OL: Blanc, le mercato, le besoin de points... Pourquoi Lyon va passer dix jours sur un volcan

OL: Blanc, le mercato, le besoin de points... Pourquoi Lyon va passer dix jours sur un volcan

Après son printemps de révolution de palais, la concrétisation du "nouveau monde" du septuple champion de France se met en place. Matthieu Louis-Jean, promu chef du recrutement de l'Olympique Lyonnais, a avancé ses pions depuis son arrivée le 1er juillet. S’il s’est affranchi, dans une forme de logique d’un changement de gouvernance, des pistes travaillées (sauf Clinton Mata) de longue date par Bruno Cheyrou, officieux directeur sportif sous l’ère Jean Michel Aulas, il a dû faire avec un "boulet" (dixit une source interne): les sanctions de la DNCG. Outre les limitations de masse salariale et de la somme totale allouée aux transferts, elle envoie un message aux potentiels acheteurs et vendeurs qu’il suffit de mettre une somme au-dessus de la ligne de flottaison (25 millions d'euros moins l’argent déjà investi, soit environ 8 millions à dix jours de la fin du marché des transferts) pour compliquer d’entrée les négociations.

Au fil des semaines, de nombreux dossiers patinent, installent un malaise externe et interne, et dessinent un vrai fossé entre les ambitions affichées (retrouver la Ligue des Champions en fin de saison) et la réalité constatée sur le pré par les techniciens lyonnais. Fossé qui se creuse avec les promesses (non-départ des jeunes joueurs bankables) qui volent en éclat quand l’un des éléments - Castello Lukeba – va dans le bureau de John Textor, lors de sa semaine lyonnaise de la période, pour lui parler de son envie d’ailleurs et obtient dans la foulée son départ avec l’ouverture illico des négociations avec le RB Leipzig.

De quoi rendre peu lisible la nouvelle stratégie pour les acteurs mêmes du projet. Alexandre Lacazette, qui voit rouge à la fin du match de Montpellier, ce qui n’est pas dans ses habitudes, s’avoue en privé un peu perdu face à cette feuille de route revue et corrigée. Quant à Dejan Lovren, revenu en janvier pour le projet retour à l’ADN, il a publié un énigmatique message sur ses réseaux sociaux: "Je suis plus frustré que vous les fans, certaines choses ne sont pas pour le moment comme elles devraient être. Tellement de choses que je voudrais dire, mais il vaut mieux se taire pour le moment". Dans cette ambiance, si des propositions à la mode, venues du Moyen-Orient, se représentaient, peut-être que ces cadres pourraient mieux les écouter cette fois. Voire les entendre pour s’entendre sur un transfert! Le risque, même minime, existe. Le microcosme lyonnais - et donc le patron du staff – en a eu vent. Ce qui déplumerait encore un peu plus l’effectif, alors que la tentative d’exfiltration de Nicolas Tagliafico, tentée par son ex-club, l’Ajax, ne semble plus d’actualité.

Explication de texte

Au milieu de tout cela, Laurent Blanc fait du... Laurent Blanc: sans filtre, cash, au 2e et au 3e degré parfois. Un peu comme Jacques Santini quand il souhaite absolument Éric Carrière et qu’il voit arriver un certain Juninho en juillet 2001: "Je ne le connais pas, je ne l’ai vu faire que du VTT à Tignes". Mais c’était il y a 20 ans, alors que les émissions de débat et les réseaux sociaux n’étaient pas nés. La saillie, célèbre à Lyon, a fait rire, sans aller bien plus loin que les bords du Rhône et de la Saône. Sans conséquences à l’époque. Aujourd’hui, de telles formules enflamment du sol au plafond l’environnement d’une institution en plein redémarrage d’un nouveau projet, avec des hommes neufs et pour la plupart peu expérimentés.

Le feu couve d’autant plus qu’aucune arrivée n’a fait l’objet d’une présentation publique, ce qui enveloppe la période d’un silence inhabituel, lequel contraste forcément avec les habitudes passées où les conférences de presse tournaient non seulement autour du néo-Lyonnais mais aussi autour des "questions annexes et décalées". C’était toujours l’occasion pour le patron de l’époque, Jean-Michel Aulas de s’exprimer sur l’actualité de l’OL en particulier... et d’avoir un avis sur tout. Nouvelle gouvernance, nouvelles habitudes.

D’ici le 31 août, il faut aussi traduire les propos du "Président" au boss John Textor: l’échange de ce début de semaine – "qui fait partie des échanges traditionnels entre les deux hommes" dixit l’entourage de l’Américain - a forcément tourné autour de l’explication de texte entre les deux hommes, même s’il est difficile d’en savoir plus sur les contours de cette discussion quelques heures après sa programmation. Ni d’un côté, ni de l’autre, on ne commente cette visio.

Cucci en apprentissage accéléré

Issu d’une autre culture où le cadre est appelé à suivre les feuilles de route sans états d’âme, John Textor doit aussi se faire expliquer justement ce deuxième et troisième degré d’où suinte une pointe d’agacement. Et le tout en distanciel, par visio régulière: peu fluide quand il faut s’expliquer en temps de crise...

