Latéral en National 2, star des réseaux sociaux… qui est Valentin Liénard, le footballeur-youtubeur du TEGG?

Il n’a pas de contrat professionnel mais il est davantage suivi que beaucoup de joueurs de Ligue 1. Grâce à son talent balle au pied et sa créativité sur internet, Valentin Liénard gagne aujourd’hui sa vie en crampons. De manière plutôt confortable. Depuis début octobre, le défenseur de 25 ans évolue au Thonon Évian Grand Genève Football Club (National 2), tout en proposant des contenus vidéos à sa vaste communauté, qui regroupe plus d’un million de personnes sur YouTube, Tik Tok et Instagram. Une double casquette assez unique pour celui qui n’a aucun lien avec Dimitri Linéard, l’ancien taulier de Strasbourg. "Non, on n’est pas de la même famille. Mais on a failli jouer contre lui parce qu’il a quitté récemment Bastia (fin novembre), ça aurait pu être un clin d’œil sympa."

Né à Nice en 1998 (il fêtera ses 26 ans le 11 janvier prochain), Valentin Liénard a grandi sur la Côte-d’Azur, dans un environnement assez sportif. Avec un père pilote de rallye et un grand-frère qui l’a initié au football lorsqu’il venait assister à ses entraînements. Très vite attiré par la balle en cuir, il débute en club vers l’âge de 5 ans au sein de l’Entente Sportive des Baous, dans la commune de La Gaude (Alpes-Maritimes). Fan de Lionel Messi et du Barça de Pep Guardiola, "Val" se fixe rapidement au poste de latéral, en admirant Daniel Alves ou Philipp Lahm.

Repéré par l’OGC Nice, son club de coeur

"Je suis droitier, mais j’étais formé en partie à gauche. Je peux vraiment jouer des deux côtés, assure-t-il. Je suis un joueur d’équipe, assez simple dans mon jeu. Je vais de l’avant et j'amène des bons ballons avec ma qualité de centre. J’aime bien défendre et tacler aussi." Alors qu’il évolue en U12, l’OGC Nice vient le chercher pour intégrer son centre de formation. L’occasion pour le jeune Liénard de défendre le maillot de son club de cœur. Le Gym est alors en période de transition, avec le déménagement du stade du Ray à l’Allianz Riviera, la nomination de Claude Puel sur le banc des pros et des résultats assez décevants.

Après cinq saisons chez les Aiglons, l’un de ses entraîneurs le fait venir à l’AS Monaco, où il côtoie régulièrement les U17 nationaux, aux côtés d’un certain Kylian Mbappé. "On savait qu’il était annoncé comme un phénomène, mais la saison où on a joué ensemble, c’était sa première en U17 et elle a été un peu compliquée pour lui, témoigne Valentin. Il s’est même retrouvé à jouer parfois en équipe B. Pourtant il avait un talent incroyable. Il était au-dessus. Mais le coach des 17 nationaux, Bruno Irles, en attendait peut-être un peu plus sur des efforts défensifs donc ça n’a pas trop matché entre eux."

"Mbappé dribblait tout le monde"

Liénard se rappelle parfaitement de sa rencontre avec le futur capitaine de l’équipe de France: "Après mon premier entraînement avec les 17 nationaux, j’appelle mon père et je lui dis: ‘Il y a un joueur, c’est incroyable, il est vraiment trop fort’. C’était Mbappé. A son âge, il y a deux choses où il excellait par rapport aux autres: sa technique, avec ses feintes de frappe et ses passements de jambes, et puis sa vitesse. Il allait déjà très vite. Je me suis retrouvé par moments contre lui. Et je me disais: ‘Ah oué, c’est dur quand même’. Mais je me suis rendu compte qu’il dribblait tout le monde (sourire)."

Barré par la concurrence sur le Rocher, Liénard décide de tenter sa chance à Istres, dont l’équipe première est alors en Ligue 2. Mais le club des Bouches-du-Rhône dépose le bilan en 2015 et se retrouve rétrogradé en sixième division, avec la perte de son statut pro et la fermeture du centre de formation. Coup dur pour Valentin, à peine majeur, qui choisit d’opter pour une carrière dans le monde amateur.

