Basket: Les raisons du fiasco de l'équipe de France, éliminée au premier tour

Basket: Les raisons du fiasco de l'équipe de France, éliminée au premier tour

Un niveau de jeu loin des standards bleus

95 points encaissés contre le Canada, 88 points contre la Lettonie, la France fut très loin de ses standards défensifs, ce qui est pourtant sa base et son identité. Vincent Collet le déplorait après l’élimination: "On a fait nos médailles sur l'identité défensive et là, elle s'est effritée, si elle n'a pas disparu, elle s'est effritée. Donc il faudra nécessairement commencer par là."

Dominés physiquement par le Canada et Shai Gilgeous-Alexander, les Bleus ont de nouveau eu du mal à contenir un meneur-arrière contre la Lettonie. Arturs Zagars, joueur plutôt méconnu, a signé 22 points à 3/5 à 3 points et délivré 5 passes décisives. Aucun joueur français n’a été en mesure de l’arrêter. Que ce soit sur le 4e meilleur marqueur de NBA (SGA) ou le modeste meneur cette saison de Nevezis Kedainiai en Lituanie, les extérieurs français ont tous pris le bouillon défensivement. Consciente de la dissuasion de Rudy Gobert dans la raquette, les équipes adverses ont surutilisé le tir à 3 points, plus de 50% des tirs pris (71 sur 134). Avec 75 points encaissés depuis la ligne à 3 points sur les 183 concédés contre le Canada et la Lettonie, la France a été incapable de stopper les shooteurs adverses.

Offensivement, les Bleus ont eu le même travers qu’à l’EuroBasket 2022 : les balles perdues. 18,5 sur les deux matchs. Au niveau international, c’est fatal surtout quand dimanche contre la Lettonie, les joueurs ont aussi laissé échapper 10 rebonds offensifs. C’est autant de possessions redonnées à l’adversaire. L’an passé, les absences de Batum et De Colo avaient été mentionnées pour expliquer ce manque de liant. Leur retour n’a rien changé. De Colo a été exclu dimanche sans avoir mis le moindre point et Nicolas Batum (0 point contre le Canada) n’a pas eu d’impact suffisant pour sauver le navire.

Autre point qui fâche, l’utilisation du secteur intérieur. Rudy Gobert n’a pas dominé. Avec 8,6 points, 8 rebonds en 26 minutes de moyenne, un seul panier inscrit dans le jeu contre la Lettonie (7 sur 8 aux lancers francs), le pivot des Timberwolves n’a pas pu briller. La responsabilité est double car les relations extérieurs – intérieurs furent quasi nulles sur cette compétition. Mais le pivot de 2m16 a aussi sa part de responsabilité dans sa disponibilité. Après le Canada, le natif de Saint-Quentin avait d’ailleurs assumé.

Seul cadre à avoir assumé son statut, Evan Fournier. Avec 24 points de moyenne, le joueur des Knicks cantonné toute la saison au banc, a tenté de sauver la patrie. Multipliant exploit individuel sur exploit individuel, il a laissé plusieurs fois la France dans le match. Le deuxième meilleur marqueur français derrière l’arrière est Guershon Yabusele avec 11 points de moyenne. L’intérieur du Real Madrid était passé au travers contre la Canada (3 points) avant de se ressaisir dimanche.

Les choix du staff, voulus ou contraints, interrogent

En choisissant d’emmener un meneur prometteur mais inexpérimenté, Sylvain Francisco, et trois joueurs au profil semblable (Yakuba Ouattara, Terry Tarpey, Isaia Cordinier), Vincent Collet a manqué cruellement de relais de Nando De Colo à la création. Elie Okobo au profil hybride (meneur arrière) a énormément déçu. Pourtant lancé dans le cinq pour débuter la deuxième mi-temps conte la Canada à la place de De Colo, il a été dominé par Gilgeous-Alexander. En grande difficulté, Vincent Collet a laissé le joueur de l’AS Monaco Basket, quinze minutes de suite sur le parquet. Après deux matchs, Okobo a passé 23 minutes au total sur le terrain pour aucun tir marqué (0/6).

L’absence d’Andrew Albicy, meneur présent lors des trois dernières campagnes conclues par trois podiums, a pesé. Son expérience, sa maturité a fait défaut alors que le jeune Sylvain Francisco a été envoyé au feu. Le staff avait préféré multiplier des extérieurs plus grands que le meneur de Gran Canaria (1m78) mais le profil d’un joueur gestionnaire pouvant défendre, a clairement fait défaut.

Vincent Collet a aussi subi un certain nombre d’évènements. Le forfait de Ntilikina à 3 jours de s’envoler pour l’Asie. Les tergiversations autour de la santé de Mathias Lessort, finalement apte, et qui a été utile sur ces deux matchs. Collet avait fait appel à Makoundou et Poirier qui se tenaient prêts jusqu’au dernier moment. Il y a aussi eu le départ d’un de ses assistants: Laurent Foirest qui a renoncé à la Coupe du monde pour prendre en main l’équipe des Metropolitans 92.