D’autant que son bras droit Santiago Cucci, en présentiel et installé lui à Lyon depuis juin, découvre le milieu, son exposition, sa proximité avec les fans qui peuvent dire franchement à la sortie d’un match ce qu’ils pensent du résultat. Sans filtre. Loin des mœurs, certes féroces, mais plus policées des affaires de l’Ouest américain. "Il est en apprentissage accéléré, une vraie gageur", décrit un proche.

Santiago Cucci essuie les plâtres, prend des décisions radicales et nouvelles par rapport aux habitudes et aux hommes de l’ancienne direction, tandis que John Textor met en place sa vision d’une synergie entre ses quatre clubs pour ses prospects. Cette innovation sur des pistes soufflées par Dougie Freedman, directeur sportif de Crystal Palace (Ainsley Maitland-Niles par exemple), bouscule les traditions des habitués européens, français et... lyonnais. D’ailleurs, le patron sportif du club londonien a aussi glissé le nom d’un ex-co-équipier à Nottingham Forest lors de la saison 1988-99. Un certain… Matthieu Louis-Jean.

"Le ver est dans le fruit"

Et là où Laurent Blanc souhaite de l'expérience et du vécu sur des postes clés comme c’était la feuille de route du début du mercato en cette année sans coupe d’Europe (Franck Honorat, Romain Saïss, Daniel Amartey, Abdou Diallo), il voit débarquer des jeunes en post-formation, qui plus est de la galaxie Eagle Football. Après Jeffinho, choix solitaire de John Textor en janvier, c’est Jake O’Brien qui arrive avec un communiqué de presse qui casse les codes au très haut niveau: "Avant qu’une décision définitive soit prise sur son avenir, le défenseur central irlandais sera, dans un premier temps, observé et évalué par Laurent Blanc et son staff lors des différents entraînements du groupe professionnel".

Or, Laurent Blanc attend toujours sa sentinelle, son idée fixe depuis... janvier! "Mais sa liste de course est en train d’être travaillée, les dix prochains jours sont consacrés à cela, il sera satisfait", démine un proche de John Textor. Le prometteur attaquant ghanéen Ernest Nuamah, issu des logiciels de recrutement de Matthieu Louis-Jean, est arrivé ce mardi. Mais il a 19 ans. Et d’autres pistes de milieu de terrain et d’attaquants monopolisent aussi l’attention des recruteurs lyonnais.

En attendant et pour reprendre sa formule au sujet de Bradley Barcola, qui pourrait – devrait? – partir pour le PSG, en guise d’explication de ses prestations peu abouties en ce début de saison: "Le ver est dans le fruit". Il semble l’être aussi entre le board américain et son coach, pourtant adoubé par John Textor. Ne disait-il pas cela le 9 mai 2023 dans sa première prise de parole après avoir débarqué Jean-Michel Aulas? "On va garder et soutenir Laurent Blanc. Je pense que notre coach mérite beaucoup de ressources et notre soutien cet été. Ce club a bien fonctionné sur les 15 derniers matches, il faut continuer à ajouter de la qualité, de l'expérience. (...) Nous devons recruter et donner les outils nécessaires à ce coach".

Un peu plus de 100 jours après ces déclarations, à part Clinton Mata, aucun des nouveaux ne ressemble au portrait-robot souhaité, avec des profils de jeunes, certes prometteurs à la vue des "datas", mais pas encore prêts à jouer sur la durée le haut du tableau. "Ce n’est pas le projet vendu, décrypte un connaisseur du champion du monde. Et rappelons qu’il a signé pour Jean-Michel Aulas en octobre 2022". Comprenez: qu’il n’a plus la protection de celui qui l’a fait signer dans une période où il est fragilisé par l’accumulation des défaites – sept matches, préparation incluse, soit la pire série depuis 1959! – dans cet été en pente pas très douces.

Quitte ou double dangereux

Alors, Laurent Blanc "tend des perches", décrypte un proche. D’où ce qui ressemble à un quitte ou double dangereux, à travers ces propos cash qu’il faut aussi comprendre ainsi: il ne veut être le capitaine d’un bateau qui pourrait dériver dangereusement.

Reste qu’à Lyon, la formule de Coach Courbis a fait mouche: "Il est un accompagnateur, pas un entraîneur". Elle est reprise par beaucoup de monde.

Signe qu’avec cette façon de faire en matière de communication – car dans le groupe, il n’y a aucune fracture avec lui – il doit aussi se remettre en question pour poursuivre son contrat jusqu’en juin 2024. En rappelant aussi qu'une rupture de contrat coûterait pas loin de 4 millions d’euros au club, en comptant le dédommagement de ses adjoints.

A l’instant T, rien ne devrait bouger pour Laurent Blanc. Mais quelle que soit la suite, pour l’OL, son image ou les deux, il serait temps, pour lui et son équipe, de marquer des points dans un calendrier difficile: déplacement à Nice (27/08, 20h45) et réception du PSG (03/09, 20h45) juste avant la trêve. Paris, son dernier club français d’où il est parti avec un chèque XXL.

Article original publié sur RMC Sport