La Coupe du monde 2018 comme tremplin

Après avoir obtenu son bac ES et passé un diplôme d’entraîneur, il enchaîne les expériences en National 3 (anciennement CFA2), à l’ES Cannet, Louhans-Cuiseaux, le RCO Agde ou le Limoges FC. Avec des revenus modestes, souvent quatre entraînements par semaine et un planning globalement léger. Alors qu’il vient d’avoir 20 ans, Valentin choisit de profiter de son temps libre pour partager son expérience de joueur semi-pro sur YouTube, avec l’appui d’un pote de collège. Il sort une première vidéo expliquant comment intégrer un centre de formation. Mais elle fait très peu de vues.

Au bout de quelques mois, à force de poster des contenus, l’intérêt commence à naître autour de lui. Et durant la Coupe du monde 2018, il décolle grâce à une vidéo résumant son parcours, dans laquelle il explique avoir joué avec Mbappé (près de 50.000 vues en quelques jours). Dans la foulée, le crack de Bondy se révèle aux yeux de la planète en Russie et les Bleus décrochent une deuxième étoile. Les planètes s’alignent à merveille pour Linéard: "C’est bien tombé parce que les gens ont suivi la saison qui allait reprendre et on a eu des premiers abonnés fidèles à partir de ce moment-là."

Le succès de sa série "Que du foot"

L’année suivante, en 2019, il signe à l’AS Saint-Priest (près de Lyon) et lance la série #QDF (Que du foot), en proposant une immersion dans son quotidien et celui de son équipe, via une vidéo postée chaque semaine. "On y retrouve le résumé du match du week-end, détaille Liénard. Il y a les causeries. Les coachs ont même des micros sur le banc. Il y a aussi la vie de groupe durant la semaine, avec les entraînements et les délires entre coéquipiers. Et puis mes ambitions personnelles."

Mais le concept ne plaît pas à tout le monde au départ. Valentin se heurte d'abord à des regards méfiants et des portes fermées. "Ça a été très très compliqué, confirme-t-il. On est à un niveau qui commence à se rapprocher du monde pro. Beaucoup de gens en vivent. Ça a été mal perçu au début. Des gens avaient peut-être le cliché des réseaux sociaux ou des influenceurs. J’ai eu des accrocs avec certains clubs qui ne voulaient pas que je fasse ça. J’ai eu d’autres clubs plus neutres, notamment à Alès (Gard)."

Réaliser ses contenus, une condition sine qua non

Les choses se décantent vraiment lorsqu’il débarque au Villefranche Saint-Jean Beaulieu FC (Alpes-Maritimes), dans sa région natale. "Le coach Grégory Campi (ancien milieu de terrain du Losc, NDLR) était jeune et assez ouvert. Il a trouvé ça cool. Il m’a laissé l’opportunité de filmer le vestiaire, en gardant quand même un œil dessus. On a fait de très beaux contenus. Ça a donné une autre ampleur au concept, parce que là on est vraiment parti dans l’intimité. C'était quelque chose qui n’avait quasiment jamais été vu dans le monde semi-pro." La hype prend autour de la série #QDF. Le concept devient viral, les vues grimpent et les abonnés affluent.

Soutenu par ses parents (qui lui débriefent ses vidéos), sa copine et ses proches, "Val" s’investit à fond dans le développement de ses projets sur sa chaîne et des réseaux. Au point de ne plus vouloir retourner dans l’ombre, quitte à refroidir certaines équipes. "J’ai inversé le problème et avant de m’engager dans un club, j’ai dit que je venais uniquement si je pouvais faire mes contenus. Je ne voulais pas revenir en arrière sur ce point." Jura Dolois accepte ses conditions et Liénard poses sa caméra en Franche-Comté à l’été 2022.

Sa communauté se déplace pour le voir jouer

L’entente est totale entre les deux parties. Valentin continue d’accroître sa notoriété et le club de National 3 gagne en exposition. De manière spectaculaire. En fin de saison, le latéral polyvalent lance un appel à sa communauté pour venir soutenir l’équipe de Dole face à Pontarliers, dans un choc décisif pour la première place du championnat.