Mais le premier coup dur est intervenu fin juin quand Victor Wembanyama a renoncé à la Coupe du monde. Le numéro 1 de la draft, épuisé par un mois de juin entre la finale du Championnat de France et sa folle semaine entre New York et San Antonio, Wemby a préféré prendre du repos afin de lancer au mieux sa saison NBA avec les San Antonio Spurs. Une décision comprise par les joueurs et Collet qui ne niait cependant pas avoir pris un coup sur la tête.

Enfin l’éternel dossier Joël Embiid. Nicolas Batum a aussi envoyé un message en demandant à ce que les joueurs soient "commit" c’est-à-dire engagés pour le maillot bleu. Le pivot des Sixers n’a pas choisi pour quelle nation il voulait jouer (France, Etats-Unis ou Cameroun). Il a renoncé à disputer la Coupe du monde pour pouvoir se marier cet été. Depuis un an et sa naturalisation française, Embiid n’a toujours pas fait de choix clair entretenant le flou sur son avenir.

Sous contrat jusqu’en 2024, le staff et surtout Vincent Collet vont s’entretenir avec le Président de la Fédération pour le traditionnel bilan après compétition. A un an des Jeux Olympiques, il paraît peu probable qu’un changement s’opère à la tête de l’équipe de France d’autant que Collet restait sur trois podiums de suite et qu’aujourd’hui aucun candidat ne sort du lot pour le remplacer.

Une préparation entre deux avions

Moins d'un mois pour cette "prépa" qui a débuté le 28 juillet pour un début de compétition à Jakarta le 25 août. Il y a d’abord la contrainte de l’accord NBA–FIBA (Fédération Internationale) sur la mise à disposition des joueurs NBA pour la Coupe du monde et la préparation. Moins de jours de présence autorisés en sélection pour les quatre pensionnaires de NBA des Bleus (Batum, Fournier, Gobert, Ntilikina) donc moins d’entraînements possible. Mais ce qui agace aussi, c’est le programme de la préparation. Les Bleus se sont réunis le 28 juillet à Pau où ils ont passé les tests médicaux et disputé un premier match amical contre la Tunisie (93-36). Le lendemain, l’équipe prenait la direction de Montpellier pour un deuxième match amical le 2 aout contre le Monténégro (80 - 69). Puis les Bleus ont traversé la France direction Orléans pour deux matchs le 7 août contre le Vénézuela (86-67) puis le 9 août contre la Lituanie (90–72). Le lendemain, l’équipe de France s’envolait pour Vilnius afin de disputer le retour contre la Lituanie sur leurs terres (76-70). Retour dans la nuit en avion en région parisienne pour le week-end et un départ le lundi 14 août pour le Japon. En Asie, les Bleus ont eu deux matchs amicaux, le 17 août contre le Japon (88 – 70) et enfin l’Australie le 20 août, seule défaite (74-78). Un incroyable périple qui a privé l’équipe de beaucoup d’entraînements. Mais il y a aussi l’adversité rencontrée car seule l’Australie jouit d’un statut de nation du Top 8 mondial. Collectivement, la France a bien joué durant cette préparation mais c’était peut-être dû à des adversaires sous-dimensionnés. Autre couac durant cette préparation, la blessure de Frank Ntilikina en Lituanie qui a contraint le sélectionneur à appeler Isaia Cordinier.

L'épineux cas Thomas Heurtel

C’est une décision qui n’a jamais vraiment été acceptée par le groupe. En juillet 2022, la Fédération impose la signature d’une charte aux joueurs leur demandant de s’engager à ne pas jouer en Russie ou Biélorussie sous peine d’être exclu de l’équipe de France. Alors sans club, Heurtel signe malgré les rumeurs insistantes de contacts avec des clubs russes. La décision d’imposer une telle charte avait été peu du goût des joueurs comme Evan Fournier qui avait déclaré "ne pas être fan" d’une telle initiative. Quelques jours après la fin de l’EuroBasket, Heurtel s’engage avec le Zenit Saint-Pétersbourg et est donc exclu de l’équipe de France. Le meneur aux 99 sélections, était un joueur majeur des Bleus, vice-champion olympique et d’Europe. Son absence n’est pas comprise au sein du groupe de France. Les mots de Nicolas Batum: "On se prive de certains joueurs", font référence à Heurtel. Vincent Poirier, non retenu pour le Mondial, a tweeté, avant de supprimer son message: "Vous pensez punir un joueur mais vous avez puni tout un groupe."

Car ce qui est aussi incompris du côté des joueurs de l’équipe de France, c’est que la Fédération Française de Basketball est l’une des seules avec le hockey sur glace à avoir imposé une telle règle. Au volley, Jenia Grebenikov, le libéro et joueur du Zenit Saint Petersbourg avant et pendant la guerre en Ukraine, est toujours sélectionné et il figure dans la liste pour l’Euro qui débute le 30 août.

Article original publié sur RMC Sport