Champ d'action, composition, sanctions… Comment fonctionne la commission de discipline de la LFP

Champ d'action, composition, sanctions… Comment fonctionne la commission de discipline de la LFP

Parfois jugée trop sévère, parfois présentée comme trop laxiste… La commission de discipline de la LFP suscite de nombreuses interrogations chez les supporteurs des clubs professionnels. Connue pour infliger des sanctions après des cartons rouges ou des incidents en marge des rencontres de Ligue 1 et Ligue 2, cette commission reste pourtant assez obscure aux yeux du grand public. Aussi bien dans sa composition que dans son fonctionnement… La commission de discipline de la LFP est investie de son pouvoir via une convention avec la FFF qui lui donne l’autorité pour statuer sur les joueurs, salariés ou bénévoles des clubs ainsi que sur toutes les questions relatives aux compétitions organisées par la Ligue de football professionnel.

Ce mercredi, c’est elle qui étudiera le comportement du parcage lyonnais le soir du match OM-OL. Si cette rencontre n’a pas eu lieu après le caillassage du bus de l’équipe rhodanienne, des supporteurs des Gones se sont rendus coupables de gestes ouvertement racistes devant les fans phocéens comme des saluts nazis et des mimiques de singes.

Comment et dans quels cas la commission de discipline est saisie?

L’Olympique lyonnais l’a compris à ses dépens après l’Olympico, la commission de discipline n’est pas compétente dans toutes les affaires liées au championnat de France dès lors que les incidents se produisent en dehors d’une enceinte sportive. Pourtant, le travail de l’instance porte sur de nombreux aspects des rencontres et pas seulement les gestes des joueurs sur la pelouse.
"Ces dernières années, la commission de discipline accompagne les changements de la société avec de plus en plus de sujets liés aux discriminations", explique son président Sébastien Deneux pour RMC Sport. "Avant, elle se contentait de traiter les cartons rouges et de la police des terrains (comme les engins pyrotechniques, NDLR) mais aujourd’hui son spectre d’intervention s’est clairement élargi."

La commission de discipline de la LFP ne peut pas se réunir de son propre fait et doit être saisie par des acteurs du football tricolore. Ainsi, les membres du conseil d’administration de la LFP, ceux du Comex de la FFF ou ceux du Conseil national de l’éthique (CNE) peuvent lui demander de statuer sur une affaire.

Les rapports des arbitres ou d’un délégué au sujet d’un match peuvent aussi servir de point de départ à une saisine de l’instance. Idem pour les autres commissions de la LFP qui pourraient lui demander son intervention. Enfin, "toute personne physique ou morale" peut la saisir si une décision d’une commission de la LFP n’est pas appliquée. Dans les faits, la commission de discipline de la LFP peut être appelée à statuer sur six situations bien précises : - étudier les manquements disciplinaires des joueurs, entraîneurs et dirigeants lors les matchs - statuer sur la responsabilité des clubs à l’occasion d’incidents survenus dans le stade avant, pendant, et après les rencontres - se prononcer sur les incidents visant un officiel (ou un fait grave contre un acteur) en dehors du match - sanctionner toute violation aux règlements applicables aux compétitions de la LFP - statuer sur les actions contraires à la Charte éthique du football ou constituant un manquement à l’honneur et l’image du football et de la LFP - prendre des mesures sur les violations à la réglementation en vigueur au sujet des paris sportifs des acteurs du football professionnel en France.

Comment est composée la commission de discipline?

Assez peu présente dans les médias, la commission de discipline s’exprime publiquement via des documents officiels. Après chacune de ses réunions, ses décisions sont transmises par voie de communiqué sur le site de la LFP. On y apprend ainsi les sanctions prises contre les joueurs exclus ou après certains incidents de supporteurs. Mais derrière ce nom de commission de discipline, se trouve en réalité un panel composé de cinq à quinze membres indépendants selon le règlement.
"Ces membres sont choisis, notamment, en raison de leur compétence d’ordre juridique ou en matière d’éthique et de déontologie sportives", précise le règlement disciplinaire de la Ligue pour la saison 2023-2024. À l’heure actuelle, on compte donc douze personnes (onze hommes et une femme) dans cette commission: un président, deux vice-présidents et neuf membres simples. Tous bénévoles, les membres de l’instance sont simplement défrayés et consacrent une demi-journée par semaine à la commission présidée par un avocat expérimenté.

"Sébastien Deneux, son président, est engagé depuis longtemps, c’est un passionné de foot et de droit, il est jeune et apporte son expertise à la commission en assumant une charge importante", salue Arnaud Rouger, directeur général de la LFP, pour RMC Sport. "Il fait toujours preuve de beaucoup de pédagogie dans le rendu de ses décisions."

C'est justement cette compétence accrue dans les questions juridiques, éthiques et sportives qui permet aux membres de la commission de faire face aux nombreux cas auxquels ils sont confrontés tout au long de l'année.

"L’engagement de la commission de discipline est sans faille malgré la lourdeur des dossiers qu’elle peut avoir à traiter qui n’est pas à négliger. Elle se réunit toutes les semaines. Cela fait presque 50 réunions par an. Elle travaille tout le temps", poursuit Arnaud Rouger. "Tout cela demande une compétence variée des membres et des profils différents. Juriste, ancien joueur, personnalité extérieure au foot. L’objectif étant de rendre des décisions les plus justes possibles."

Arnaud Rouger, DG de la LFP: "Tout le monde a un avis sur les différents cas. Il y a 60 millions de membres de la commission de discipline en France mais il n’y en a qu’une qui tranche au final en étant très exposée. Cela impose le respect."

Comment se déroule l’étude d’une affaire par la commission de discipline?

