Ligue 1: pourquoi le deal CVC fait tant grincer des dents

Ligue 1: pourquoi le deal CVC fait tant grincer des dents

Il avait été voté à l’unanimité au presque le 1er avril 2022. Un an et demi plus tard, l’unité s’effrite un peu autour du deal entre la Ligue de football professionnel (LFP) le fonds d’investissement CVC Capital Partners. Sa régularisation est d’ailleurs à l’ordre du jour de l’assemblée générale de la LFP ce jeudi, notamment au sujet de la répartition entre équipe, selon L’Equipe. C’est l’un des points de crispation autour de cet accord promettant 1,5 milliard d’euros à la société commerciale, contre une participation de CVC à hauteur de 13,04% à son capital.

Le Havre se sent lésé

Promu en Ligue 1 l’été dernier, Le Havre fut la première voix publiquement dissonante sur le système de répartition de l’accord. Le club poursuit la Ligue en justice en lui reprochant un système de répartition inégal, se plaignant avoir vu sa rétribution amputée de la moitié en étant promu. "On est ceux qui vont toucher le moins et c'est inadmissible", avait lancé le président Jean-Michel Roussier à l'AFP en juin dernier. "Le Havre ne va rien toucher au titre de la Ligue 1 tout en perdant la moitié de ses 3 millions d'euros au titre de la Ligue 2 puisque nous n'y serons plus."

L’accord avec CVC prévoyait un versement de 600 millions d’euros à l’été 2022 (époque où le Hac était encore en L2), réparti en trois groupes de clubs. Le PSG a ainsi touché 200 millions d'euros soit 17% du total (alors qu'il en réclamait 30% à l'origine). Six clubs (OM, OL, Nice, Rennes, Monaco, Lille) ont été placés dans un deuxième groupe où chacun a obtenu 80 millions d'euros (90 pour Lyon et Marseille). Le dernier groupe, réunissant les autres clubs, avait obtenu 33 millions d'euros. Sur cette somme, 16,5 millions ont été versés en juillet 2022 et l'autre moitié en juin 2023. Les équipes de Ligue 2 devaient toucher 3 millions d'euros sur la même période à la condition d’être présents dans ce championnat des saisons 2021-2022 à 2024-2025. Ce qui n'est pas le cas du Havre, en L1 depuis cette saison et ainsi privé de la moitié de cette somme.

Une communication trop opaque

Dans L’Equipe, plusieurs acteurs anonymes grincent des dents contre l’opacité de la Ligue de football professionnel (LFP) au moment de présenter les trois dossiers de fonds d’investissement en mars 2022. Le vote quasi unanime des clubs (à l’exception des abstentions de Toulouse et Nancy) pour CVC le 1er avril est intervenu seulement deux jours après la remise d’un document de 100 pages détaillant l’accord. Un document que peu d’acteurs auraient lu dans son intégralité. Seulement quelques présidents auraient été mis au courant du détail de l’accord par la LFP. D’autres estiment avoir en quelques sorte été mis au pied du mur dans un contexte de grave crise financière après l’arrêt du championnat à cause du covid en 2020, puis le fiasco Mediapro. La manne de CVC tombait comme une ressource providentielle.

"Il fallait trouver de l’argent coûte que coûte, soit disant car tout le monde allait faire faillite", confiait dans l’After Foot Christophe Bouchet, ancien président de l’OM, auteur du livre ‘Main basse sur l’argent du foot français’, le 11 octobre dernier. "Pourquoi les clubs ont accepté? Parce que depuis 20 ans, les présidents de club raisonnent toujours en cash. Ils ont vu 1,5 milliard… Les clubs n’auraient pas fait faillite. Mais ils se sont dits 'On va tous faire faillite, ça va être le chaos'. Les politiques, l’Elysée et Matignon, ont cru aussi à ce discours-là et on s’est dit ‘on va faire un deal'."

Des clauses qui font craindre une explosion de la facture pour les clubs

Un autre point inquiéterait certains clubs, l’augmentation de la facture due à CVC, qui s’est engagé à ne percevoir aucune dividende avant la saison 2024-2025. Mais ce principe est rétroactif et le fonds d’investissement a négocié de percevoir intégralement ce qui lui sera dû sur les trois saisons en 2025. Ce dont certains clubs disent ne pas avoir été informés. Selon des chiffres de L’Equipe, ce rattrapage serait évalué à 106,8 millions d’euros, sans compter les premiers prélèvement de 13%.

Une autre menace plane au-dessus de la Ligue: la possibilité pour CVC d’augmenter sa participation dans le capital de la filiale commerciale de la LFP si le budget de cette dernière est sujet à évolution.

"Une sous-performance de 5 % par rapport au plan d'affaires? CVC grimpe à 13,46 %", détaille L’Equipe avec un pourcentage croissant établi en fonction des différences de budget. Des clubs regretteraient ne pas avoir été prévenus dans le détail sur ce point.

La participation de CVC dans la filiale est aussi jugée importante par rapport à son engagement en Espagne (8% pendant 50 ans). "Il y a un fonds qui a pris 13% des droits de la LFP, qui a donné de l’argent en avance mais qui, en contrepartie, touche à vie - à vie! - 13% de l’ensemble des revenus", assurait Christophe Bouchet dans l’After. "Ce n’est pas uniquement les droits TV. Pour simplifier, c’est 13% sur la très large majorité des revenus globaux de la LFP, c'est-à-dire les droits TV, les droits commerciaux et les droits des paris en ligne."

Article original publié sur RMC Sport