"Les mesures individuelles existent et il faut les faire respecter": les dangers des interdictions systématiques pour les déplacements de supporteurs

"Les mesures individuelles existent et il faut les faire respecter": les dangers des interdictions systématiques pour les déplacements de supporteurs

Les incidents en marge du match entre l’OM et l’OL, les problèmes fréquents en tribunes depuis le début la saison et la mort d’un supporteur nantais ce samedi en marge de Nantes-Nice ont poussé les pouvoirs publics à prendre une mesure radicale pour la fin d’année.

Selon les informations de RMC Sport, tous les déplacements de supporteurs seront interdits dès lors qu’une rencontre sera identifiée comme à risques par la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH).

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Une mesure prise jusqu’au 18 décembre, date de la réunion plénière de l'instance nationale du supportérisme (INS) qui est chargée de trouver une solution plus durable. Interrogé ce mercredi, Jean-Jacques Bertrand ne pense pas qu’une généralisation des interdictions de déplacement sur le moyen ou le long terme soit une mesure viable malgré son application dans les prochaines semaines.

"Un arrêté ministériel quand il est pris et n’est pas suspendu, les moyens sont mis pour qu’il soit respecté", a noté pour RMC Sport cet avocat spécialisé en droit du sport et des sportifs. "Ensuite, le terrain dira ce qu’il se passe mais je pense que cela va quand même être respecté."

"Le respect des libertés fondamentales"

A l’instant T, les autorités cherchent à parer au plus pressé et multiplient les arrêtés préfectoraux ou ministériels pour interdire les déplacements de supporteurs. Mais comme l’a confirmé récemment le match entre le Paris FC et Bordeaux, le 25 novembre à Charléty, un juge peut lever cette interdiction s’il la trouve disproportionnée. Un contrôle capital aux yeux de Jean-Jacques Bertrand puisque cela évite l’arbitraire des préfets ou du ministère de l’Intérieur.

"Il y a un contrôle du juge et c’est tout à fait normal parce que la base de tout ça, et c’est là que réside la difficulté qu’il faut affronter de face, c’est le respect des libertés fondamentales", a encore estimé l’avocat. "Un supporteur ou un groupe de supporteur ont le droit d’avoir une liberté d’aller et de venir, une liberté d’expression, une liberté d’association, une liberté de réunion. Cela fait partie des libertés fondamentales et notre pays à ça dans ses gênes."

Et Jean-Jacques Bertrand d’enchaîner: "Que l’on arrive parfois à les restreindre parce que c’est nécessaire en fonction des troubles possibles à l’ordre public, l’arrêté et les textes le prévoient. Et le contrôle est fait par le juge administratif. […] L’arsenal il existe et il y a des sanctions individuelles qui peuvent être prises, soit pour des actes à l’intérieur des enceintes soit à l’extérieur. Les mesures individuelles existent et il faut les faire respecter."

L’interdiction de stade à vie, pas une solution idéale

Si la réunion du 18 décembre va revêtir une importance pour la suite de la saison et pour toutes les questions sur la gestion des flux de supporteurs en France, Jean-Jacques Bertrand a aussi glissé son sentiment sur l’évolution des mesures individuelles. En particulier sur la possibilité d’interdire de stade à vie un fan impliqué dans un incident en marge d’un match.

"Cela peut marquer les esprits. Dire interdiction à vie cela marque les esprits", a indiqué l’avocat après de RMC Sport. "Mais dans 25 ans, quelqu’un qui a un interdiction à vie aujourd’hui, qu’adviendra-t-il de cette suspension? L’aura-t-il fait revoir parce qu’il sera devenu père de famille? C’est quelque chose qui est possible.

Et maître Bertrand de poursuivre: "Bien sûr qu’on peut imaginer cette sanction-là et cela peut être vu comme une mesure dissuasive mais c’est comme d’autres sanctions qui sont prises, encore faut-il qu’elle soit efficace et que cela ne soit pas juste un mot important qui cacherait d’autres mesures. […] Si ce n’est pas proportionné aux faits, c’est toujours modifiable ou contrôlable par un juge et c’est malgré tout une garantie. Cela ne veut pas dire que l’interdiction sera systématiquement retoquée par un juge mais cela veut dire qu’elle peut être contrôlée et c’est ça qui compte."

Vers des "fichés S du sport" pour contrôler les supporteurs?

Plutôt que de renforcer l’arsenal judiciaire et légal avec des sanctions plus importantes contre les supporteurs ou les groupes de supporteurs, Jean-Jacques Bertrand espère voir l’INS repenser de manière plus globale la question de l’encadrement des fans où certaines extrêmes se glissent pour essayer de troubler l’ordre public. Au point selon lui, d’imaginer les pouvoirs publics transposer le système des fichés S au sport.

"Il faut essayer d’individualiser au maximum. Mais le problème des extrêmes c’est qu’on ne l’a pas uniquement dans le football ou dans le sport", a encore analysé ce spécialiste du droit du sport et des sportifs. "Le football est peut-être un petit plus en avant que d’autres sports où cela se passe bien avec les supporteurs. Mais les groupuscules d’extrêmes qui veulent un peu perturber l’ordre public savent où s’immiscer."

Et de l’avocat de conclure sur la questions des sanctions contre les supporteurs: "Le football étant le plus populaire, on vient s’immiscer dans ces groupes-là pour effectivement faire parler de soi ou simplement pour exprimer ce que l’on veut exprimer. C’est donc très difficile de vouloir aller au-delà de ce qui existe sauf pour une réflexion générale afin d’identifier et pour savoir comment contrôler chaque personne individuelle identifiée comme peut l’être actuellement avec les fichés S. Est-ce qu’on peut avoir des fichés S pour le sport, je n’en sais rien mais il faut des réflexions qui permettent de suivre et de sanctionner ceux qui commettent ces troubles à l’ordre public."

Article original publié sur RMC Sport