Le match se joue devant près de 3.000 spectateurs, record historique pour le stade Robert-Bobin (qui accueille moins de 1.000 personnes habituellement). Malgré une belle ambiance dans les gradins, Jura Dolois s’incline 2-0 et Liénard n'entre même pas en jeu. Dur à avaler. "C’était un moment très difficile, même si j’ai relativisé en voyant tous ces gens qui me soutiennent", glisse le footballeur-youtubeur.

Le TEGG, un projet ambitieux

Alors qu’il a repris la saison avec Dole en septembre dernier, Valentin Liénard reçoit un appel du Thonon Evian Grand Genève Football Club (ex-Evian Thonon Gaillard), qui évolue en National 2 et cherche à se renforcer au poste de latéral. Grégory Campi, qu’il a connu au centre de formation de Monaco avant de le retrouver à Villefranche, a glissé son nom à l’entraîneur Bryan Bergougnoux, dont il est l’un des adjoints. Liénard accepte le challenge et débarque en Savoie avec des yeux brillants.

"Tu as presque l’impression d’être pro. Tout est différent par rapport à la N3. On a rendez-vous tous les jours à 9h pour s’entraîner. Tous les joueurs du groupe sont sous contrat et ne font que foot, même si le club n’a pas de statut pro. On a un staff XXL, avec des kinés, des préparateurs physiques. On a aussi tout le matériel à dispo sur place, avec trois terrains, un grand vestiaire, une salle de sport, un sauna. Ils sont même en train de construire un hamam (sourire). Je pense que certains clubs de Ligue 2 n’ont pas de telles infrastructures."

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"Bergougnoux est un vrai gagneur"

Les joueurs du TEGG partagent leur complexe avec les féminines et des jeunes de la PSG Academy. Le reste des équipes du club occupent d’autres terrains. De quoi offrir des conditions optimales aux pensionnaires de N2. Et permettre à Valentin Liénard de tutoyer son rêve d’enfant: "Quand je suis arrivé, je prenais ma douche avec le sourire en me disant: ‘mais quel kiff!'", s’amuse-t-il, ravi de pouvoir être coaché par l’ancien milieu offensif Bryan Bergougnoux (40 ans), formé à l’OL et passé par Toulouse: "Quand il parle football, c’est impressionnant, de par sa carrière et ses connaissances. Sa grande force, c’est qu’il est capable d’être très ouvert et de rigoler, mais quand c’est la compétition, c’est un vrai gagneur."

Après avoir connu de gros soucis financiers et être reparti de Régional 2 (en septième division), le club savoyard a enchaîné les montées ces dernières années. "Ils veulent rester sur cette dynamique et viser le haut du classement pour aller vers le monde professionnel", annonce Valentin. Le TEGG est actuellement neuvième de son championnat, qui compte quatorze équipes (avec un match en moins), sachant que seul le premier monte en National. Liénard et ses coéquipiers ont également été sortis au huitième tour de la Coupe de France à Lyon La Duchère (2-1).

Quatre personnes à temps plein sur ses vidéos

Pas de quoi entamer le moral du Niçois, qui continue à produire ses contenus avec la bénédiction de ses dirigeants, rassurés par l’introduction de Grégory Campi lors de son arrivée. "L’équipe a tout de suite adhéré et kiffé l’idée. Tout se fait assez naturellement. L’an passé, un joueur ne voulait pas qu’on le voit à l’écran pour raisons personnelles. Aucun souci, il n’est pas apparu dans la série. Je respecte ça. Après, certains se prennent plus au jeu et aiment un peu plus les caméras (sourire)."

Valentin passe en revanche moins de temps à bosser sur ses vidéos depuis qu’il est au TEG. Il s’y consacre surtout en début de semaine, pour être pleinement focus sur les matchs à l’approche du week-end: "On a un peu changé nos méthodes de travail et je délègue beaucoup plus maintenant. On est quatre personnes à bosser dessus au quotidien. Et il y en a trois autres qui donnent des coups de main quand il y a besoin. Ça commence à faire du monde."