Après la saisine et avant d’être étudiée par la commission de discipline, chaque affaire fait l’objet d’une enquête approfondie. Les membres de la commission sont épaulés par quatre instructeurs (et leurs suppléants). Sur chaque affaire, un instructeur est ainsi chargé d’enquêter pendant la mise en instruction du dossier. Parmi ces quatre instructeurs, se trouvent deux anciens délégués de la LFP, un ancien magistrat judiciaire, un ancien responsable juridique de club. Après l’instruction de l’affaire, place à la réunion de la commission de discipline à proprement parler.

Comment se déroule une réunion de la commission de discipline?

Une fois l’instruction effectuée, place à la réunion de la commission de discipline où l’affaire va être jugée. Dans un premier temps, les membres présents assistent à la lecture à voix haute des rapports des délégués et arbitres concernant un match. On peut ainsi y trouver des précisions des officiels concernant un fait de match ou un incident en dehors du terrain comme une insulte précise d’un joueur, un comportement outrageant…

Vient ensuite un temps de visionnage des faits si des vidéos de l’incident examiné existent. Après l’examen des faits et des potentielles preuves matérielles, les différentes parties impliquées dans une affaire sont auditionnées de manière systématique physiquement à Paris (au siège de la LFP) ou en visioconférence.

Après les auditions, les membres de la commission de discipline délibèrent à huis clos et sans la présence de toutes les parties directement concernées. L’avant-dernière étape de la réunion est constituée par le vote à la majorité des membres pour une potentielle sanction. Enfin, toute la partie administrative (compilation des rapports, envois des éléments aux clubs concernés…) est assurée par les services de la Ligue pour soulager les membres de la commission dont la mission est alors achevée.

"Le communiqué de presse qu’on vous envoie toutes les semaines est un résumé des décisions. Mais les procès-verbaux envoyés aux clubs font plusieurs pages", a rappelé Arnaud Rouger. "C’est très argumenté. La complexité et l’impact des sujets qu’elle traite lui permettent de gagner en maturité, en expertise. Elle se bonifie avec le temps."

Comment la commission statue après des faits de match ou des incidents?

Tout au long d’une réunion, les membres de la commission de discipline de la LFP étudient donc avec minutie les pièces à charge et à décharge sur un dossier bien précis. Après cet examen approfondi, le vote est le moment clé de la réunion. La commission de discipline de la LFP peut délibérer en présence d’au moins trois membres sur les douze qui la composent actuellement.

"Les décisions sont prises à la majorité simple des suffrages valablement exprimés. En cas de partage égal des voix, celle du président de séance est prépondérante", souligne ainsi le règlement disciplinaire de la Ligue pour la saison 2023-2024. "En cas d’absence du président, les débats sont présidés par le vice-président. En cas d’absence du président ainsi que des deux vice-présidents, un membre désigné par les membres présents préside les débats."

Le huis clos imposé au moment de la délibération contribue également à la parfaite indépendance des décisions prises par les membres de la commission de discipline présents. Toujours afin de garantir cette indépendance, chaque participant à l’une des réunions de l’instance doit prévenir, et se retirer, s’il se retrouve directement ou indirectement lié à l’affaire en cours.

"C’est très précieux pour la LFP de pouvoir compter sur l’engagement de ses membres. Leur bénévolat assure une indépendance totale. Il n’y a pas de conflit d’intérêt", a encore précisé Arnaud Rouger, le directeur général de la Ligue. "Je suis très fier du fonctionnement de la Ligue en général et de la commission de discipline en particulier. Elle a aussi l’humilité d’être une commission de première instance. C’est-à-dire que ses décisions peuvent faire l’objet d’appels devant la FFF ou le CNOSF."

Comment est décidée l'étendue des sanctions?

Un dernier point sur la commission de discipline de la LFP peut également sembler assez flou pour les supporteurs ou pour certains acteurs de la Ligue 1 et de la Ligue 2: la sévérité des sanctions infligées aux joueurs, clubs et dirigeants.

Mais contrairement à ce que certains pourraient penser, les membres de la commission de discipline ne décident pas comme bon leur semble d’une sanction. Un certain nombre de données sont déjà fixées dans les statuts disciplinaires de la LFP et en adéquation avec ceux de la FFF. C’est notamment le cas pour toutes les infractions liées à la police des terrains, c’est-à-dire les incidents avec les supporters dans le stade (un éventail de sanctions à retrouver dans l’image ci-dessous).

Pour ce qui est du large éventail des sanctions contre les clubs ou personnes physiques (joueurs, entraîneurs, salariés, dirigeants), le barème de la commission de discipline peut ainsi aller du simple rappel à l’ordre jusqu’à des interdictions d’être affilié à la FFF (pour les clubs) ou des suspensions de longue durée de toute activité liée aux instances ou compétitions de la LFP. Compte tenu de leur expérience et de leur vécu, les membres de la commission décident ensuite, dans cet éventail de peines, des sanctions prononcées. De la même manière, il est prévu dans le règlement disciplinaire de la Ligue qu’un joueur ayant reçu trois cartons jaunes en l’espace de dix matchs officiels soit suspendu pour une rencontre. Dans ce cas, et sauf contestation du joueur concerné, la commission de discipline n’a même pas besoin d’étudier le dossier puisque la sanction est prévue de manière automatique.

"Cette commission fait un travail très pertinent. Elle est bien dirigée. Son président, Sébastien Deneux et son équipe sont toujours posés, réfléchis. Elle ne peut pas satisfaire tout le monde mais les sentences qu’elle prononce sont nécessaires", explique pour RMC Sport le président du club d'Amiens, Bernard Joannin. "Mes joueurs qui peuvent se faire sanctionner respectent beaucoup les décisions de la commission et savent que c’est une autorité utile dans notre football. C’est une bonne commission."

Article original publié sur RMC Sport