terrain, l’essentiel est de suer et d’apprendre … ensemble : "Nous avons fait des séances avec de l'opposition pour régler les détails après visionnage sur la vidéo, des axes d'amélioration, détaille Grosso. Les attaquants l’ont fait devant le but et les défenseurs ont procédé aux derniers réglages avec moi sur une autre partie du terrain."

Tactique, tactile et chirurgical

Car les Lyonnais apprennent ainsi à connaître Grosso, très interventionniste et démonstratif dans les séances, sifflet en bandoulière, prêt à l’utiliser pour corriger. "Je travaille pour convaincre que ce que je propose est la meilleure solution, dit-il. C’est important de regarder les joueurs dans les yeux et leur transmettre ma détermination, ma passion pour ce travail. Je vais tout faire avec eux, car j'ai besoin d'eux, pour aller chercher des victoires." Et si pour le moment, dans une semaine où il observe beaucoup les attitudes tout s’écoule dans une forme de lune de miel, Grosso saura faire passer son message directement si le besoin se fait sentir à terme.

Yoan Severin témoigne avec le recul de ses années de formation à la Juventus, il y a six ans : "Il le dit clairement à ceux qui ne sont pas concernés qu’il faut vite se mettre au diapason. S’il y a 2, 3 ou 4 joueurs qui ne sont pas de projet, cela peut vite devenir compliqué." Il se murmure déjà que quelques "joueurs de ballon", comprenez des individualistes, se sont fait ainsi reprendre sur des gestes superflus alors que le réalisme et l’efficacité doivent primer. Lui exige des "vrais footballeurs", comprenez, ceux qui pensent collectif. "Chacun a ses qualités et c'est à moi d’améliorer, voire de piquer dans les défauts quand il le faut, explique-t-il. J’aime faire ça. Il faut être déterminé et courageux pour progresser."

Des messages directs et/ou subliminaux passent ainsi au cours des séances vidéos, puis sur le terrain. Et s’il sent que quelqu’un a pu être vexé par une remarque, il le prend par le bras pour un exercice en tête à tête. La définition de la main de fer dans un gant de velours ? Grosso résume à sa manière : "Il faut que l'équipe ait des valeurs communes", répète-t-il souvent à ses joueurs. Et à 48h de son premier rendez-vous en Ligue 1 (samedi à Brest, 21h), il précise sa pensée et ses actes : "On fait des choses qui servent le club, globalise-t-il. Cette semaine, c'était important de faire des doubles séances. Elles étaient très bonnes. On a regardé les joueurs jouer ensemble. C'est de bonnes choses pour grandir : ce n’est pas pour embêter les joueurs. L’état d'esprit est bon, on a très bien travaillé."

Parler, c'est d'abord écouter

Il y a peut-être quelque chose qui va en "embêter" certains : le retour… de la mise au vert. Fini le trajet le jour du match quand le coup d’envoi est en soirée, (re)bonjour une arrivée en Bretagne, dès la veille au soir. Et dimanche, un décrassage s’affiche déjà au programme à la mi-journée. Objectif : être ensemble le plus possible pour lier ce collectif. Et parler, discuter. "Dans la vie et pour moi, c'est important de parler, résume Grosso. Mais parler, c’est surtout l'écoute qui est fondamental. Cela permet de mieux comprendre l’autre et de se faire comprendre." Le tout dans une forme de bienveillance, derrière son sourire charmeur qui cache une détermination sans faille et un tempérament de gagneur.

"Oui, inconsciemment, il emmène les joueurs avec lui avec ce qu’il dégage, se remémore Yoan Severin. Dans les exigences, il veut nous accompagner. Il veut qu’on soit tous dans le même bateau pour avoir les résultats que tout le monde souhaite." Une exigence à son image : humaine. "Il est fantastique, top, s’enthousiasme Yoan Severin. Il est ainsi car c’est sa personne qui est ainsi. Il s’appuie sur sa carrière de joueur professionnel. Il sait que parfois, certains ont plus besoin d’un rapport chaleureux avec le coach. C’est clairement, l’une de ses clefs. C’est une bonne personne, qui va vers ses joueurs." Et pas que vers les cadres.

Lyonnais de cœur, ça peut (va ?) aider

"Il parle avec tout le monde, sans exceptions, explique encore son ex-joueur dans le Piémont. A ceux qui ne sont pas titulaires, il leur dit qu’ils vont avoir leurs chances. Son objectif : garder tout le monde concerné dans le groupe pour arriver à ses fins. En championnat et en Coupe d’Italie, pour nous cela avait bien fonctionné." Et si son discours passait plus facilement grâce à son passé, même pour un court passage (2007-2009) entre Rhône et Saône ?

"Lyon, cela lui parle car il a laissé un beau souvenir, témoigne Yoan Severin. Quand j’arrive dans l’équipe à la Juve, dans nos échanges et quand il faut que je m’acclimate à mon nouveau club, j’ai senti directement qu’il était très attaché à la ville et à l’OL. Je ne saurais l’expliquer mais j’ai senti un petit supplément de bienveillance, vu mon "origine" ! Je pense que pour lui, comme pour moi, passé par l’Académie, voir l’OL dans cette situation, ce n’est pas agréable et qu’il donnera le maximum pour redresser la maison."

Article original publié sur RMC Sport