"Le foot reste ma passion première"

Sa présence sur les réseaux (où il compte 445.000 abonnés sur Tik Tok, 375.000 sur YouTube et 1450.000 sur Instagram) lui offre désormais des revenus intéressants, qui s’ajoutent à son salaire de joueur. "Le foot passe avant tout, précise tout de même Valentin. Peut-être qu’aujourd’hui, il y a plus de potentiel dans la création de contenus. Mais le foot reste ma passion première."

Et si un club lui proposait un contrat professionnel à condition qu’il stoppe son activité parallèle ? "Si je devais ne penser qu’à moi, je dirais oui, parce que c’est mon rêve. Mais aujourd’hui, je travaille avec plusieurs personnes dont c’est le job à plein temps. Donc j’ai une certaine responsabilité vis-à-vis d’eux. Je ne peux pas me permettre de faire n’importe quoi", répond celui qui a suscité des vocations dans le milieu du ballon rond, à l’heure où sa chaîne YouTube cumule près de 300 vidéos, dont plus de 120 épisodes de #QDF. Certains joueurs de Ligue 1 et Ligue 2 lui ont d'ailleurs écrit en privé pour le féliciter.

"C’est un peu triste de voir certains comportements"

De quoi lui mettre une certaine pression sur les épaules les jours de match: "Oui, ça change tout. Chaque week-end, des abonnés se déplacent pour me voir sur le terrain. Mais je me suis habitué. Ça rajoute vraiment quelque chose au niveau de l’ambiance. Concernant les adversaires, en championnat, ça va. En N2, les gars sont comme des pros. Ils sont concentrés sur leur performance. Mais en coupe, quand on va dans des stades plus modestes, c’est parfois plus compliqué. C’est plus que le match de leur vie. Il y a des paroles… Parfois, c’est même un peu triste de voir certains comportements. Mais bon, c’est le jeu."

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Proche de Malang Sarr, le défenseur de Chelsea, Olivier Boscagli, qui évolue au PSV Eindhoven, Nabil Alioui, l’ailier du Havre, ou Loïc Badiashile, le gardien de Burgos (grand-frère de Benoit Badiashile), Valentin Liénard apprécie le style des frères Lucas et Théo Hernandez: "J’aime bien ce qu’ils dégagent. Ils ont cette grinta dans les duels et l’envie. Mais en même temps, ils ont cette capacité à amener le danger devant."

"Fernando Alonso et Carlos Sainz ont du ballon"

A défaut d’avoir percer à l’ASM, "Val" a été convié à deux reprises à participer à un match de gala organisé au stade Louis-II, au profit de l’association présidée par le Prince Albert II, qui œuvre pour les enfants défavorisés dans le monde. L’occasion de taper le ballon avec des stars comme Francesco Totti, Marco Simone, Sonny Anderson, Jérôme Rothen, Vincent Candela ou Jérémy Ménez. "La détermination de Claude Puel m’a marqué, souffle-t-il. Il a voulu jouer les 90 minutes à fond, avec des petits coups de vice. C’était vraiment pas mal alors qu’il n’a plus vingt ans (rires)."

Ces rencontres caritatives lui ont permis de défier des stars de la Formule 1 en crampons. Avec quelques belles surprises. "Je suis fan de F1 donc j’étais aux anges. Il y en a deux qui se démarquaient bien, c’est les Espagnols Fernando Alonso et Carlos Sainz. Pierre Gasly était pas mal aussi. Franchement, ils avaient du ballon. Même un gars comme Charles Leclerc, qui n’est pas forcément très bon au foot, ça reste un athlète. De manière général, ils avaient tous de l’endurance et une certaine puissance." Liénard devrait à nouveau être de la partie lors de la prochaine édition dans la Principauté.

Du temps de jeu et une chaîne Twitch en 2024

D’ici-là, il entend gagner sa place au TEGG et répondre présent dès que le staff fera appel à lui (il a été titulaire une fois depuis sa signature). En espérant se hisser en National le plus vite possible. Avant, pourquoi pas, de viser encore plus haut... En attendant, Valentin Liénard lancera prochainement une chaîne Twitch pour étendre encore sa fan base. Il a aussi prévu de recevoir des personnalités en Savoie pour partager son expérience avec eux. Et continuer à grandir, sur le terrain comme à l’écran.

Article original publié sur RMC Sport